« Le rôle du peuple d’Israël est de conquérir la terre.
Pour la transmettre et en chasser les non-Juifs. »
Suite à la victoire décisive d’Israël durant la guerre des Six Jours en 1967, des centaines de milliers de citoyens israéliens ont colonisé les territoires occupés de la Cisjordanie. Avec un accès sans précédent aux pionniers du mouvement de colonisation ainsi qu’aux colons religieux et séculiers, le cinéaste Shimon Dotan explore en profondeur ces communautés qui ont pris en otage l’avenir sociopolitique d’Israël et de la Palestine d’aujourd’hui.
La religion est la plus grande prémisse de la guerre. Je l’ai déjà dit, et je le redis. C’est d’ailleurs ce qu’on peut à nouveau constater dans Les colons de Shimon Dotan. Après Hot House (2007), qui racontait la même guerre, mais en regardant les « méchants » Palestiniens, Dotan montre, avec son nouveau film, l’autre côté de la médaille.
Nous voyons dans Les colons le phénomène de l’extrémisme juif qui atteint une intensité fiévreuse lorsque le Premier ministre Rabin fut assassiné. Dans les colonies de Cisjordanie, un mélange volatil de religion et de politique, agité en partie par des éléments étrangers, commence à bouillonner.
Mais comment deux livres d’histoires pour enfants naïfs ont-ils pu mener à de tels affrontements? Évidemment, lorsqu’on entend des gens déclarer qu’entre la loi religieuse et la loi de l’état, la religion doit toujours être celle qui tranche… On peut mieux comprendre. Les colons ne sont pas des anti-palestiniens. Ce sont des illuminés qui croient que les Juifs possèdent un droit divin qui a autorité sur toute autre loi. L’un des colons déclare même que « là où le pied d’un Juif peut fouler le sol, Dieu le lui a donné. » Personnellement, je trouve ironique qu’il y ait un si fort lien entre la foi et la violence, ainsi que comment les identités personnelles et les valeurs collectives façonnent les causes pour lesquelles nous sommes prêts à tuer et à mourir.
Oui, aimez votre prochain. Mais seulement s’il pense comme vous (ou surtout s’il ne pense pas trop) et s’il respecte les lois du même Dieu. Alors décisive, la guerre des Six Jours l’a assurément été pour Israël en 1967.
Malheureusement, elle ne l’aura pas été de la bonne manière. Lorsque L’ONU a décidé de s’en mêler (en tant que groupe externe à cette guerre), les choses n’ont fait qu’empirer. Car oui, les Occidentaux aiment bien dicter leur vision du monde aux autres nations. Mais le plus « drôle », ce sont ces États-Uniens qui décident d’aller s’installer dans les terres palestiniennes revendiquées par les Israéliens afin de montrer leur support. Car pour ces grands futés, en provenance d’endroits comme l’Illinois et l’Arkansas, c’est en venant se mêler d’une guerre qu’ils ne comprennent clairement pas, que la situation va se régler.
Le meurtre de Rabin était un enjeu important au cœur d’un processus de paix précaire. Le geste si grave et symbolique avait été planifié par un groupe de rabbins extrémistes afin de prévenir les retraits potentiels des colonies de peuplement de la Cisjordanie. Une nouvelle sorte d’extrémisme religieux et politique faisait alors surface en Israël.
Lorsqu’un groupe de rabbins décident de faire assassiner un Premier ministre parce que celui-ci tente de faire cesser une guerre entre deux groupes… On peut imaginer que les extrémistes n’ont fait que proliférer après.
Les colons, ce sont des extrémistes juifs, qui ont fondé des colonies
en Cisjordanie, afin de prendre possession de territoires qu’ils jugent sacrés. Ils s’y installent malgré les ententes, malgré les lois et malgré quiconque ne pense pas comme eux. En fait, ils ont commencé à s’installer alors que le gouvernement de leur propre pays, ayant les mêmes croyances qu’eux, refusait d’approuver leur geste. Mais l’erreur du gouvernement de l’époque aura sans doute été de ne pas vouloir prendre position. Il a déclaré leur colonisation illégale, mais a refusé de les chasser.
Les colons est divisé en sorte de chapitres. Ceux-ci portent des titres qui réfèrent à des phrases provenant de documents religieux. Chaque chapitre commence avec une de ces citations, superposées sur une image magnifique. Les images sont dessinées en noir et blanc, avec une sublime profondeur. Un détail, certes, mais un détail magnifique.
Le film offre un accès privilégié aux pionniers de cette colonisation et aux colons de différents horizons, qu’ils soient empêtrés dans une rhétorique idéologique ou qu’ils soient parfaitement indifférents à ce qui peut se jouer autour d’eux. Mêlant entrevues et documents d’archives avec dynamisme et pertinence, Shimon Dotan fait voir la réalité de ces communautés controversées qui tiennent le destin mouvementé de la région entre leurs mains.
Note : 8/10
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