« Ok. Sooo… A guy traps a girl, way younger than he is, obviously, in a cage, and when he finally lets her out, she throws herself at his feet, screaming about what a nice guy he is… He’s an abusive, by definition, Beast… »
[Ok. Alors… Un gars enferme une fille, bien plus jeune que lui évidemment, dans une cage, et, quand il la laisse finalement partir, elle se jette à ses pieds, en adoration, criant qu’il est un gars génial… Il est, par définition, une Bête abusive…]
Cassandra Haywood (Amy Nostbakken, Norah Sadava) est une femme de 30 ans, célibataire, écrivaine, qui vit selon ses propres règles. Elle est aussi – un peu – un désastre. Après la mort subite de sa mère, Elaine (Maev Beaty), Cassandra commence à reconnaître les ressemblances entre sa mère, plus traditionnelle, et elle-même, ainsi que les terribles similitudes entre les luttes des générations passées et la réalité d’aujourd’hui.
Avec Mouthpiece, Patricia Rozema nous amène dans la tête d’une femme assez typique, une femme qui se bat constamment entre ses envies et ce que la société attend d’elle. Une des rares adaptations théâtrales réussies au cinéma.
Pour parvenir à adapter la pièce originale d’Amy Nostbakken et Norah Sadava, Rozema et les deux comédiennes ont dû complètement revoir le scénario. La production théâtrale est composée exclusivement de Cassandra, jouée par Nostbakken et Sadava, vêtue d’un maillot de bain blanc et assise dans une baignoire. Le film, quant à lui, est beaucoup plus visuel. Par exemple, on y a intégré des scènes fantasmées dans lesquelles les femmes chantent et dansent.
D’autres rôles, dont celui de la mère de Cassandra, ont également été créés dans la réincarnation cinématographique. En tant que catalyseur dramatique, le personnage d’Elaine est le raisonnement derrière l’introspection et la découverte que fait la jeune femme. « Nous voulions vraiment savoir qui était la mère de Cassandra de façon plus complète dans le film. Leur relation est beaucoup plus complexe et émotionnelle que dans la pièce », révèle Nostbakken.
C’est ainsi, avec l’ajout de personnages et de lieux, que s’est composé le film.
Bien qu’elle ait 30 ans, Cassandra ressent toujours beaucoup de pression. Comme toutes les femmes, la société lui demande de vivre et d’agir d’une certaine manière. Elle veut croire qu’elle est forte, urbaine et féministe mais, au fil du film et tout au long de son parcours de découverte de soi, elle commence à réaliser l’hypocrisie qui sous-tend nombre de ses points de vue et de ses actions. Elle comprend que de savoir qui elle est, à la base, est un combat auquel chaque femme est toujours confrontée.
Par moments, les 2 femmes qui interprètent Cassandra sont en parfaite synchronicité et, parfois, elles sont en totale asynchronicité. « Parfois, une seule personne joue la scène et on ne voit même pas l’autre. Ou l’autre arrive soudainement de derrière le canapé. » Et à d’autres moments, les deux interprètes marchent du même pas, passent leur main dans leurs cheveux en même temps ou se penchent simultanément.
La relation entre la jeune femme et sa mère est illustrée par une série de flashbacks et de souvenirs isolés. Au fil de ces souvenirs, il devient de plus en plus évident que la relation entre les deux femmes est compliquée, et remplie de frustrations accumulées, mais aussi d’amour et d’émotion.
Et pendant la première heure et quart, on se demande ce qui a bien pu se produire entre Elaine et sa fille. Il est clair que quelque chose ne va pas. Le conflit repose, comme c’est souvent le cas pour les conflits intergénérationnels, sur les valeurs nouvelles qui apparaissent avec les changements d’époques. La millénariale arrive à une époque où les femmes n’acceptent plus de se laisser diriger. Mais la société ne leur laisse pas encore toute la place méritée. Alors que la mère, elle, provient d’une époque dans laquelle les femmes n’étaient pas encore autant en quête d’égalité, mais espéraient seulement gagner quelques points.
Quoiqu’il en soit, la beauté, tant que la dureté des relations mères/filles est bien montrée.
En suivant Cassandra – représentée par deux femmes afin d’exprimer les voix opposées qui s’affrontent dans sa tête – sur une période de 48 heures alors qu’elle essaie d’organiser les funérailles de sa mère, Mouthpiece pose un regard puissant et amusant sur la psyché féminine, complexe et conflictuelle.
En crise, incapable de penser clairement, Cassandra ne parvient pas à passer outre une chicane entre elle et sa mère qui la laisse avec un cruel sentiment de culpabilité. Ce qui se déroule est une agitation sauvage à travers le chagrin, la colère, le déni, le sexe, le doute de soi et une exploration pointue du féminisme contemporain utilisant des séquences musicales hilarantes et poignantes, des images poétiques et un aperçu clair de la contradiction humaine.
Mouthpiece est un film sur le genre qui montre ce moment précis où une femme réalise : « Je peux grandir, je peux diriger, je peux, je peux, je peux…. et j’ai autant le droit de le dire que n’importe quel homme qui est né ou qui m’a précédé ».
Note : 8.5/10
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