Ce n’est pas parce qu’on est critique de films, qu’on réussit à voir tous les films. Malheureusement! Alors, j’ai décidé de profiter d’un moment un peu plus tranquille (hé oui, pendant Cannes il y a moins de sorties) pour visionner deux films « choquants » que je n’avais pas eu l’occasion de voir en 2017 : Grave (Raw) de Julia Ducournau, et Mother! de Darren Aronofsky.
Oui, j’aime les films qui choquent le public et les autres critiques!
Cerf, cerf, ouvre-moi, ou le chasseur me tuera…
Dans la famille de Justine (Garance Marillier) tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur aînée (Ella Rumpf ) est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.
Si j’ai décidé de regarder Grave (Raw), avec un peu de retard, ce n’est pas parce qu’il avait été sélectionné lors de la Semaine de la critique de Cannes 2017. Non. C’est plutôt parce qu’il avait tant choqué les cinéphiles et les critiques.
Sa réputation de film dégueulasse est-elle méritée? En partie. Je m’attendais à plus de scènes qui donneraient des difficultés à mon cœur et à mon estomac. Finalement, il y en a deux, dont une qui m’a vraiment donné de la misère. Je ne vendrai pas le punch, mais disons que des cheveux mouillés ça ne me laisse pas indifférent…
Au début de Grave, Justine arrive dans l’école vétérinaire où ses parents ont étudié. Elle y retrouve surtout sa grande sœur, Alexia. C’est là que cette jeune femme timide et introvertie verra son univers chamboulé. Pour elle, c’est la fin de l’innocence. Le jeu très physique de Garance Marillier est simplement parfait. D’une jeune femme qui marche droite, elle passera lentement à cette pauvre fille qui ne regarde que le plancher en se déplaçant.
« Je revendique le caractère protéiforme de mon film et n’aimerais pas qu’il se retrouve enfermé dans une case. De la même façon que dans la vie, je ne crois ni au genre masculin ou féminin, encore moins à une délimitation claire de la sexualité… »
En ce qui concerne Grave, on peut certainement dire qu’elle y réussit. Classer ce film dans la case « horreur » serait une erreur. Tout comme le classer dans la case « drame ». En fait, on pourrait dire qu’il s’agit d’un film qui critique la coutume du bizutage (ou des initiations) en poussant à fond le concept de marginalité et la pression que ces journées d’accueil peuvent mettre sur les épaules de certains. Et grâce à l’utilisation de ces initiations, le spectateur en vient à s’identifier à Justine, un personnage qui, normalement, devrait nous repousser.
Par moments, on peut voir une inspiration en provenance des écrits du Marquis de Sade ou encore des images de David Cronenberg.
Donc, si vous avec le cœur solide ou une curiosité morbide, regardez Grave de Julia Ducournau. Moi, ma curiosité a été comblée!
« Je veux qu’ils partent »
La relation d’un couple est testée lorsque des invités impromptus arrivent à leur domicile, perturbant leur existence tranquille.
Mother!, présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise en 2017, est un thriller psychologique sur l’amour, la dévotion et le sacrifice. On pourrait ajouter que, une fois de plus, Aronofsky traite de son sujet fétiche : la folie… En suivant ce couple dans cette aventure complètement folle, on en vient à se questionner sur la santé des personnages.
Le réalisateur nous amène dans un univers étrange, tordu. Le genre d’univers qu’on retrouve enfouis au plus profond de notre âme. Mother! nous amène à réfléchir sur notre place dans le monde et notre relation avec les autres, mais aussi avec nous-même. On se questionne aussi sur la dévotion d’une mère.
Aronofsky a écrit la première version de son scénario en 5 jours. Moins d’un an après, il commençait le tournage. Une entreprise essoufflante, sans aucun doute. Et il réussit à insuffler ce souffle court à son spectateur. Le film nous garde dans un fin équilibre qui menace de disparaitre d’un instant à l’autre. Avec des images à couper le souffle – les plans de maison brulée sont simplement époustouflants – et des comédiens au sommet de leur art, Mother! ne peut faire autrement que d’être un film à part.
J’ai décidé de regarder ce film et d’en parler ici, car il y avait eu beaucoup de gens choqués après l’avoir vu. Honnêtement, je n’ai aucunement été choqué. Soufflé, certes. Disons que ce film n’aurait pas dû être vendu comme un film grand public.
Mais au-delà d’un film sur le sacrifice d’une mère, le dernier né du réalisateur américain offre une vision sombre du monde. Une vision d’une femme qui donne, donne et donne, jusqu’à la limite du possible.
Mother! se présente comme un film à huis clos, un film de « chambre ». Et ce l’est, jusqu’au moment où le huis clos ne peut plus contenir la pression. Et là, ça devient un genre de délire indescriptible, que seule la vision d’un grand réalisateur pouvait porter à l’écran. La deuxième partie du film nous offre la vision d’un monde – notre monde – dans lequel la folie nous guette. Une folie causée par le bourdonnement incessant de nos écrans, par le fait de se retrouver dans des situations extrêmes comme au cœur d’un ouragan, par les sentiments que seul un cœur brisé peut ressentir, par ce que seules les tripes peuvent ressentir…
Mother! c’est un film qui se regarde comme on boit un shooter. On s’installe, on avale d’un coup, on suffoque et on se remet.
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