« – Vraiment ce n’est pas dans mes habitudes… Je vous assure. C’est affreux, j’ai mes règles, et j’en ai partout. En fait je traçais parce qu’il faudrait que je me change vraiment rapidement. Si vous voulez regarder, c’est un carnage…
– Circulez madame, circulez… »
Héloïse (Sandrine Kiberlain) est mère de trois enfants. Jade (Thaïs Alessandrin), sa « petite dernière », vient d’avoir dix-huit ans et va bientôt quitter le nid pour continuer ses études au Canada. Au fur et à mesure que le couperet du baccalauréat et du départ de Jade se rapproche, et dans le stress que cela représente, Héloïse se remémore leurs souvenirs partagés, ceux d’une tendre et fusionnelle relation mère-fille, et anticipe ce départ en jouant les apprenties cinéastes avec son iPhone, de peur que certains souvenirs ne lui échappent… Elle veut tellement profiter de ces derniers moments ensemble, qu’elle en oublierait presque de vivre le présent, dans la joie et la complicité qu’elle a toujours su créer avec sa fille, « son bébé ».
Avec Mon bébé, Lisa Azuelos propose un film sur la monoparentalité et sur les difficultés de se dire au revoir. Une tranche de vie, tirée de son propre vécu, et merveilleusement bien interprétée par Sandrine Kiberlain.
Pour son dernier film, Azuelos s’est grandement inspiré de sa propre vie, de sa relation avec sa plus jeune fille. « Le premier déclic, ça a été le film Boyhood. La scène où Patricia Arquette est face à son fils qui ramasse ses affaires et part, l’air de rien, sans se retourner, [ça] m’a fascinée. Je me suis dit : “ Alors c’est comme ça? Un jour ils s’en vont, c’est fini, c’est ça, ce qui va m’arriver? ” Ma dernière fille était alors en première, elle parlait de postuler dans une fac au Canada, j’ai compris qu’il était urgent de me préparer à cette éventualité (rires), donc j’ai commencé à la filmer avec mon téléphone. À tout filmer, en fait, tout le temps, pour qu’il reste une trace de cette vie de famille qui a été au centre de tout, pour moi, pendant 25 ans. »
En fait, cette citation de la réalisatrice résume assez bien ce film qui est par moments très drôle, et par moments très touchant. Je crois que la panique qu’exprime Héloïse par rapport au départ de sa plus jeune est très réaliste. Sa réaction qui, parfois, ressemble presque à de la folie est assez compréhensible. Lorsque ta vie est orientée en direction de tes enfants pendant 25 ans, ce doit être dur de s’imaginer vivre sans aucun d’eux.
Héloïse est très proche de ses enfants. Ils ont une relation assez fusionnelle. C’est encore plus flagrant avec Jade, son bébé… Non seulement les câlins ne manquent pas, mais on peut les voir dormir ensemble à quelques reprises et on est témoin de leur complicité particulière. Le genre de complicité qui laisse croire (en tout cas, c’était mon sentiment) que la mère n’est peut-être pas assez responsable. Mais je ne veux pas juger. Les comportements d’Héloïse sont parfois un peu « limites ». Par exemple, il y a cette fois où, pour sortir sa fille du pétrin (elle a triché lors d’un examen), elle joue la mère hystérique devant la directrice jusqu’à ce que la directrice en vienne à prendre l’adolescente en pitié.
Héloïse, tout comme Lisa (aveu de la réalisatrice), sont des mères plus tendres qu’autoritaires. En même temps, lorsque tu es seul avec trois enfants, tu dois adapter ton style d’éducation. Être en sous-nombre avec ces « bêtes » ne doit pas être facile tous les jours. Honnêtement, c’est déjà assez difficile de rester en position d’autorité avec deux; donc avec 3, je ne peux qu’imaginer. En même temps, l’éducation qu’offre Héloïse à ses enfants est-elle moins bonne qu’une éducation plus autoritaire?
Après tout, hurler et contraindre n’est pas vraiment mieux, non? Ne sommes-nous pas là pour leur donner de l’amour et les aider à développer leur confiance et leur estime? C’est peut-être là une des forces du film que de nous faire réfléchir sur le type d’éducation qu’on doit donner ou ne pas donner à nos enfants.
Évidemment, Mon bébé ne serait pas aussi bon si on arrêtait là. Kiberlain est magnifique, comme toujours. Et la jeune Thaïs Alessandrin est brillante dans ce qu’on pourrait appeler « son propre rôle ». Après tout, elle est la fille de Lisa Azuelos et le personnage de Jade est basé sur elle.
Donc, que vous cherchiez un film drôle, touchant, ou réaliste, vous trouverez votre compte avec Mon bébé. En tout cas, moi, j’ai adoré. Ça fait du bien de voir un film léger et amusant, mais qui ne tombe pas dans la facilité.
Note : 8/10
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