Joey and the Leitis – La beauté est dans l’œil qui regarde…

« Quand tu te sens bien, ça finit toujours dans la douleur… »
Joey

Leitis in Waiting - afficheLe documentaire Joey and the Leitis (Leitis in Waiting) de Dean Hamer, Joe Wilson et Kumu Hina Wong-Kalu parle de femmes dans des corps d’hommes vivant dans l’archipel des Tongas. Le seul endroit qui n’a jamais été colonisé.

Les réalisateurs ont voulu montrer les côtés intimes et personnels de ces hommes qui ont compris à un très jeune âge qu’ils étaient des filles au fond d’eux-mêmes. L’un raconte que tout petit, sa mère lui avait fait porter la robe de la grande poupée de sa sœur et que, dès lors, il avait compris qu’il était dans le mauvais corps. Un autre dit que ses grands-parents l’appelaient leur princesse…

Les gros plans de ces individus nous obligent à partager la bulle intime de ces hommes actifs dans leur communauté, mais qui doivent revendiquer constamment leur place au soleil. Et il y a beaucoup de soleil à Tonga!

C’est une situation assez singulière que d’entrer dans ce décor qui serait paradisiaque pour tout autre film, mais qui détonne avec le propos du document. Le film ne montre d’ailleurs aucune prise de vue « carte postale », se contentant plutôt de laisser la parole aux hommes-femmes qui ont bien voulu participer au projet.

Joey and the Leitis - Joey Mataele
Joey Mataele

On serait portés à croire que le sujet de ceux que l’on nomme des travestis et/ou transgenres et/ou homosexuels efféminés aurait pu se situer n’importe où, à Montréal comme à Stockholm, mais l’originalité ici c’est la surprise proposée au spectateur de nous amener dans un endroit aussi exotique que possible et de creuser ce sujet avec des autochtones. Ici, on serait portés à les nommer les grandes folles tellement leur expression féminine est exagérée.

Je n’ose mettre une étiquette sur ces hommes, car, dans le film, on n’entend qu’une seule fois le terme transgenre. On les nomme et ils se nomment eux-mêmes des Leitis, qui, dans la langue Tonga, veut dire transgenre. La beauté est dans l’œil qui regarde dit l’adage, mais ici on voit de près des Leitis qui ne correspondent pas du tout aux canons de beauté occidentaux. On a l’impression d’assister à un genre de parodie de modèles hors normes.

Aucun d’entre eux-elles ne pourrait confondre quiconque.

Violence physique et violence psychologique

Si la reine, 90 ans, accepte très bien les Leitis, le document parle de la violence à laquelle fait face cette communauté marginale.

Joey and the Leitis - Joey sings RainbowL’un d’entre eux-elles fait remarquer que leurs activités de travail tournent toujours autour du service dans les restaurants, aux funérailles et pour les fêtes. On ajoute même qu’ils-elles ont la force des hommes et le raffinement des femmes.

Plusieurs témoignages expriment la honte vis-à-vis d’eux-elles. L’Église catholique les tolère assez bien, le Cardinal interviewé dans le film parle avec bonté de paix pour ces gens qui ne veulent que ça, la paix. Mais les évangélistes, assez nouvellement établis dans l’archipel, citent la Bible qui leur réserverait un tout autre sort, plutôt cruel. Le pasteur ne se gêne pas pour leur envoyer le message qu’ils-elles devraient recevoir Jésus et reconnaître leur vraie nature.

Ils-elles sont donc continuellement victimes de violence et de discrimination. Suite à ce film, Keuli Malakai a été sauvagement battu et assassiné, écrit-on en archive.

Joey and the Leitis - Leitis on Fafa Island
Sur l’ile Fafa

Tonga est une société virile, des gars qui grimpent dans un cocotier, qui vont à la pêche, qui creusent des pirogues. Ces gros bonshommes qui choisissent d’être de grosses bonnes femmes n’ont pas fini de faire parler d’elles…

Moi, je me considère ouvert à tous, mais j’ai ressenti un malaise tout au long de ce film. Au fond, être Leitis à Tonga ou transgenre à Montréal, c’est nager à contre-courant…

Joey and the Leitis a par contre le mérite d’aller au fond de son sujet et de nous en mettre plein la vue.

Pas facile d’être le diable au paradis…

Note : 6.5/10

Joey and the Leitis est présenté au Festival Présence autochtone le 12 août 2018.

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