Placé sur la liste des dix personnes les plus recherchées par le FBI en 1977 pour sa participation à des attentats à la bombe perpétrés par le « United Freedom Front », il sera arrêté en 1984. Du fond de sa prison, en 1992, le prisonnier politique américain Raymond Luc Levasseur écrit « My Blood is Quebecois » dans lequel il attribue sa révolte à sa condition de « frog », raillé et réduit au travail en usine comme ses ancêtres, depuis trois générations. Relâché en 2004, il est retourné vivre dans son Maine natal d’où il nous raconte son parcours, depuis son enfance dans une famille canadienne-française jusqu’à aujourd’hui.
Un Américain : portrait de Raymond Luc Levasseur de Pierre Marier est le parcours d’un Franco-Américain devenu prisonnier politique pour certains, terroriste pour les autres. Je dois avouer que je ne connaissais pas vraiment le cas de Raymond Luc Levasseur. Je n’étais pas certaine d’apprécier le documentaire – mon opinion de l’armée n’est pas très reluisante –, mais certaines des idées de Levasseur m’ont paru justes, et ce, bien que je ne sois aucunement en accord avec les attentats à la bombe qu’il a perpétrés.
Le film commence par nous présenter les origines de Levasseur, issu d’une communauté canadienne-française vivant à Sanford dans le Maine. Il s’agit d’une ville ouvrière où près de 4000 personnes travaillent dans des usines, dont celles de Goodall. Les habitants n’ont que peu de choix et doivent travailler dans ces usines, où les conditions sont difficiles. Par ailleurs, les Canadiens français dans cette région sont victimes de discrimination, rabaissés, considérés comme ignorants. Même le père de Levasseur, lui-même Canadien français, véhicule de telles pensées, se considérant comme l’exception. Lorsqu’au début de l’âge adulte Levasseur déménage à Boston, il est témoin d’une nouvelle forme de discrimination : celle des Noirs. Cela le marquera profondément, ce qui est tout de même compréhensible.
Afin d’éviter des poursuites pour des bagarres, il s’engage dans l’armée sans trop savoir ce que cela implique, et devra se rendre au Vietnam. Il est marqué par la destruction des terres et par la pauvreté extrême des paysans, mais surtout par tous les civils vietnamiens qui sont tués. Ce sera pour lui un deuxième choc important. À son retour de la guerre, il entre à l’université et commence à militer politiquement. Sa vie est sur le point de changer radicalement (le choix du mot ici n’est pas anodin). 1968 sera pour lui une année charnière.
Il a entrepris de lutter contre le racisme, la pauvreté et la guerre, et de militer pour les droits des prisonniers (ayant alors déjà fait un séjour en prison). Il a aussi participé à la gestion d’une librairie radicale. La police n’appréciant pas les nouvelles activités de la librairie, ils y ont effectué des descentes.
Peu après, Levasseur a choisi de vivre sous un faux nom, dans la clandestinité. Il a alors participé à des activités illégales : attaques à la bombe sur des édifices principalement gouvernementaux et vols de banque. Il est dès lors devenu l’un des hommes les plus recherchés des États-Unis. Et pendant ces 8 années de vie clandestine, il a vécu avec sa conjointe (aussi impliquée dans les activités illégales) et leurs trois filles.
Une question ressort de ce film : Levasseur et ses complices (certains sont morts, d’autres ont été libérés et d’autres encore sont en prison) ont-ils fait acte de conspiration ou de résistance par leurs attaques à la bombe? Pour le principal intéressé, c’était des actes de résistance contre les États-Unis qu’il perçoit comme le siège social de l’impérialisme mondial et du capitalisme. Sur plusieurs points, on ne peut lui donner tort. Il n’en reste pas moins que ce n’est pas par des bombes que l’on règle les choses.
Levasseur a fait une vingtaine d’années de prison, dont plus de 5 ans en isolement complet durant lesquels il a correspondu avec beaucoup de gens et a fait des études afin de ne pas perdre l’esprit.
Un Américain : portrait de Raymond Luc Levasseur est un film politique dans lequel l’armée et les États-Unis sont malmenés. À tort ou à raison? À raison, à bien des égards, me semble-t-il…
Note : 8/10
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