« — Je ne comprends pas pourquoi tu as cette obsession à devoir toujours lui pardonner.
— Parce qu’un père est toujours un père. »
Lorenzo (Renato Carpentieri), célèbre avocat tombé en disgrâce suite à des problèmes d’ordre professionnel, entretient des relations conflictuelles avec ses enfants. Un jour, un jeune couple vient s’installer dans l’appartement d’en face. Ils sont aussi beaux et extravertis que Lorenzo est grincheux et méfiant…
Avec La tenerezza (La tendresse), Gianni Amelio offre un film typique du grand cinéma italien. C’est quoi un film typique du cinéma italien? C’est un film avec peu d’action, mais avec de l’émotion, avec de grandes performances d’acteurs et des dialogues touchants et forts. Ici, le réalisateur nous plonge dans la notion non nucléaire de la famille. On nous plonge dans l’univers de deux pères qui se demandent s’ils aiment leurs enfants…
Ce n’est un secret pour personne, la famille tient une place importante dans la culture italienne. Et c’est cela même qui rend La tenerezza (et ses personnages) si intéressant. Ils vont à contre-courant des normes établies. Lorenzo et Fabio sont de mauvais pères. Ils admettent même ne pas aimer ou ne pas savoir aimer leurs enfants. Lorenzo explique à Fabio à quel point on aime nos enfants quand ils sont petits. Mais, éventuellement, ils deviennent grands et on cesse de les aimer.
Étant moi-même papa de deux petits bonshommes, j’aurais pu être choqué par ces paroles. Peut-être aurais-je dû les détester. Mais sans savoir pourquoi, j’ai plutôt ressenti une sorte de tristesse pour eux… Une sorte de tendresse à leur égard.
Mais une chose est sûre. L’image typique de la famille italienne est malmenée par Amelio. Une réplique d’Elena, la fille de Lorenzo, explique bien une certaine réalité aussi. Le fils en veut profondément à son père, mais, elle, elle lui répond qu’elle lui pardonne parce qu’un père est un père. Et on en a qu’un…
Tout au long de La tenerezza, on se retrouve pris entre les sentiments de tristesse et de tendresse. Pourquoi? Parce que malgré leur côté antipathique, les deux hommes sont incroyablement humains. On ne peut pas en vouloir à Fabio d’être comme il est. On pourrait résumer sa vie dans cette phrase qu’il dit à Lorenzo : « Dans la vie, tout ce que nous faisons est un prétexte pour que les gens nous aiment. »
Toute sa vie n’aura été qu’une tentative pour ne pas se retrouver seul. Toute sa vie il n’aura fait que des choses dans le but de plaire aux autres. Toute sa vie n’est que désir. Le désir d’être accepté par les autres…
Fabio perd patience (extrait en italien sans sous-titres)
Pour Lorenzo, c’est une tout autre histoire. Une vie d’égoïsme l’aura mené à finir ses jours seul. Et encore là, il fait tout pour se faire abandonner par ses enfants. La seule personne qui réussira à le toucher, à lui inspirer de la tendresse est Michaela, sa gentille et douce voisine, la femme de Fabio. Évidemment, les gens de son entourage ne comprennent pas cette relation de pure tendresse entre les deux. Étrangement, ça me rappelle une chanson de Ginette Reno : « Fais-moi la tendresse ».
Je parlais du cinéma typique italien en début de texte. Comment je le retrouve? Dans cette sublime musique de Franco Piersanti. Une musique qui n’apparait pas souvent, mais qui remplit d’émotion. Une musique qui, à elle seule, peut vous faire pleurer… Un peu comme dans Dalida, de Lisa Azuelos. Et, évidemment, il y a l’accordéon.
Mais la force du cinéma italien reste pour moi les textes et le jeu des acteurs et actrices. Micaela Ramazzotti est, comme dans La pazza gioia, lumineuse. Elle montre cette grande capacité qu’a le peuple italien à garder l’espoir bien vivant, même lorsque la noirceur est présente. Elle réussit, avec peu de mots et par son non verbal, à nous faire ressentir toutes les émotions que contiendraient 20 pages de textes. Renato Carpentieri réussit quant à lui à interpréter avec justesse le genre de personnage qui finit presque toujours en caricature. Et Elio Germano crée un personnage attachant, plein de tristesse. Un personnage qu’on pourrait si facilement haïr. Mais ça aurait complètement gâché le film.
La tenerezza, c’est l’explication du « pourquoi j’aime le cinéma italien ». Un grand film qui se retrouvera sans le moindre doute, dans mon top 5 de fin d’année…
Note : 9.5/10
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