Le film québécois Rouge sang (2013), écrit et réalisé par Martin Doepner, est disponible depuis le 4 juin en DVD. Le soir du 31 décembre 1799, Espérance (Isabelle Guérard), seule avec ses trois enfants dans une maison isolée, est contrainte d’héberger cinq soldats britanniques (dont le Capitaine joué par Lothaire Bluteau). La soirée commence bien, mais plus le temps passe, plus la tension monte. Les hommes boivent et la mère est de plus en plus sur ses gardes, bouleversée, sous le choc. La nuit sera mouvementée…
Il s’agit d’un drame historique, proche du suspense. L’un des producteurs, Claudio Luca, en parlera comme d’un film qui commence à la Walt Disney et qui évolue vers un thriller à la Hitchcock. On y traite du rapport difficile entre les Canadiens français et les Officiers britanniques ainsi que de la distance de la langue et de la culture. En début de soirée, les Anglais chanteront en s’accompagnant au violon tandis que la mère canadienne-française joue de la cuillère. Ces scènes plus musicales permettent une plus grande harmonie entre les personnages, la parole devenant secondaire. Espérance ne comprend pas un mot d’anglais et seul le Capitaine sur les cinq Britanniques parle un peu français. Plus la nuit avance, plus la paranoïa devient forte au cœur de la jeune femme qui ne peut que supposer, par les intonations des hommes, ce dont ils peuvent parler.
L’histoire se déroule sur 24 heures dans un semi-huis clos. La majorité des scènes ont lieu dans la maison de trois pièces, les autres sont tournées dans le bois environnant. (Il n’est d’ailleurs pas facile de tourner en extérieur. À la première journée de tournage, il faisait moins 25 °Celcius et, une semaine plus tard, plus 10. L’équipe de réalisation a dû compenser avec quelques effets visuels au moment du montage.) Il est rare maintenant de voir un tel type de tournage, plutôt minimaliste, mais il faut dire que le jeu des acteurs est suffisant pour que le spectateur n’ait pas le temps de s’ennuyer. La distribution est également restreinte : cinq soldats britanniques, une famille (le père, la mère et leurs trois enfants) ainsi que deux ou trois figurants. Isabelle Guérard rend très bien l’inquiétude et la folie qui envahit peu à peu son personnage. L’actrice, dans le documentaire d’accompagnement sur le DVD, compare Espérance à « une louve qui subit un choc et qui réagit à ce choc-là ». Aussi, par la thématique de la vengeance et par ce besoin de protéger ceux qu’on aime, le film reste actuel bien qu’il se déroule en 1799.
Petit fait intéressant pour les amateurs d’art. Nathalie Moliavko-Visotzky, directrice de la photographie, devait travailler avec un éclairage à la chandelle afin de cadrer avec l’époque. Elle confiait, dans le documentaire, que le réalisateur lui avait montré plusieurs tableaux du 17e siècle afin de l’inspirer : des œuvres de Georges de la Tour, d’autres de Rembrandt et de Vermeer. Mais ce sont celles du Caravage qui l’ont le plus marquée par leurs personnages inquiets.
Rouge sang est un bon film, surprenant, différent. Et le jeu d’Isabelle Guérard est fantastique!
Note : 7,5/10
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