« Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent, Monsieur le Maire. »
Knock (Omar Sy), un ex-filou repenti devenu médecin diplômé, arrive dans le petit village de Saint-Maurice pour appliquer une « méthode » destinée à faire sa fortune : il va convaincre la population que tout bien portant est un malade qui s’ignore. Et pour cela, trouver à chacun la maladie réelle ou imaginaire dont il souffre. Passé maître dans l’art de la séduction et de la manipulation, Knock est sur le point de parvenir à ses fins. Mais il est rattrapé par deux choses qu’il n’avait pas prévues : les sentiments du cœur et un sombre individu issu de son passé venu le faire chanter.
Knock, de la réalisatrice française Lorraine Levy, est une adaptation libre de la pièce de théâtre de Jules Romains Knock ou le triomphe de la médecine. La réalisatrice réinvente le texte de Romains écrit en 1923 en transposant l’histoire dans les années 1950 et en y ajoutant un côté plus ludique.
Le film ne comporte pas le cynisme de la pièce; il est plutôt porteur de vie, de lumière et d’espoir. Ce qui intéresse Lorraine Levy, c’est la réconciliation avec soi-même, puis avec l’Autre. Et c’est précisément ce à quoi elle confronte les personnages de son film parce qu’une réelle réconciliation n’est pas toujours facile.
Le passé de Knock est évoqué et il n’est pas très glorieux. Cependant, le personnage change de vie, passant de filou à médecin, mais sa mentalité de filou ne disparaît pas…
Knock possède un grand pouvoir : celui de dire à quelqu’un ce qu’il a envie d’entendre. C’est la clé de son succès avec les villageois de Saint-Maurice. Il réussit parfaitement à cerner chacun d’eux et à les charmer en entrant dans leurs univers respectifs. Un bel exemple de cela sont ses échanges avec Mme Rémy (Andréa Ferréol), la tenancière de l’hôtel du village. Il s’adresse à elle en termes militaires, elle qui voue un véritable culte à l’armée pour laquelle son mari à donner sa vie.
Knock se rend ainsi indispensable aux yeux des habitants de Saint-Maurice, ses clients – et non pas ses patients, ce qui apporte une nuance importante. Les relations qu’il construit sont pensées en fonction d’un gain monétaire.
Et il faut dire qu’il a l’art de créer des besoins chez ses interlocuteurs, comme en témoigne cette réplique de Mme Rémy à M. Parpalaid, l’ancien médecin, lorsque ce dernier revient à en visite Saint-Maurice et reste surpris de constater que le nombre de malades a nettement augmenté : « Parce qu’ils n’avaient pas l’idée de se soigner. Nuance! Y’en a qui s’imaginent que les cures, les régimes et tous les progrès, c’est pour les grandes villes et pas pour les campagnes. Erreur, M. Parpalaid. Erreur. Nous aussi, on veut le meilleur. Et nous aussi, on y a droit. C’est ce que le Dr Knock appelle le bouclier médical. »
Lupus (Alex Lutz), le curé de la paroisse, est très jaloux de Knock. Disons qu’il n’aime pas se faire voler « la vedette ». Ses paroissiens boivent maintenant les paroles de Knock, un médecin, et non plus les siennes, lui, fidèle serviteur du Seigneur.
Lupus finira par découvrir le passé de Knock et cherchera à tout prix à le détruire, à le disqualifier aux yeux des autres… quitte à jouer de bassesse à son tour.
La chance du curé – j’entends par là sa connaissance du passé de son « adversaire » – n’est pas étrangère au personnage de méchant qu’est Lansky (Pascal Elbé), personnage qui n’existe pas dans la pièce de Romains. Lansky fait partie du passé de Knock et l’oblige à y replonger alors qu’il s’est construit une nouvelle vie (qui, certes, comporte son lot d’imperfections). Lansky veut assouvir sa vengeance sur Knock; il veut sa « part du gâteau » en dépouillant le médecin de sa nouvelle fortune. Saura-t-il tirer profit de Knock, qui est un personnage fort ingénieux?
Le personnage du vieux Jules (Rufus) dit d’ailleurs de Knock qu’« il a quelque chose que nous, on n’a pas ». Un quelque chose que tous les villageois tentent d’identifier, sans vraiment y parvenir. Et il n’est jamais question de sa couleur de peau; on fait totalement abstraction de cela même si l’on se doute qu’un médecin noir aurait choqué à cette époque. Le film va ailleurs et c’est tant mieux.
Knock s’apparente à un homme politique en pleine campagne électorale, très à l’écoute de ses partisans. C’est d’ailleurs une comparaison que fait la réalisatrice : « Knock est médecin, mais il aurait pu tout aussi bien être un grand patron, un communicant ou un homme politique. C’est la même démarche : conquérir, convaincre et être aimé. Choisir l’univers médical nous permet de nous moquer de nous-mêmes, de notre hypocondrie. » Le médecin cherche ainsi à charmer sa clientèle, à les convaincre de son indispensabilité, mais il le fait de manière à ce qu’il ne le réalise pas.
Le seul personnage à avoir une attitude différente face à Knock est celui d’Adèle (Ana Girardot). Elle ne profite pas des consultations gratuites, et ce, même si elle en aurait besoin. Elle analyse l’inconnu et le mène à prendre conscience de certains aspects de sa vie. Et s’il était temps d’être heureux…
Le choix d’Omar Sy pour le rôle principal est à mon avis excellent. Cet acteur est très talentueux et charismatique. C’est d’ailleurs pour lui que j’ai d’abord été tentée de voir le film.
Le film présente tout de même quelques faiblesses. C’est principalement la facilité qu’a le personnage principal de se sortir de l’embarras qui me dérange. Les situations se règlent pratiquement d’elles-mêmes… un peu comme dans un conte de fées.
Il n’en reste pas moins que le héros, un être que l’on découvre fragile, faillible, humain, est tout à fait divertissant. Et un peu de légèreté, ça ne fait pas de mal à l’occasion.
Knock revisite un texte important du répertoire français, le réinvente avec beaucoup de fantaisie, en insistant sur la place de l’Étranger.
Note : 7/10
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