« 27 ans après la fin des années de violence, le Pérou continue de trouver des fosses communes. » Tel est le titre d’un article paru en 2013 et qui décrit bien la situation montrée dans ce documentaire.
En 2013, on était rendus à 70 000 morts répertoriés, mais pas nécessairement identifiés.
Les premières images de Nada queda sino nuestra ternura (Rien ne reste sinon notre tendresse) de Sebastien Jallade nous amènent dans un endroit où l’on voit trois tombes fermées déposées sur une grande table. Un préposé enlève les couvercles et, en présence des familles, trois cartons remplis de restes sont vidés. On en sort des ossements, des crânes, des morceaux de vêtements que l’on dépose dans la tombe propre à chaque famille. Les gens assistent passivement au constat de ce qui reste d’une mère, d’un père ou d’un enfant tué pendant la guerre d’il y a 32 ans.
La guerre a duré 20 ans, de 1980 à 2000.
Le réalisateur a en partie reconstitué non pas les actes de violence, mais plutôt la peur et la fuite des lieux de cette violence. Les narcotrafiquants, comme en Colombie, au Panama et ailleurs en Amérique du Sud, ont tout rasé sur les territoires qu’ils jugeaient bon pour la culture du coca.
Des fosses communes par dizaines sont découvertes même de nos jours. On peut lire dans les titres des journaux, « les restes de 6 femmes et 23 enfants découverts près de tel village », loin de la capitale, Lima.
Les sentiers lumineux et des militaires complices violaient et exécutaient froidement femmes et enfants qui s’opposaient ou simplement résistaient pour ne pas quitter leur maison.
Ce film parle du pont du retour, une région qui devait attendre la construction d’un pont pour que les gens puissent fuir vers Lima. On nous montre un sculpteur qui utilise l’argile pour illustrer le pont en question. Il est question de thérapie par l’art. Plus loin, on voit des enfants qui produisent des dessins et peintures à des fins thérapeutiques. En art thérapie, on dit que ce qui n’est pas exprimé reste imprimé… Le pont de la fuite. Mais aussi le pont pour l’oubli…
Ces gens qui ont commis ces exactions étaient des Péruviens eux aussi. Un voisin, un cousin. Ils sont devenus terroristes en étant embrigadés par les leaders des sentiers lumineux; l’appât du gain et, certainement, la consommation de cocaïne quotidienne ont contribué à cette violence extrême envers leur propre peuple.
Ce film nous amène aussi heureusement dans le Lima d’aujourd’hui, avec ses marchés en plein air, ses vêtements très colorés et la musique péruvienne toujours présente.
On suit pendant de longues minutes des gens transportés dans une boîte de camion qui tend à nous faire sentir la rudesse du pays, loin du confort que nous avons ici et que nous tenons pour acquis.
Aussi, une famille, une mère et trois grands enfants, retourne sur les lieux, leur terre, leur lieu de naissance. La mère éclate alors en sanglots en voyant la place précise où son père a été exécuté : « Mon père a été tiré ici ». La terre nous appartient, mais on appartient à la terre aussi.
Un film très touchant malgré un montage assez bancal.
On conclut Nada queda sino nuestra ternura avec un chanteur qui a été policier et qui a vu des dizaines de ses compagnons tués « à l’époque de la violence », comme disent les survivants.
Malgré de nombreuses faiblesses au montage, un bon documentaire très informatif sur le Pérou des années 1980 à 2000. Sur un presque génocide oublié par le reste du monde, sauf par ceux et celles qui étaient aux premières loges.
Note : 6.5/10
Nada queda sino nuestra ternura est présenté au Festival Présence autochtone le 9 août 2018.
*En présence du réalisateur
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