Parfaites est le parcours émouvant, à la beauté envoûtante, de l’équipe nationale canadienne de nage synchronisée vers les qualifications pour les Jeux olympiques de Rio. Le film lève le voile sur ce sport atypique dont les exigences athlétiques et humaines dépassent les limites de l’imaginable.
Le documentaire Parfaites de Jérémie Battaglia présente la quête de perfection de l’équipe nationale canadienne de nage synchronisée. Sport méconnu et souvent ridiculisé, il est pourtant très exigeant, tant sur le plan physique que sur le plan mental. Le film, tourné dans cinq lieux : Montréal, Bratislava, Kazan, Porto Rico et Rio, permet d’en prendre conscience.
Saviez-vous que la nage synchronisée n’a fait son entrée aux Jeux olympiques qu’en 1984? C’est dire à quel point ce sport fut long à être accepté comme tel. Il faut dire aussi que le côté artistique compte pour beaucoup. Le maquillage à outrance (qui permettrait de faire ressortir les traits des nageuses pour les spectateurs et les juges) et les maillots à paillettes font en sorte que plusieurs personnes pensent à tort qu’il ne s’agit pas ici d’un vrai sport – l’un des rares à être exclusivement féminin. Selon le réalisateur, devant tout ce flafla, « on perd de vue l’essentiel : une fois démaquillées, il reste des athlètes de hauts niveaux, des athlètes de haute performance. »
Les filles de l’équipe s’entraînent plusieurs heures par jour pendant des mois pour une seule compétition. L’année précédant les Jeux olympiques, la pression devient encore plus forte. La carrière des nageuses est, comme dans bien des disciplines, plutôt courte. Si elles veulent avoir une chance de compétitionner aux Jeux, elles doivent le faire avant l’âge de 30 ans. Après cela, leurs chances sont de beaucoup réduites du fait des exigences physiques et des blessures. Les commotions cérébrales étant beaucoup plus fréquentes que je ne l’aurai jamais imaginé.
Le rapport au corps est ici central. Le poids des filles, contrôlé et analysé sur une base quotidienne, peut facilement devenir une obsession et l’alimentation, un problème. Les désordres alimentaires sont assez fréquents dans les sports ou les compétitions pour lesquels l’image corporelle est une donnée non négligeable.
Mais au-delà des problématiques individuelles, l’image corporelle joue sur la cohésion du groupe et le pointage. Les équipes russes ou japonaises, par exemple, sont composées de filles ayant dans l’ensemble toutes les mêmes caractéristiques physiques : les Russes ont toutes de grandes jambes et les Japonaises sont toutes de la même taille, menues, presque identiques.
L’équipe canadienne est, au contraire, beaucoup plus diversifiée, à l’image de la population canadienne. Les filles ne sont pas tant choisies pour leur apparence (qui importe, évidemment) que pour leurs talents et leur puissance physique : « Ainsi l’équipe du Canada, avec ses athlètes aux morphologies dépareillées, se retrouve être qualifiée de “laide” par certains juges internationaux lors des compétitions. » Cette diversité peut aussi s’avérer payante, mais encore faut-il que les juges aient une certaine ouverture d’esprit. Le système de pointage est aussi problématique, laissant beaucoup de place à la subjectivité.
Comme pour tous athlètes de haut niveau, ces filles vouent un amour monstre à leur sport qui les dévore petit à petit et exige d’elles de nombreux sacrifices. Et certaines en viennent à se demander pourquoi…
Le film présente par ailleurs plusieurs très beaux plans dans l’eau. Certains montrent des figures exécutées par les nageuses, d’autres, plus artistiques, leur plaisir et leur aisance à être dans l’eau.
Parfaites montre la quête de perfection d’une équipe de nageuses qui rêvent de se produire aux Jeux olympiques de Rio. Y parviendront-elles? Peut-être connaissez-vous déjà la réponse à cette question, mais avez-vous conscience de tous les efforts qu’elles y ont mis?
Je laisse le mot de la fin au réalisateur Jérémie Battaglia : « Ce film, je l’espère, sera une invitation à un voyage. Celui de découvrir cet univers méconnu de la nage synchronisée et rencontrer des personnages à la force incroyable, à la passion dévorante et aux rêves olympiques fous. En faisant ce documentaire je voulais m’approcher de la fiction et raconter une histoire, l’histoire d’une équipe atypique dans un sport formaté aux diktats étouffants, l’histoire de filles parfaitement imparfaites. »
Note : 7,5/10
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