« Tu vas baiser qui tu veux! Mais t’es pas foutu de m’faire un bébé! »
Li Fang (Wen-si Yan) est une immigrée chinoise qui habite à Montréal depuis plus de dix ans. Confrontée à un problème de fertilité, suivie d’une séparation violente avec son conjoint québécois, Éric (Émile Proulx-Cloutier), Li Fang est au désespoir. Elle s’enfuit du chaos de sa vie à Montréal et part à Dazu, son lieu de naissance au sud de la Chine pour visiter son grand-père. Le soutien et l’inspiration que lui apportent sa famille et un ancien amant l’aident à sortir de son impasse.
Sélection officielle des RVCQ et du FNC, Un printemps d’ailleurs, de Xiaodan He, nous transporte de Montréal à Dazu afin de suivre une jeune femme en quête de qui elle est. Un film lent dans lequel on découvre les grandes différences culturelles qui différencient deux peuples.
Dans un film d’un peu moins de 90 minutes, il n’y a pas de temps à perdre. Dès le premier plan, on découvre un couple mal en point. Une femme qui se sent abandonnée par un homme qui n’est pas présent pour elle. En quelques minutes, la situation se détériore et le couple explose dans une scène de crise un peu folle. Des objets sont lancés et cassés…
Séparation. Départ d’Éric. Départ de Fang. Arrivée en Chine. Fin du couple. On passe au suivant.
Mais une fois sur place, on fait quoi? Li Fang ne veut pas que sa famille sache qu’elle a échoué dans son couple. L’apparence est importante.
Les images nous permettant de mettre en opposition Montréal et Dazu sont bien présentées. La réalisatrice utilise bien la métaphore pour montrer la séparation. Le froid de Montréal et la froide relation dans le couple, en opposition avec la chaleur et la douceur de la température de la Chine et la jeune femme qui se retrouve plus paisible avec elle-même.
Malgré tout, on ne présente ni l’une ni l’autre des deux villes comme toute laide ou toute belle. Rapidement, Fang sera confrontée à la réalité chinoise de la famille un peu trop présente. Tout le monde se mêle des affaires de tout le monde.
Oui, la vision de la famille est très différente entre le Québec et la Chine. Fang devra se réadapter à la présence de la famille élargie qui prend position (et qui ne se gêne pas pour donner son opinion) sur chaque détail de la vie des autres membres de la famille. Je pense, entre autres, à cette petite fille d’une dizaine d’années qui se retrouve sans sa mère qui l’a simplement laissée à la famille pour se pousser à l’autre bout du pays. La famille s’occupe de la petite sans se gêner pour dénigrer la mère devant elle. Et lorsque Fang veut s’opposer à ce fait, un oncle la remet à sa place assez rapidement. Et on lui reproche d’avoir quitté la Chine pour le « luxe » du Canada.
D’ailleurs, la fillette appelle affectueusement Fang « tante-Canada ». Oui, je trouve ça super mignon…
Avec Un printemps d’ailleurs, Xiaodan He nous offre une œuvre forte au rythme lent qui donne un bel aperçu des efforts qu’une personne doit faire si elle veut s’adapter à une autre culture. C’est aussi un regard sur la technique de la fuite lors d’une séparation.
Un beau voyage entre Montréal et Dazu, qui nous amène au sein d’une famille traditionnelle chinoise, mais qui pourrait nous paraitre étrange en tant que Nord-Américains. Ce qui ne change pas d’ici, c’est le malaise qu’une personne a à accepter de dévoiler un échec amoureux.
Note : 8.5/10
Voici un petit extrait du film :
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© 2023 Le petit septième
Effectivement, quel superbe film! Belle analyse de la différence d’ambiance à travers les saisons. Mais ajoutons aussi les plans révélateurs qui illustrent à merveille la distance du couple par la séparation visuelle de Fang et d’Éric. Par contre, quel moment de bonheur et d’intimité fugace lorsque son ancien amant caresse la joue de Fang dans sa voiture, qui tout à la fin du film est enfin capable de faire face à la souffrance. Et tout ceci accompagné des sons de piano tellement touchants de Satie. Sa “Gymnopédie”, la “danse nue”, fait subtilement écho à la mise à nu des relations autour de Fang… Prestation impressionnante.