Le scénariste et réalisateur de Pas son genre, Lucas Belvaux, a adapté au grand écran le roman éponyme de Philippe Vilain (2011). Le film a été et est en sélection de plusieurs festivals, dont celui de Toronto en septembre dernier. Clément (Loïc Corbery), jeune professeur de philosophie parisien est affecté à Arras pour un an. Loin de Paris et ses lumières, Clément ne sait pas à quoi occuper son temps libre. C’est alors qu’il rencontre Jennifer (Émilie Dequenne), jolie coiffeuse, qui devient sa maîtresse. Si la vie de Clément est régie par Kant ou Proust, celle de Jennifer est rythmée par la lecture de romans populaires, de magazines « people » et de soirées karaoké avec ses copines. Cœurs et corps sont libres pour vivre le plus beau des amours, mais cela suffira-t-il à renverser les barrières culturelles et sociales?
Un fossé culturel existe entre ces deux amants. Le peu d’études de Jennifer lui fera craindre une rupture possible. Mais elle n’est pas dépourvue d’intelligence pour autant. Quant à Clément, il a beau avoir une très bonne éducation, il n’a pas réponse à tout (bien qu’il le croit). Il est incapable de construire une histoire avec une femme, restant toujours sur ses gardes. « Cet homme est un handicapé sentimental, quelqu’un qui ne peut pas aimer, ni s’engager car pour lui, cela impliquerait de perdre toute possibilité de rester ouvert à ce que la vie réserve. Il considère qu’aimer une femme, c’est s’interdire d’en aimer des millions d’autres », confiait le réalisateur.
Pas son genre est un film léger, mais tout de même profond par les réflexions qu’il suscite. On passe des cours de philosophie de Clément où il parle du temps qui passe et qui nous rapproche toujours de notre mort, à des réflexions sur Kant, à des scènes plus festives de karaoké où Jennifer, dans des robes à paillettes, chante sur scène avec ses copines. Le film se passe à différents niveaux et change bien des films d’amour hollywoodiens. Et il est moins prévisible que ce que l’on pourrait croire.
Jennifer incarne la joie de vivre et Clément, la pensée toujours en mouvement. Pendant une soirée en boîte, elle doit travailler fort pour le forcer à se lâcher, à chanter et danser avec elle sur la chanson très entraînante qu’est Life is life.
Ces deux univers sont-ils compatibles? Il est difficile de l’affirmer. Certains pensent que les contraires s’attirent et j’ai l’impression que Clément commence à le croire également, lui qui n’a fréquenté que des femmes de son milieu. Il a publié un livre sur l’amour, sur l’impossibilité de l’amour, et lorsque Jennifer le lit une brèche s’ouvre dans leur couple. Mais je ne peux donner complètement tort à Clément puisque l’amour est bel et bien une invention. Je suis en couple et heureuse dans ma relation. Mais l’homme (j’entends l’humain), comme l’animal, n’est pas programmé pour une relation un à un : il répond plutôt à un besoin primaire qui mène à la reproduction…
Malgré tout, je crois à l’amour, c’est une des belles inventions! Et Pas son genre donne envie d’y croire. Un film divertissant, profond et léger à la fois, mais aussi joyeux et triste.
Note : 7/10
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