
Après plusieurs mois d’attente, voici la troisième et dernière partie de ma rétrospective sur Doctor Who. On avait terminé la deuxième partie sur la fin de l’époque Jodie Whittaker/Chris Chibnall, qui avait déçu beaucoup des fans de Doctor Who. C’était en 2022, et l’année suivante marque les 60 ans de la série, ce qui est l’occasion pour la série de marquer un coup fort. Nous allons donc découvrir dans cette partie les célébrations des soixante ans, le retour d’un grand artisan de la série aux commandes, d’un tout nouveau Docteur, mais surtout, d’un grand partenariat mondial.
La BBC n’aura pas cherché bien loin pour son prochain showrunner. En effet, ce n’est nul autre que Russell T. Davies, celui qui avait relancé Doctor Who avec succès en 2005, qui supervisera les prochaines saisons, ainsi que les épisodes spéciaux des 60 ans. Ces épisodes marquent effectivement un retour aux sources, car il verra le retour de David Tennant dans le rôle-titre, l’acteur devenant le 10e et le 14e Docteur, ainsi que Catherine Tate qui reprendra son rôle de Donna Noble, alors qu’elle avait perdu la mémoire dans la série.
Ces nouvelles saisons seront aussi une coproduction entre la BBC et la compagnie de production Bad Wolf, fondée en 2015 par Julie Gardner et Jane Tranter, deux anciennes productrices exécutives de la BBC qui ont toutes les deux travaillé sur le New Who. Leur studio a notamment produit les séries A Discovery of Witches et His Dark Materials.
Cependant, le partenariat le plus important sera celui entre la BBC et cette gigantesque pieuvre du divertissement qu’est Disney. En effet, le 25 octobre 2022, la BBC signe un accord avec la plateforme de streaming Disney+ afin de diffuser les épisodes des prochaines saisons sur la plateforme hors du Royaume-Uni, qui sera encore diffusé par la BBC. S’il est vrai que la plateforme et Disney en général sont loin d’être parfaits, cette collaboration offrira une visibilité mondiale à la série, qui était encore coincée dans son pays natal, et ainsi amener de nouveaux fans dans cet univers. Et ainsi, Doctor Who entre dans une nouvelle ère.
Les amateurs furent surpris à la fin de l’épisode The Power of the Doctor, lorsque la Docteur Whittaker se régénère avec le visage familier de David Tennant. Ce dernier l’est lui-même. Ce choix vient du fait que Davies avait toujours voulu faire une réunion entre le Docteur et Donna Noble, ce qu’il a eu la liberté de faire lorsqu’il est redevenu showrunner. De plus, il ne se sentait pas faire un seul épisode sur cette réunion, et a donc développé trois épisodes spéciaux mettant en scène ce duo qui a marqué les spectateurs, ce qui est parfait pour commémorer 60 ans de Doctor Who.

Le premier épisode, The Star Beast, s’inspire du comics éponyme de 1980 écrit par Pat Mills et Pat Wagner et dessiné par Dave Gibbons. L’épisode suit le Docteur qui retrouve par surprise Donna Noble, encore sous amnésie et qui risque de mourir si elle se rappelle de ses aventures dans le TARDIS. Ce qui se complique quand elle, sa famille et le Docteur rencontrent une innocente créature extra-terrestre poursuivie par plusieurs groupes. Un scénario à la E.T. qui se veut plus fun et divertissante, avec le Docteur qui doit s’adapter à cette rencontre inopinée, à une Donna paniquant en (re)découvrant que les extraterrestres existent et aux personnages faisant face à une situation explosive. Bien qu’il n’apporte rien de nouveau, cet épisode est une bonne introduction, mettant de l’avant l’esprit extravagant de la série tout en mettant en scène une histoire divertissante. Mais c’est surtout le retour de David Tennant et de Catherine Tate qui marque le plus, leur alchimie n’ayant rien perdu même après toutes ces années.
