Guillaume Sylvestre s’est librement inspiré de la nouvelle Premier amour (1860) d’Ivan Tourgueniev pour écrire le scénario de son 1er amour, sorti en salles au Québec le 21 juin 2013. La nouvelle se situe vers 1830, le film est quant à lui très contemporain. C’est l’essence du texte et les relations entre les personnages qui sont restées. Sylvestre met ainsi de côté le documentaire pour réaliser un premier film de fiction. Pendant les vacances d’été, le jeune Antoine (Loïc Esteves), 13 ans, passe l’été avec ses parents sur une île dans un chalet loué. Il tombera amoureux de sa voisine Anna (Marianne Fortier), de trois ans son aînée, la fille d’une amie de son père qu’il n’avait pas revue depuis l’université.
Le film est assez réaliste quant aux interactions entre les personnages. Antoine est un jeune garçon timide. Devant la belle Anna, il a de la difficulté à s’exprimer, comme pétrifié. La jeune femme, elle, semble apprécier l’effet qu’elle produit sur le garçon, le fait de plaire. Il s’agit de l’histoire d’un premier amour, mais également d’autres premières : l’expérimentation des drogues, la perte d’un modèle… 1er amour permet également à Marianne Fortin de sortir de ses rôles d’enfants : la jeune héroïne d’Aurore (2005) et Élise dans Maman est chez le coiffeur (2008).
On ressent bien l’influence russe chez le réalisateur. Le père (Benoît Gouin) est professeur de littérature. Il fera l’apologie de Tolstoï, l’auteur du célèbre roman Anna Karénine (1877). La passion et l’importance des paysages ont aussi un petit quelque chose que l’on retrouve dans la littérature russe. En fait, il y a presque autant de plans de nature que de plans avec des gens. On filme l’avancée d’une chenille, les herbes fouettées par le vent, le calme de l’eau, etc. Le choix d’une île est particulièrement intéressant. Les personnages y sont coupés du monde. Une certaine forme d’intemporalité s’y rattache; on y perd la notion du temps. Dans une scène, le père demande à un jeune homme de revenir dans quelques jours pour faire la pelouse et, dans le plan suivant, l’adolescent en question tond le gazon. Si ce n’était pas de cela, il aurait été impossible de dire s’il s’agissait du jour suivant ou de la semaine suivante.
Un petit bémol par contre. Anna aura une relation sexuelle avec un homme. Que l’on ne montre pas de nudité ne me dérange pas en soi. Mais, par l’angle de la caméra, elle semble se cacher avec son bras. Il aurait mieux valu tourner un peu la caméra pour s’assurer de ne rien voir et qu’ainsi la position de la jeune femme paraisse plus naturelle.
Dans un tout autre ordre d’idées, je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec Rouge sang. Les deux films sont assez différents, mais ils ont lieu dans un semi-huis clos. Par ailleurs, la directrice de la photographie, Nathalie Moliavko-Visotzky, travaillait à partir de tableaux de peintres flamands du 17e siècle pour donner l’atmosphère au drame d’époque tandis que pour 1er amour, ce sont les toiles impressionnistes qui l’inspirent.
1er amour est un film aux rythmes lents, mais aux passions fortes. L’adolescence y bien dépeinte tant par sa naïveté que par son désir d’expérimentation.
Note : 8/10
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