« C’est parce que nous ne pensons pas aux générations futures qu’elles ne nous oublieront pas. »
Henrik Tikkanen
L’Homo Sapiens, espèce de primates bipèdes caractérisée par sa dépendance au langage et la fabrication et l’utilisation d’outils complexes. Étant le seul survivant du genre Homo, l’Homo Sapiens est devenu l’espèce la plus dominante sur la planète Terre, engendrant ainsi une nouvelle époque nommée l’Anthropocène, l’Ère des Nouveaux Humains.
Tourné pendant 5 ans dans 100 lieux différents, avec des accès exclusifs à des espaces populaires et restreints, des événements spectaculaires et des personnages fascinants, 20-22 Omega, de Thierry Loa, offre des images évocatrices qui documentent et révèlent cette nouvelle humanité connue sous le nom de posthumanisme.
Rappelant Visitors de Godfrey Reggio, 20-22 Ω est une conception postmoderne du mouvement documentaire Avant-garde des années 1920 qui nous a apporté des « films symphoniques » comme L’Homme à la caméra (1929) de Vertov.
Alors pourquoi dis-je une non-fiction? En fait, j’utilise le terme du réalisateur. Terme que j’ai trouvé révélateur, car nous ne sommes pas réellement en présence d’un documentaire typique. Mais il s’agit d’une œuvre qui n’est pas non plus une fiction. Donc, pendant près de 2 heures, nous regardons et écoutons la vision de l’humain que nous offre Loa, avec cette symphonie visuelle d’une grande force.
2O-22 Omega est un film qui adhère aux codes de la forme classique du « cinéma symphonique » pour raconter une histoire allégorique sur l’humanité future en fonction du passé. Loa l’explique ainsi : « Inspiré par les générations passées, j’ai réalisé ce film en pensant aux générations futures : comment vont-elles se souvenir de nous dans 25, 50 ou 100 ans? Ces temps modernes controversés; l’humanité façonnée dans le monde capitaliste qui forge celle de demain, dans l’Anthropocène; une humanité intimement liée à la technologie pour le développement et en contradiction avec la nature, tout en dominant toute autre espèce sur Terre. »
En utilisant simplement l’image et la musique, sans aucun dialogue, le réalisateur se donne la chance de rejoindre un public universel sans que son message soit façonné ou modifié par l’utilisation d’un langage au sens classique. Évidemment, en contrepartie, il se coupe d’un public moins intellectuel en rendant son film plus subtil.
Ce choix d’une narration sans voix et purement visuelle repose sur la pensée suivante : elle s’inspire de la théorie du philosophe Ludwig Wittgenstein sur le « déterminisme linguistique », selon laquelle nous comprenons notre monde de manière inhérente par le langage que nous parlons. Donc, dans 20-22 Omega, les séquences d’images monochromes racontent le récit tandis que sa trame originale d’opéra composée d’orgue et de voix de chorale, ainsi que de chants de gorge inuits et de mantras en sanskrit, se substitue au langage et offre l’universalité.
Malheureusement, le film commence assez lentement. Les premières images manquent de force. C’est dommage, car après 10 ou 15 minutes, le film prend vraiment son envol avec des images magnifiques en celluloïd noir et blanc, sur une musique d’orgue d’église s’unissant pour créer une trame sonore obsédante qui se substitue magistralement au langage.
20-22 Omega nous invite donc à une odyssée purement cinématographique dans notre civilisation avec un regard profond sur l’humanité naissante dans l’Anthropocène : époque façonnée par la présence et les activités humaines. Ce film reprend la forme classique symphonique du cinéma des premiers temps pour raconter une histoire du monde postmoderne occidental marqué par les machines, la technologie et la densité des foules. Une véritable expérience…
Note : 8.5/10
Visionner la bande-annonce :
© 2023 Le petit septième