« Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. »
Georges Bernanos
D’un côté, il y a David B. Ricard, réalisateur à Québec, en pleine quête existentielle. De l’autre, Louis, son frère, champion de slalom en skate récompensé à travers le monde, et peu enclin aux grandes confessions personnelles. A priori, deux hommes aux vies diamétralement opposées. Durant cinq ans, le premier a pourtant suivi le parcours sportif du second, tout en mettant en parallèle l’évolution de leurs deux chemins, et en cherchant à mettre en lumière ce qui les guide tous les deux : la recherche de la grâce.
Présenté en première au dernier Festival de Cinéma de la Ville de Québec, Surfer sur la grâce de David B. Ricard est entre le documentaire et la fiction. Comme l’expliquait le réalisateur, tout est fiction parce qu’un choix est fait parmi une sélection d’images et qu’il y a le montage. On choisit de montrer tel sourire, telle mimique plutôt qu’une autre. La réalité, elle, ressort dans les réponses que l’on choisit de donner, dans le cheminement des deux frères après ce film, parce que leur relation ne peut qu’en être changée.
Un mot sur la structure du film, découpé par des plans noirs où David inscrit réflexions personnelles (un peu comme s’il s’adressait à lui-même dans un journal intime) et citations. Ce découpage rythme le film, le rend poétique.
David a éprouvé, éprouve encore certainement aujourd’hui, de l’envie envers son frère qui excelle en skate et gagne de nombreuses compétitions. Et il le fait, semble-t-il aux yeux de David, plus rapidement et facilement que lui-même réussit ce qu’il entreprend. David a fait des études de cinéma, son parcours d’apprentissage a été plus long et peut-on dire qu’il a été aussi gratifiant? C’est le genre de réflexion qui ressort du film.
David gratte là où ça fait mal. Il crève l’abcès, ose dire ce qu’il n’a jamais osé dire pour qu’il soit enfin capable de tourner la page sur ce qui l’angoisse ou le blesse dans sa relation à son frère. Les deux frères ont une façon assez différente d’appréhender le monde : l’un le fait de manière cérébrale en cherchant constamment des réponses et l’autre le fait de manière instinctive en poussant son corps à ses limites.
Ce n’est pas à proprement parler un film sur le skate bien que ce soit là un thème important et au sujet duquel différents intervenants prennent parole. Ceux-ci livrent leur façon de voir le skate, de vivre ce sport. Comme le sport les habite-t-il, les motive-t-il dans leur vie.
Louis se livre moins facilement. Ce n’est pas son genre et il dit clairement à son frère qu’il ne voit pas vraiment l’intérêt de ce film. Si ç’avait été un film de skate (au sens pur), là il en aurait été fier. Mais il ne voit pas qui se sentira interpellé par ce portrait familial intime.
C’est un film de remise en question qui a été tourné sur 5 ans. Les deux frères changent tant physiquement que psychologiquement. Leurs pensées évoluent et leur vision de leur sport/art se modifie également.
Par de nombreuses images d’archives dont plusieurs ont été filmées par David alors qu’il était adolescent, on revoit les débuts de Louis sur sa planche. Ces images sont importantes tant pour la compréhension de la relation fraternelle que pour celle des individus. David a toujours mis son frère à l’avant-plan. Il contribuait, à sa manière, à son succès en l’aidant dans ses tentatives. Mais il en a aussi payé le prix. On comprend que le meilleur ami de David s’est finalement rapproché de Louis et que David a été tranquillement évincé de la relation.
Surfer sur la grâce est une réflexion sur la compétition fraternelle. C’est aussi une étude sur qui l’on est, sur ce que l’on fait et d’où l’on vient.
Note : 7/10
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