« On bâtit n’importe quoi, on démolit n’importe quoi »
Main basse sur la ville nous raconte l’histoire des grands conglomérats qui ont dessiné l’Amérique, bouleversé notre environnement et façonné notre mode de vie. Avec pour toile de fond une enquête phare du journalisme canadien sur la ville de Montréal, le film nous amène à la rencontre de protagonistes qui s’opposent à ces pieuvres économiques qui tirent profit de l’étalement urbain et détruisent nos territoires et paysages.
Martin Frigon nous offre un documentaire qui explique comment Montréal et le Québec se sont développés. Comment en est-on arrivé à avoir, dans le grand Montréal, un visage sans âme, une ville sans style, mais avec un surplus de condos et une quantité incroyable d’autoroutes? Je savais que la corruption et le cash menaient la politique québécoise. Mais je n’aurais jamais imaginé que c’était aussi pourri de l’intérieur…
Comment se fait-il que Montréal n’ait pas de style? Les grandes villes ont généralement un style que l’on peut reconnaître, non? Pas Montréal! C’est un cadeau de diverses administrations, mais principalement de deux d’entre elles : Drapeau et Tremblay.
Dans les années 70, Jean Drapeau a décidé de donner le champ libre aux entrepreneurs. C’est à cette époque que les plus gros bâtiments de la ville ont poussé. Mais il n’y avait aucune norme à respecter autre que fournir le cash. Puis, l’administration Tremblay a fait un gros legs juste avant de devoir démissionner. Il a dézoné tout le centre-ville de Montréal. Donc, depuis, les méga immeubles à condos poussent comme des champignons.
Mais comment se fait-il qu’on ait accepté ça? « Montréal, il n’y a jamais personne qui a eu le contrôle de cette ville » en terme de développement. Incroyable, non?
L’anthropologue Serge Bouchard parle de « la religion des autoroutes ». Pour comprendre comment Montréal en est venue à donner carte blanche aux compagnies de construction, il faut regarder comment l’étalement urbain s’est produit. Dans Main basse sur la ville, on nous explique comment s’est construite la Rive-Sud de Montréal.
Des villes comme Brossard, La Prairie et Candiac ont été carrément créées par des entreprises de construction. Ok, vous me direz? Mais quelles entreprises y ont participé? C’est là qu’on commence à comprendre toute la corruption et la collusion qui prend place chez nous depuis très longtemps.
Ce sont 5 ou 6 entreprises qui ont mené les travaux. Ces entreprises avaient toutes des avantages à long terme à développer des banlieues où le règne de la voiture serait la norme pour longtemps. Toutes ces entreprises possédaient ou appartenaient à des compagnies de pétrole, des fabricants de pièces automobiles, des fabricants de voitures ou des entreprises de fabrication d’asphalte…
Autrement dit, des gens qui avaient intérêt à ce que les Québécois deviennent esclaves de leurs voitures.
Quel genre de corruption? Le genre qui fait en sorte que les Québécois détestent le Stade olympique. Cette corruption qui fait en sorte que le Stade nous a coûté plus de 10 fois le prix d’un stade du même genre aux États-Unis à la même époque. Oui, 10 fois.
Le genre de collusion qui fait en sorte que Montréal appartient en grande partie à 5 familles d’origine européenne. Laval aussi, d’ailleurs, appartient aux 5 mêmes familles.
Mais comment se fait-il que Henry Aubin, le journaliste qui a commencé à enquêter sur les grands propriétaires de Montréal dans les années 70, se butât constamment à des entreprises avec des propriétaires fantômes? Même les présidents des entreprises comme Jalin n’avaient aucune idée de qui était propriétaire de l’entreprise. Comment se fait-il qu’Aubin se soit retrouvé au Liechtenstein pour trouver le propriétaire officiel d’une de ces entreprises? Pour réaliser que le supposé propriétaire n’était même pas au courant qu’il possédait une entreprise de plusieurs milliards.
J’ai regardé Main basse sur la ville avec beaucoup d’intérêt. J’en suis ressorti avec un sentiment de révolte, de frustration. Je ne peux pas croire qu’on accepte ça… En fait, c’est ça qui est le plus triste. Je peux y croire… Je n’ai qu’un seul bémol, le film n’est pas assez long. À la fin, on a l’impression de ne pas avoir eu toute l’information. J’aurais aimé en avoir pour 60 minutes plutôt que 45. Mais bon… Peut-être que si j’en avais appris plus je serais trop en colère.
Main basse sur la ville sera à l’affiche le 30 mars au Québec et il sera présenté sur les ondes de CBC le 26 mai.
Note : 9/10
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