Dans son très beau film, Rêveuses de villes, le réalisateur Joseph Hillel nous amène à la rencontre de quatre femmes d’exception, architectes trop peu reconnues à leur époque et encore méconnues en dehors des écoles d’architecture et des cercles d’initiés. Outre le fait qu’elles ont subi le sort des femmes de leur époque, c’est-à-dire de ne pas être reconnues comme il se doit, elles partagent le désir de bâtir les villes autrement, de les rendre plus humaines ou encore de protéger leur histoire.
Quand, comme moi, on découvre l’existence même de ces femmes, sauf probablement celle de Phyllis Lambert connue et reconnue à Montréal pour ses luttes pour la préservation de notre héritage architectural, on ne peut que penser à toutes ces femmes scientifiques, écrivaines, sportives ou autres, méconnues de la grande Histoire. Cela est d’autant plus injuste que, chacune à leur façon, ces architectes, Denise Scott Brown à Philadelphie, Cornelia Hahn Oberlander à Vancouver, Blanche Lemco van Ginkel à Montréal et à Toronto et Phyllis Lambert à New York et à Montréal, ont marqué l’histoire des villes qu’elles ont habitées et pensées.
Ce qui frappe chez elles entre autres c’est leur volonté à tout cran de changer les choses, de bousculer l’ordre établi et de continuer à batailler ferme coûte que coûte malgré les injustices dont elles ont été victimes. Ainsi Denise Scott Brown à qui on a refusé le partage d’un prestigieux prix d’architecture avec son mari malgré le fait qu’ils travaillaient en étroite collaboration sur leurs projets ou Blanche Lemco van Ginkel qui n’a pas obtenu la bourse permettant de poursuivre ses études à Harvard après son premier diplôme à l’Université McGill parce qu’elle était une femme même si elle était première de sa promotion!!!
Malgré toutes ces embûches, elles n’ont pas cessé de croire en leurs rêves et elles ont poursuivi leur travail avec acharnement. C’est à Phyllis Lambert qu’on doit notamment la survie et la restauration de la maison Shaughnessy intégrée au Centre canadien d’architecture.
Au début des années 60, Blanche Lemco van Ginkel a « sauvé le Vieux-Montréal » de la démolition en luttant contre le projet de construction d’une autoroute le long du fleuve. Le visage de Montréal aurait été massacré à tout jamais.
De son côté, Denise Scott Brown a sauvé South Street, situé dans un quartier pauvre et noir de Philadelphie, du pic des démolisseurs.
Cornelia Hahn Oberlander, architecte paysagiste, a créé d’immenses espaces verts au centre-ville de Vancouver et milité pour que des espaces verts soient intégrés à tous les projets de construction dédiés aux familles. Elle s’est particulièrement intéressée aux espaces de jeux pour les enfants. L’une de ses plus importantes réalisations a été la construction d’un grand parc pour enfants sur le site d’Expo 67 à Montréal.
Toutes ces femmes architectes ont eu à cœur de bâtir des villes plus humaines. Nous leur sommes redevables. Rêveuses de villes, le très beau film de Joseph Hillel, leur rend hommage. Une occasion de reconnaître leur héritage et de leur dire merci en son nom et au nôtre.
Note : 8.5/10
Rêveuses de villes est présenté aux RIDM les 10 et 15 novembre 2018.
Voici la bande-annonce:
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