Deux ans après un « burn-out », Duval (François Cluzet) est toujours au chômage. Contacté par un homme d’affaires mystérieux, Clément (Denis Podalydès), il se voit proposer un travail simple et bien rémunéré : retranscrire des écoutes téléphoniques. En difficulté financière, Duval accepte sans s’interroger sur la finalité de l’organisation qui l’emploie. Précipité au cœur d’un complot politique, il doit affronter la mécanique brutale du monde souterrain des services secrets.
La mécanique de l’ombre est le premier long métrage de Thomas Kruithof, qu’il a aussi coscénarisé avec Yann Gozlan (le réalisateur d’Un homme idéal). Ce film d’espionnage ne montre pas de scène de fusillade et peu de violence en soi. C’est le côté psychologique qui est mis de l’avant.
Le film est construit comme un ensemble de labyrinthes, et ce, dès la première scène qui précède le burn-out de Duval. Celui-ci se voit confier par son supérieur une tâche impossible pour laquelle il fera des pieds et des mains, à la recherche d’une issue.
Son nouvel employeur, Clément (on ne le connaît que sous ce nom), est mystérieux. Et il est impossible de le contacter. Seul lui vous contacte et vous devez répondre présent lorsqu’il le fait. Si on vous mène à lui, c’est avec une cagoule sur la tête. On vous mène alors au centre du labyrinthe, vers la bête, une sorte de Minotaure. Si vous ne lui obéissez pas, vous n’en sortirez pas vivant. Duval n’est pas de taille et il le sait. Tout ce qu’il souhaite, c’est une vie normale, avec un travail qui lui sert de cadre.
Le réalisateur situe le personnage de Duval : « Notre personnage n’est pas de taille à renverser le système, mais il peut le bousculer. Dans les histoires de “lanceurs d’alerte”, il suffit parfois d’un seul homme pour ébranler toute une organisation, comme avec Edward Snowden. Notre personnage dans le film, moins engagé politiquement que Snowden, représente un peu ce grain de sable. Il incarne le facteur humain dans une mécanique déshumanisée. »
Tout tourne autour du pouvoir et de qui le détient. Duval est manipulé de toute part et il ne sait plus en qui il peut avoir confiance. Le pouvoir est construit telle une pyramide : un homme détient les rênes et contrôle l’ensemble des subalternes. L’idéal est que les subalternes ne soient pas trop en contact les uns avec les autres et que les tâches de chacun soient secrètes.
Tout est question de manipulation : lorsque le système est ainsi gangrené, il faut se méfier de tout un chacun. La technologie peut apparaître comme un ennemi et c’est pourquoi les enregistrements qu’écoute Duval sont sur des cassettes (et non pas sur des supports numériques) et que ses retranscriptions doivent être faites sur une machine à écrire. Tout doit se faire sur papier et il lui est interdit d’avoir avec lui de téléphone portable.
Ce genre d’inquiétudes n’est peut-être pas si fantasque, comme le rapportait Thomas Kruithof : « Quand j’ai commencé à écrire le scénario, mon envie d’un univers “low-tech” a rencontré l’idée d’un retour à l’analogique envisagé à cause du risque de piratage du numérique. Cette question s’est vraiment posée quand l’affaire Snowden a révélé l’ampleur de la surveillance de la NSA. On a même rapporté à l’époque que le FSB – les services secrets russes – avait décidé de s’équiper à nouveau de machines à écrire et de nombreux gouvernements espionnés par la NSA ont également pensé à revenir à des communications 100 % papier et à des moyens primitifs pour mieux se protéger. »
L’un des points intéressants de ce film réside, selon moi, en ce que Duval ne cherche pas, à l’image des grands héros du cinéma américain, à renverser le système corrompu, mais bien à sauver sa peau. Il n’a pas les moyens de le faire, pas plus que les ambitions, et cet aspect plus réaliste m’a plu.
La mécanique de l’ombre plaira aux amateurs de films d’espionnage et aux conspirationnistes.
En qui peut-on vraiment avoir confiance?
Note : 6/10
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