« … and saw the island rising in the distant sheen, white and filmy; a phantom island. »
Sheridan Le Fanu
Les combats d’un couple à la dérive qui se perd dans les paysage envoûtants et énigmatiques d’Irlande. Un film délibérément mélodramatique, avec un style visuel audacieux et expérimental qui plane sur la fine frontière entre la fiction et le documentaire. Accompagné d’un design sonore remarquable, la caméra de Rouzbeh Rashidi se penche sur les paysages nébuleux et déformés, et élève ainsi la tension entre les deux personnages au point de les dissoudre dans les îles vaporeuses.
Le Festival du nouveau cinéma (FNC), c’est l’occasion de voir du cinéma expérimental. J’en ai donc profité pour visionner Phantom Islands de Rouzbeh Rashidi, un film sans une seule parole et sans son synchro. Une aventure cinématographique comme je n’en avais encore jamais vue.
Des bruits d’orages, des images hors focus, des sons asynchrones… Et aucune parole. Oui, Phantom Islands est déroutant.
J’aime bien ce genre de cinéma. J’aime lorsqu’un cinéaste réussit à me prendre au dépourvu. Et Rashidi a réussi. Il y a de très belles scènes dans ce film. Je pense, entre autres, à une scène de chicane entre les deux personnages nus, dehors, avec l’océan en image de fond. Ou encore à cette image qui revient encore et encore, dans laquelle la jeune femme prend une photo avec un appareil polaroid.
Évidemment, un film de 86 minutes sans un mot et dans un seul lieu, ça ne plait pas à tous. De mon côté, je ne suis même pas en mesure de dire s’il s’agit d’un bon film ou non. Mais n’est-ce pas là une des qualités d’un film expérimental?
Avec Phantom Islands, je me retrouve à nouveau dans un débat qui m’a frappé en pleine face il y a quelques mois de ça. Et c’est le réalisateur qui en parle lorsqu’il explique son cheminement pour ce film : «…le documentaire est-il simplement une catégorie de fiction, un terme utilisé pour donner au public une indication du type de film qu’il regardera? »
Oui, Rashidi réfère à son film comme étant un documentaire de création… Mais il précise en ajoutant que son film est «un documentaire au moment où le documentaire et la fiction deviennent indiscernables. »
Mais à quel moment une personne ou un paysage filmé devient-il une fiction? À quel moment une construction fictive retombe-t-elle dans la réalité documentaire du moment où elle est filmée?
Phantom Islands utilise des images généralement classées comme documentaires: portraits de populations locales sur les îles où le film a été tourné, images d’autres visiteurs et membres de l’équipage travaillant ou relaxant. Il y a ensuite la fiction: des performances stylisées et mélodramatiques à la fois véhiculant et caricaturant les extrêmes de l’émotion. Les deux approches sont des réactions aux paysages insulaires qui contiennent inévitablement toutes ces figures. Mais les îles elles-mêmes fluctuent entre être présentées comme des clichés de cartes postales et des sites d’exploration et de désorientation sauvages.
Alors? Documentaire ou fiction? Quoiqu’il en soit, si vous voulez vivre une expérience cinématographique déstabilisante, achetez vos billets car vous ne serez pas déçu.
Note : ???/10
Phantom Islands est présenté au FNC les 4 et 11 octobre 2018.
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