Mundiya Kepanga pose un regard plein de poésie, d’humour et de philosophie sur la nature et les arbres. Évoquant une ancienne prophétie, il s’émeut devant la situation de la forêt primaire en Papouasie-Nouvelle-Guinée, d’une part, et le drame planétaire de la déforestation, d’autre part. Un message senti pour l’avenir de l’humanité, un rappel que nous sommes, tous, frères des arbres.
Le documentaire Frères des arbres, l’appel d’un chef papou de Marc Dozier et Luc Marescot a remporté le prix du Meilleur documentaire à la 9e édition du SiciliAmbiente Documentary Film Festival. Un prix qui m’apparait bien mérité.
Le film est narré à la première personne par Mundiya Kepanga. Il nous raconte sa vie, nous parle de sa forêt et de ses motivations à faire ce film. Il a une manière très intéressante de présenter les choses, avec beaucoup d’humour ou de sérieux selon le cas.
On découvre avec lui sa forêt et son incroyable – et le mot est faible – biodiversité. Les plantes, les insectes, les oiseaux et les bêtes qui l’habitent sont d’une telle beauté et parfois de grandes curiosités. Plusieurs espèces ne sont nulle part ailleurs sur la planète. Ils ne vivent qu’à cet endroit du globe, dans cet espace jadis préservé d’une forte présence humaine.
Les arbres sont des êtres vivants, tout comme lui. Il a même son arbre, que son père a planté en son honneur à sa naissance. L’arbre est maintenant gigantesque et il espère un jour est enterré à ses côtés. Mais qui de l’arbre ou de Mundiya Kepanga mourra en premier? Avec les coupes massives qui se font dans son pays, c’est une question qui se pose.
Kepanga met en garde la population mondiale : sans les arbres des forêts primaires qui fournissent l’oxygène à la population mondiale, l’humanité ne pourra survivre. C’est une équation simple, mais qui ne semble pas clair dans l’esprit des compagnies de coupe pour qui le portefeuille compte plus que tout.
Le chef papou va à la rencontre des autres peuples autochtones de son pays, d’autres hommes et femmes qui, comme lui, voient leur forêt disparaître sans rien obtenir en échange : ni école, ni route, ni pont, ni développement social. Les compagnies de coupe leur donnent des sommes dérisoires en échange d’un bois d’une grande valeur, valeur réelle que ces peuples ignorent totalement.
Mundiya Kepanga va à la rencontre des siens pour leur faire prendre conscience de ce qu’ils perdront. Et ils cherchent aussi à les aider en leur proposant des moyens alternatifs pour faire un peu d’argent. On peut penser à l’élevage de papillons. Ce segment du film nous fait découvrir de magnifiques espèces et on assiste même à l’éclosion du cocon du plus grand spécimen au monde.
Mais Kepenga sort des limites de son pays et rencontre des dignitaires d’un peu partout afin d’obtenir de l’aide pour que sa forêt soit protégée, que les coupes soient plus réglementées et encadrées. Il ira ainsi d’une réunion au Sénat aux colloques organisés à l’occasion de la COP21 jusqu’à l’Unesco au côté de l’acteur et activiste Robert Redford, pour ne nommer que quelques-unes de ses activités. Il va également à la rencontre des jeunes générations, dans des écoles européennes, pour faire découvrir les trésors de sa forêt et pour enseigner l’importance de la préservation de la nature.
Il peut être étonnant de voir ce chef papou, vêtu de ses habits traditionnels, tout droit sorti de sa forêt, tenir des propos aussi structurés et sentis sur l’environnement et l’état de notre planète. Kepenga n’est pas ignorant; sa passion sincère pour la nature lui donne une sagesse que peu de gens sur Terre possèdent. Il laisse aux scientifiques le soin d’expliquer les choses et, avec une voix sincère, parle du monde qui nous entoure et qui disparaît petit à petit (et de plus en plus vite).
Le chef papou visite également d’autres sites de coupe, dont un en France où la reforestation est systématique. Il se question alors – avec raison – sur l’attitude des Blancs qui travaillent à la reforestation de leurs terres tandis que les siennes sont laissées dans un état désolant après les coupes.
Les plans de la forêt sont absolument splendides, une nature colorée (à l’image de ses coiffes) et pleine de vie. On regarde sa forêt respirer. Et on craint, avec lui, sa disparition.
Quand les grands arbres sont remplacés par des palmiers à huile cultivés pour leurs fruits dont l’huile extraite (l’huile de palme) est ensuite largement employée dans l’industrie agroalimentaire, que doit-on penser?
Frères des arbres, l’appel d’un chef papou est un autre documentaire écologiste à ajouter à la liste des documentaires qui doivent être vus par un très large public, avec notamment En quête de sens, Demain, Before the flood et Let there be light.
Avec ce film accessible, intelligent et empreint de beaucoup de sensibilité, l’humanité gagnerait à voir ce qu’elle détruit. Sommes-nous prêts à nous priver d’oxygène pour quelques planches d’un parquet chic?
Note : 8,5/10
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