Voici une sélection de courts métrages québécois présentés à Longue vue sur le court.
[Québec, 8 min., narration anglaise avec stf]
(quel titre!)
Être ou ne plus être…
Je dois dire d’abord que ce petit film m’a jeté par terre.
On a un Stormtrooper (genre de soldat en blanc dans Star Wars) qui semble perdu, amoché, étranger et seul sur une planète inconnue.
Il est armé et se déplace dans un désert où il finit par découvrir un autre Stormtrooper mort. Avec la tête (le casque) de ce dernier, la scène qui suit devient surréaliste en reprenant la scène célèbre du personnage shakespearien tenant un crâne et qui pose la vraie et seule question « être ou ne pas être… » Star Wars devient Hamlet!
Le décor, le costume, le climat sont efficaces, mais, par-dessus tout, la narration, des mots d’un certain William Shakespeare, apporte une dimension extraordinaire, fantastique et géniale à cette œuvre. Une musique de tension constante vient couronner le tout dans une grande émotion dramatique de fin du monde.
À l’époque actuelle où le paradis ne nous attend plus à la fin de la vie, nous sommes en droit de nous demander : pourquoi être?
J’ai adoré.
Mourir, dormir, rien de plus…
Note : 10/10
[Québec, 14 min.]
Dépression familiale, ou On lave notre linge sale en famille…
Louis est en dépression. Il engueule le chat, il a une colère à exprimer.
Une réunion familiale chez les parents devient une situation explosive où Louis va crever l’abcès qui tenait la famille ensemble de façon très précaire, comme bien des familles…
Les réalisateurs ont réussi à créer, en 14 minutes, un plongeon à l’intérieur d’une famille qui vit avec ses secrets qui rendent toxiques les relations. Une grenade est lancée sur la table festive. Boom!
Ce film possède les qualités de présenter de belles images, d’être bien joué par une brochette de très bons comédiens (Salomé Corbo, en particulier) et de rendre parfaitement le sujet à destination. Par contre, le film laisse un malaise évident au spectateur, un effet miroir malaisant… Comme s’il fallait jeter son venin à la face des autres pour se sentir mieux dans sa peau.
Efficace, ce film m’a fait penser à la scène principale de Les beaux dimanches (1968) de Marcel Dubé.
Réussi!
Note : 8.5/10
[Québec, 10 min.]
Ne nous jugez pas s’il vous plaît…
Une salle de bingo avec bar et alcool.
Une chanteuse (Louise Portal) égaie la salle avec une chanson de la Bolduc « … ça va v’nir, ça va v’nir, découragez-vous pas… »
Elle présente sa fille Sandrine (Sandrine Bisson) qui va câler les numéros du bingo.
Une atmosphère un peu irréelle où l’on voit des personnes plutôt âgées concentrées sur leurs cartes de bingo. Des arrêts dans le temps réel permettent à Sandrine de s’adresser directement à la caméra et de nous situer dans le contexte, avec un certain recul. Elle nous explique qu’elle est une simple messagère de bonheur, les numéros et le hasard décideront d’une combinaison gagnante, d’une gagnante.
La salle se transformera comme une allégorie en festivité-célébration de la vie pour ces pauvres gens qui passent leur temps en attendant la mort.
On veut nous laisser croire que même à travers les images de pauvreté intellectuelle que l’on a intensifié par le traitement noir et blanc, que la vie est une fête et une célébration.
« … ça va v’nir, ça va v’nir découragez-vous pas, moi j’ai toujours le cœur gai et continue à turluter… »
Beau portrait de la petite misère rendue vivable.
Sandrine Bisson crève l’écran par sa simplicité et sa présence.
Note : 9/10
[Québec, 9 min.]
Scénarisé par de Christine Foley, le film, en noir et blanc, sépia, avec un peu de bleu, met en vedette Louise Portal et Anne-Renée Duhaime.
Un service en attire un autre…
Une relation mère-fille tendue. La mère (Louise Portal) marche sur des œufs face à sa fille qui n’a que des reproches pour sa mère. La fille lui emprunte une robe bleue (le premier service) pour un bal, mais la mère ne cesse de lui donner des recommandations qui lui tapent sur les nerfs. Il est question aussi de la fille de sa fille que l’on ne voit pas et qui semble handicapée « … elle est presque normale », semble-t-il.
La scène finale nous jette une douche froide… (le deuxième service)…
Beau film qui nous procure des images spéciales et des émotions tordues. On réussit habilement à nous amener dans une relation toxique et à nous faire réfléchir sur la fragilité des êtres.
Louise Portal est troublante.
Note : 9/10
[Québec, 13 min.]
Le film met en vedette Louise Portal et Gilles Renaud.
Je suis allé faire un tour…
Un court film qui met en scène une femme d’âge mûr qui arrive à la maison de campagne et son conjoint est absent. Il devait être là. Elle le voulait là.
Elle s’énerve et part à sa recherche. Suite à quelques téléphones et fouilles dans les bâtiments autour, elle revient à la maison pour y découvrir son homme. On devine par son habile non-verbal et son silence qu’elle a compris qu’il était allé voir ailleurs… Jean lui dit : « J’étais allé faire un tour… »
Ce film parle avec une grande tendresse du silence des femmes qui endurent les « à-côtés » de leur mari ou compagnon. Louise Portal est encore ici très efficace dans le rôle de la femme qui panique presque face à l’absence de son homme. Elle est encore plus touchante dans la scène finale où elle le retrouve, mais comprend qu’il revient d’ailleurs. Cette scène de peu de mots a le mérite de nous rassurer sur la retrouvaille du compagnon vivant tout en nous faisant partager l’inquiétude de Pauline face aux écarts de Jean que l’on devine pluriels.
Bon résultat, un peu sombre mais réussi.
Note : 8/10
[Québec, 15 min.]
Mine de rien…
Deux jeunes garçons, environ 10 ans, s’amusent dans une campagne que l’on peut supposer être entre Thetford Mines et Disraeli au Québec. C’est l’été et les jeunes sont libres de leur journée. Man et le Gros, ce sont les noms que le film nous donne pour les identifier.
Les deux amis s’aventurent sur des trains désaffectés, puis traversent la clôture de la mine, que l’on devine d’amiante, aussi désaffectée.
Arrive un incident qui s’avérera tragique. À partir de ce moment, le garçon qui se sauve du site (Man) vivra un désarroi immense, qui nous laisse supposer la panique, le choc émotif, le traumatisme qui va l’accompagner pour le reste de sa vie. La scène finale est très touchante.
Le film illustre très bien le danger qui guette parfois les jeux d’enfant. On a 10 ans, on n’est aucunement conscient de ce qui peut nous arriver et lorsque ça arrive à un ami, un frère, une sœur, l’autre enfant n’a aucune idée de ce qu’il faut faire.
Ce film pourrait presque devenir un document pour la prévention des dangers chez les enfants qui jouent dans des endroits insolites.
Le film est bien fait, le décor est plus qu’efficace, il est extraordinaire, les garçons sont pas mal du tout. Quelques erreurs d’interprétation (les garçons pris dans la boue jouent un peu gros), mais le tout est plutôt efficace. Man court comme un vrai Usain Bolt, il est formidable à ce chapitre.
Un petit film intéressant et original sans être un chef-d’œuvre marquant.
À voir, peut-être…
Note : 7.5/10
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