« This is just a metaphor. »
[C’est seulement une métaphore.]
Madeline l’a eu! Elle va jouer le rôle principal dans une pièce de théâtre! Sauf que le personnage porte des pantalons de survêtement comme ceux de Madeline. Et a un chat, comme celui de Madeline. Et tient un fer à repasser chaud juste à côté du visage de sa mère – comme Madeline le fait.
Madeline (Helena Howard) est devenue partie intégrante d’une prestigieuse troupe de théâtre physique. Lorsque l’ambitieuse réalisatrice de l’atelier, Evangeline (Molly Parker), pousse l’adolescente à tisser son riche monde intérieur et son histoire troublée avec sa mère (Miranda July) dans leur art collectif, les frontières entre performance et réalité commencent à s’estomper. La bataille qui en résulte entre l’imagination et l’appropriation s’arrache l’espace de répétition et la vie des trois femmes.
Présenté en première mondiale au 2018 Sundance Film Festival et en première internationale à la Berlinale 2018, Madeline’s Madeline de Josephine Decker nous présente une jeune femme brillante et troublée, dont la vie devient une performance.
Madeline est profondément impliquée dans une production de théâtre immersive et improvisée, dont la metteure en scène, Evangeline, devient obsédée par sa nouvelle star au magnétisme puissant, et commence à adapter la production en utilisant des révélations personnelles tirées des expériences de Madeline.
Rapidement la relation entre la jeune femme de 16 ans et la metteure en scène devient problématique. La jeune veut réussir et elle est prête à suivre celle qu’elle voit comme une mère pratiquement partout. Le reste de la troupe, par contre, en vient à comprendre que la pièce s’en va dans n’importe quelle direction et que la femme en charge ne sait pas trop, elle-même, où tout ça s’en va.
On dit souvent que l’art s’inspire de la réalité. Mais qu’arrive-t-il lorsque la réalité s’inspire ensuite de l’art qui s’en réinspire par la suite?
Pour ajouter à la nébulosité de toute cette histoire, il y a les antécédents flous de Madeline. L’adolescente est-elle saine d’esprit? Est-elle atteinte d’une maladie mentale? Souffre-t-elle de bipolarité? À moins que ce ne soit sa mère qui éprouve certains problèmes?
Madeline est la fille d’une mère poule autoritaire. Mais Madeline est une jeune actrice, qui, avec la troupe de théâtre expérimental, explore la corrélation entre l’art et la vie. À travers son regard se déploie une expérience : un mélange flou de murmures, de rires enfantins et de folie douce.
Du coup, Madeline’s Madeline est une exploration dramatique des tensions rencontrées par de nombreuses familles et tend à répondre à une question à laquelle Decker a réfléchie dans sa propre vie : « To me, the nature/nurture question around mental illness is really confusing. As a parent, are you contributing to your child’s mental illness, or are you mentally ill and creating an illness within the child? When a child is mentally ill, it can bring out some of the more destructive habits of the parent, so there’s something there. » [Pour moi, la question de la nature/éducation autour de la maladie mentale est vraiment confuse. En tant que parent, contribuez-vous à la maladie mentale de votre enfant, ou êtes-vous malade mental et créez-vous une maladie chez l’enfant? Quand un enfant est malade mental, il peut faire ressortir certaines des habitudes les plus destructrices du parent, alors il y a quelque chose là-dedans.]
Les images et les séances d’expérimentation théâtrales contribuent à créer un sentiment de perte de contrôle, de potentielles folies.
Oui, le théâtre expérimental peut parfois sembler étrange, décalé, complètement fou. Dans Madeline’s Madeline, ce sont ces séquences qui contribuent au sentiment de trouble psychologique ou émotionnel de la jeune Madeline. De voir un groupe de personnes qui marchent de façon étrange, voire animale, en prononçant des sons de gorge ou encore en poussant de petits cris, sans explications, sans rien pour nous situer, ça déstabilise le spectateur. Surtout celui qui n’a pas l’habitude de voir du théâtre expérimental.
C’est donc à l’image de ces comédiens de théâtre qu’est modelé le volet émotionnel et psychologique de la jeune femme en quête d’elle-même.
Déstabilisant… Voici le mot d’ordre de ce long métrage.
Dans Madeline’s Madeline, la scénariste et réalisatrice Josephine Decker utilise une approche expressionniste qui imprègne ses sujets d’un sentiment d’urgence. Propulsé par une magnifique performance d’Helena Howard, dont la puissante présence à l’écran attire l’attention, le film de Decker affiche une sensibilité rare pour capturer les luttes désordonnées de la découverte de soi qui défie la catégorisation narrative facile.
Situé à New York – à moins que ce ne soit plutôt quelque part dans l’esprit volage de son personnage principal –, le film explore les émotions, les perceptions et les luttes d’une jeune femme brillante et troublée dont la vie devient une performance.
Note : 8/10
Madeline’s Madeline est présenté à Fantasia les 30 juillet et 1er août 2018.
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