Le malheur est que, parfois, des souhaits s’accomplissent,
afin que se perpétue le supplice de l’espérance.
Demain dès l’Aube (Ghodwa Hay) est tout à la fois l’histoire de la naissance d’une amitié et le portrait fébrile d’un pays hanté par bien des fantômes. Entre enquête et récit intime, le film raconte les destins croisés de deux jeunes femmes et un adolescent, dans une Tunisie postrévolution, qui oscille entre espoirs et désillusions.
Le printemps arabe, ça vous dit quelque chose? C’est en quelque sorte là que débute l’histoire de Ghodwa Hay. La Tunisie ayant été le point de départ de ce mouvement de révolte, il est d’autant plus intéressant de situer l’action dans ce pays.
Zeined (Anissa Daoud), Elyssa (Doria Achour) et Houssine (Achref Ben Youssef) se sont rencontrés lors des manifestations de janvier 2011 à Tunis. Étant tous les 3 du côté des manifestants, ils ont fait connaissance lors d’une planque dans un appartement où se cachait une dizaine de manifestants.
Mais après s’être chicanés avec l’habitant du lieu, les trois nouveaux amis se sont vus mettre à la porte. C’est après avoir fui par les toits qu’ils ont réellement fait plus ample connaissance. C’est la série d’événements qui ont suivi qui aura soudé ces jeunes gens pour la vie.
On les retrouve 3 ans plus tard alors que la police cherche des coupables. C’est en réalité des jeux politiques qui mènent l’avocat général à prendre l’affaire en main. C’est à contrecœur qu’il doit donc poursuivre en cour les ados et les démunis.
C’est en cette nuit du 14 janvier que Zine el-Abidine Ben Ali a fui le pays. C’est aussi à ce moment-là que la vie des 3 personnages de Ghodwa Hay prendra une nouvelle tournure. C’est aussi la dernière fois qu’ils se verront avant les retrouvailles de 2014, lorsque Zeined appelle Elyssa.
Pour une fois, la Tunisie n’est pas montrée comme une carte postale, mais plutôt comme une ville normale avec ses quartiers malfamés et les établissements insalubres qui y existent. Dès la première scène du film, le lieu qui abrite des ateliers pour enfants sourds-muets est loin d’être idéal pour ces petits des quartiers populaires qui peignent leurs tristes réalités.
Ghodwa Hay ne révolutionne rien. Mais c’est un film d’enquête bien monté et bien joué. Les acteurs sont convaincants et on a envie de voir ce qui arrivera au final.
Et pour ceux qui, comme moi, ne connaissent pas très bien la culture tunisienne, vous apprécierez d’autant plus. C’est un film facile à comprendre, car monté comme un film américain. Mais dans un style scénaristique plus européen.
Les personnages secondaires sont intéressants et bien travaillés. J’ai un coup de cœur pour Grand-mère Sassia (Latifa Gafsi), qui s’en prend à un prêcheur arrogant qui va interviewer une vieille femme juste pour la ridiculiser et montrer à quel point Allah est grand.
Ce film pourrait aussi être vu comme une façon de rendre hommage aux jeunes qui se sont battu dans les rues afin de « libérer » le pays de sa situation désastreuse.
Ghodwa Hay, une histoire d’amitiés étonnantes, sur fond de révolution.
Note : 7/10
* À voir au Festival Vues d’Afrique.
© 2023 Le petit septième