« Je crois à l’incroyable fertilité du chaos amoureux. » – Claude Lelouch
Antoine (Jean Dujardin) ressemble aux héros des films dont il compose la musique. Il a du charme, du succès, et traverse la vie avec autant d’humour que de légèreté. Lorsqu’il part en Inde travailler sur une version très originale de Roméo et Juliette, il rencontre Anna (Elsa Zylberstein), une femme qui ne lui ressemble en rien, mais qui l’attire plus que tout. Ensemble, ils vont vivre une incroyable aventure…
Un plus une (Un + une) de Claude Lelouch nous transporte en Inde, dans ce pays unique, coloré et déroutant. Une histoire d’amour et de séduction pas banale prend ainsi naissance. Mais on ne sait pas du tout à quoi à s’attendre. On sort du moule traditionnel hollywoodien où le « happy end » est de mise. Un film rafraîchissant qui sort juste à temps au Québec pour la Saint-Valentin.
Lelouch parle de l’Inde comme d’un « personnage clé » : « C’est un pays où le rationnel et l’irrationnel se côtoient le mieux. C’est une rencontre formidable, et si j’avais connu l’Inde plus tôt, j’y aurais peut-être fait tous mes films. […] On ne revient pas indemne de l’Inde. Il y a une acceptation du malheur que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Il y a là-bas moins de jaloux qu’ailleurs. C’est un pays qui vous oblige à vous intéresser aux autres, une loupe grossissante qui nous montre à quel point les autres peuvent être passionnants et nécessaires », confiait-il.
Antoine, homme macho, vit ainsi une certaine forme de choc dans ce pays. Il en apprend et en observe les coutumes au contact d’Anna, la femme de l’ambassadeur de France à Bombay (Christophe Lambert). Anna est très spirituelle ce qui la différencie beaucoup d’Antoine. Elle est sur le point d’entreprendre un voyage spirituel, purificateur, et Antoine se joindra à elle à la dernière minute. Tous deux apprendront à mieux se connaître eux-mêmes, à mieux se connaître l’un et l’autre.
Le point culminant du voyage est la rencontre avec Amma, un être très près du divin. C’est une femme qui, jour après jour, une dizaine d’heures par jour, donne de l’amour aux autres en les prenant dans ses bras. Et ce qu’il y a de beau là-dedans, c’est que cette femme existe réellement et que c’est bien elle qui apparaît dans le film. Elle a accepté de prendre part au film de Lelouch, mais elle ignorait au moment du tournage qui étaient les comédiens : « Ce jour-là, Jean et Elsa étaient parmi la foule, et elle les a traités comme les autres. Elle n’avait jamais vu ni l’un ni l’autre. Elle n’a pas joué. Je ne voulais surtout pas qu’elle joue, ni Jean et Elsa », expliquait le réalisateur. Les caméras étaient très loin, en retrait, pour ne pas gêner les gens. Mais les acteurs sont filmés en gros plan, à la manière du reportage. C’est un moment clé du film, qui a d’ailleurs poussé Lelouch à réécrire quelques scènes par la suite.
C’est là une rencontre qui doit bouleverser, comme en a notamment témoigné Elsa Zylberstein : « Quand elle [Amma] m’a prise dans ses bras, ce fut un choc énorme. Claude l’a filmé. La bienveillance de cette femme au sourire de petite fille m’a fait chavirer. J’ai craqué dans ses bras. J’étais en larmes. Elle m’a parlé, et il n’y avait plus de jeu. Jean, en voyant mon dos qui lâchait, a compris que je ne jouais plus du tout. C’était magique. Jean, qui avait un regard plus distant sur tout cela, a finalement été touché. »
Bien que je ne sois pas très spirituelle, j’aimerais vivre une telle expérience. Une autre belle scène, particulièrement chargée d’émotions, est celle où l’on voit Anna se baigner dans le Gange. Cela faisait partie de la quête qu’elle avait choisi d’entreprendre. Le regard de son compagnon de voyage change aussi progressivement à partir de ce moment. Cet homme plus borné et terre à terre que la femme qu’il accompagne se laisse prendre au jeu, d’une certaine façon.
Le film a été tourné chronologiquement, ce qui est très rare au cinéma. Lelouch a laissé beaucoup de place aux acteurs qui ont souvent improvisé. Certains moments sont restés, d’autres non. Ils avaient beaucoup de liberté. Le film dégage d’ailleurs une joie de vivre. Mais tout n’est pourtant pas rose. Antoine et Anna sont tous deux en couple, et la compagne d’Antoine, Alice (Alice Pol), le rejoint en Inde pendant son voyage. Des choix doivent et devront être pris.
Un autre point intéressant : les flash-back et les rêves qui s’imbriquent au récit. On ignore parfois si les images que l’on vient de voir sont issues de fantasmes ou de la réalité de la fiction. C’est bien fait, et on n’abuse pas non plus de ces effets.
Un plus une est un film plein d’espoir, qui donne le goût de voyager, qui donne envie de croire.
Note : 8/10
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