C’est le début de l’été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.
Mustang de Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course aux Oscars, une place que le film mérite tout à fait. En lisant le résumé, j’ai tout de suite pensé à Virgin Suicides, mais les jeunes filles ici ont une soif de vivre encore plus forte que dans le film de Sofia Coppola. Elles sont à l’image des mustangs, ces chevaux sauvages qui refusent de se soumettre, leurs longs cheveux ressemblant à des crinières.
La réalisatrice franco-turque, qui vit en France depuis plusieurs années, explique le choix du sujet de son premier long métrage : « Je voulais raconter ce que c’est que d’être une fille, une femme dans la Turquie contemporaine. Un pays où la condition féminine est plus que jamais au centre du débat public. […] À chaque fois que je retourne là-bas, je ressens une forme de corsetage qui me surprend. Tout ce qui a trait à la féminité est sans cesse ramené à la sexualité. C’est comme si chaque geste des femmes, et même des jeunes filles, avait une charge sexuelle. »
On nous montre un côté très conservateur de la Turquie par rapport aux droits et au statut de la femme. C’est un choc avec le mode de vie nord-américain ou même européen. Dans le film, les jeunes filles sont littéralement emprisonnées dans la maison familiale : des barreaux sont installés aux fenêtres et aux portes afin qu’elles ne puissent pas être « corrompues » par le monde extérieur, qu’elles ne soient pas « salies », sexuellement parlant.
Malgré les interdictions et les contraintes physiques, elles continuent de s’échapper. Afin de mettre un terme à leurs escapades, la grand-mère et l’oncle qui les élèvent commencent à les marier. Des mariages arrangés qui ne leur plaisent pas forcément. Au fur et à mesure que les unions se décident, elles quittent la maison familiale.
« Je vois ces cinq filles comme un monstre à cinq têtes qui perdrait des morceaux de lui-même, à chaque fois qu’une des filles sort de l’histoire », ajoutait la réalisatrice. Lale, la cadette, au début de l’adolescence, voit ses sœurs se plier aux exigences familiales et sociales et elle rêve d’autre chose. Elle veut fuir cette vie oppressante, mais elle doit d’abord apprendre certaines choses pour qu’une possible fuite soit vraiment envisageable.
Lale est le personnage qui dérange le plus. Elle voit le sort qu’on lui réserve et elle s’y oppose de toutes ses forces. Et c’est certainement la plus déterminée des cinq sœurs. Son courage et son audace seront-elles servir ses ambitions ou en payera-t-elle le prix? C’est d’ailleurs cette adolescente qui narre certains passages du film, selon son point de vue.
Mustang est un très bon récit d’émancipation, où les obstacles se font nombreux et les conséquences de plus en plus sévères.
Note : 9/10
© 2023 Le petit septième