Le 25 janvier, Catimini (2012), le deuxième long métrage de Nathalie Saint-Pierre, est sorti en salles au Québec, après avoir remporté le Valois d’Or lors de la 5e édition du Festival du film francophone d’Angoulême ainsi que le prix Kinema à la 26e édition du Festival international du film de Braunschweig en Allemagne. Dans le film, on fait la connaissance de Réjeanne (Isabelle Vincent) et de Raynald (Roger La Rue), une famille d’accueil qui, au fil des ans, a pris en charge plus de 100 enfants. Mais l’essentiel de ce film de réalisme social nous est raconté du point de vue des enfants. Nous suivons quatre filles qui tentent désespérément de faire leur place dans la vie. Ruptures et abandons rythment l’existence de ces enfants.
Le premier plan du film est troublant. Plan serré sur un jeune bébé qui pleure, seul. Sa vulnérabilité est semblable à celle des jeunes filles que nous suivrons.
La première fille, Cathy (Émilie Bierre), a six ans. Dans cette partie, les plans sont serrés, à l’image de ce qu’elle voit du monde qui l’entoure. Arrivant dans sa nouvelle famille d’accueil, lorsque son intervenante présente Réjeanne à la fillette, nous ne voyons que les habits de la femme, Cathy refusant de relever la tête. La deuxième, Keyla (Joyce-Tamara Hall), a 12 ans. Jugée trop sévèrement, elle est envoyée dans un foyer inadéquat. Loin d’être une délinquante, on lui fournit tous les outils pour le devenir. La troisième, Mégane (Rosine Chouinard-Chauveau), a 16 ans. Un traumatisme d’enfance mal soigné la mène à faire des choix douteux. Pour la ramener sur la voie de la raison, on l’enferme dans un établissement aux règles strictes qui mèneraient n’importe quel adolescent à la révolte. Et la dernière, Manu (Frédérique Paré), a 18 ans. Elle ne fait désormais plus partie du système. Après avoir été très encadrée, elle est maintenant libre de ses choix. Bien qu’un petit logement (non meublé) lui soit fourni, elle se retrouve démunie et complètement seule. Les cris de ses voisins la ramèneront vers ses propres drames. Ses seuls souvenirs d’enfance heureux, qui constituent tout ce à quoi elle tient, seront à la fin détruits par l’indifférence d’autrui.
Le passage de l’une à l’autre apparaît comme une gradation. On se doute que la plus jeune risque de subir le même sort que les autres filles et, qu’au jour de son dix-huitième anniversaire, elle sera elle aussi livrée à elle-même. Quatre vies détruites, qui seront à la fin mises en relation. Présentées comme des « enfants jetables », dont tous les biens entassés dans des sacs de poubelles, elles sont à la merci de l’humeur des membres de leur famille d’accueil et des intervenants qui les suivent.
Le rythme du film est très lent. Mais cela ne lui enlève rien. Au contraire, l’émotion y est peut-être plus forte. À la fin, on laisse le spectateur dans le doute. Nous ne saurons pas ce qui advient de ces quatre filles, pas plus que de la famille d’accueil. Nous ne pouvons que nous l’imaginer.
Catimini est un film troublant de vérité. À voir!
Note : 8,5/10
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