Le prochain épisode, Wild Blue Yonder, est, quant à lui, bien différent. Il s’agit d’un huis clos où le Docteur et Donna se retrouvent dans un gigantesque vaisseau mystérieusement abandonné et font face à d’inquiétants ennemis. Il s’agit d’un épisode plus sombre centré sur le duo qui explore la psychologie de chacun. Les méchants de cet épisode sont très bien réussis. Sans spoiler, leur concept est effrayant et la manière de les montrer accentue leur côté cauchemardesque. C’est un épisode différent, dont le ton plus simple pourrait le faire douter de son titre d’épisode spécial anniversaire, mais qui montre bien que Davies n’a pas perdu la main pour écrire des histoires plus sombres. Par contre, un aspect qui a divisé les fans est la mention du Timeless Child et du Flux. Bien que ces scénarios soient décriés par les fans, et à raison, cela montre que Davies a du respect pour ses prédécesseurs, même s’ils ont fait un moins bon travail. De plus, il traite mieux le sujet que Chibnall.
Mais c’est le troisième épisode, The Giggle, qui marque l’événement. Dans celui-ci, le Docteur et Donna font face à Terre chaotique, où tout le monde fait ce qu’il souhaite faire sans jamais oser, ce qui crée des scènes de destruction partout sur le globe. Le Docteur relie ça à une mystérieuse vidéo d’une poupée prise en 1925 pour faire l’essai de la télévision. Il découvre que derrière tout ça se cache un ancien ennemi surpuissant. Cet ennemi, c’est le Toymaker, un être quasi divin d’une autre dimension qui s’amuse à jouer à des jeux enfantins avec les personnes qu’il fait prisonnier. Sa seule apparition télévisuelle fut lors de la troisième saison en 1966, avec le premier Docteur Willliam Hartnell, alors incarné par Michael Gough (Alfred dans les Batman de Tim Burton). Ici, c’est Neil Patrick Harris (How I Met Ypur Mother) qui reprend le rôle et est la véritable star de l’épisode. Le Toymaker est ici un danger sans précédent pour le Docteur, avec des pouvoirs quasi omnipotents auxquels le Seigneur du temps a peu d’options pour contrer. Harris est parfait dans le rôle, prenant à cœur le comportement joueur et psychopathe du personnage. L’épisode marque aussi le retour du personnage de Mel Bush, incarnée par Bonnie Langford, une ancienne compagnonne du sixième et septième Docteur.
Le climax de l’épisode inclut la tant attendue réincarnation du Docteur, présenté cette fois de façon très inhabituelle (no spoiler) et qui introduit une toute nouvelle version du personnage pour cette nouvelle ère de la série.
C’est le 8 mai 2022 que fut annoncé le nouvel acteur du Docteur. Il s’agit de Ncuti Gatwa, que l’on a pu récemment voir dans Barbie et The Roses, mais qui est surtout connu pour le rôle principal d’Eric Effiong dans la série Netflix Sex Education. Il s’agit du premier acteur noir, queer et né hors du Royaume-Uni (il est né au Rwanda) à incarner le Docteur. Il aura comme compagnonne Ruby Sunday, incarnée par l’actrice Millie Gibson, connue pour le soap opera Coronation Street. Les deux personnages se rencontreront dans l’épisode spécial Noël The Church on Ruby Road. Car oui, après avoir été retirés par Chris Chibnall, les épisodes de Noël font leur retour avec celui de Davies.

Cette nouvelle saison, nommée Season 1 au lieu de Series 14 à cause du partenariat avec Disney+ qui souhaite attirer un nouveau public, marque un retour positif pour la série. L’épisode de Noël pose déjà le ton de cette nouvelle direction, se rapprochant des extravagances des premières saisons du New Who, tout en gardant un côté dramatique. Il faut dire que l’épisode de Noël a une scène où des gobelins font un concert de musique sur le fait de manger des bébés. Le reste de la saison n’est pas en reste. On peut citer The Devil’s Chord, où est introduit le concept du Panthéon de la discorde, des êtres omnipotents comme le Toymaker qui se retrouvent dans notre monde, ainsi que 73 yards, un épisode centré sur Ruby, et Rogue, où le Docteur rencontre un love insterest incarné par Jonathan Groff. Le tout se terminant par un double épisode où le Docteur affronte un de ses anciens ennemis.
Si elle n’est pas de la même qualité que les saisons avec Tennant et Capaldi, notamment à cause d’une écriture beaucoup plus brouillonne, cette première saison avec Ncuti Gatwa reste quand même très divertissante, surtout à cause de ce nouveau Docteur qui amène une énergie électrisante à la série. L’acteur est clairement à l’aise dans ce rôle et nous offre une des meilleures versions du personnage. Cette première saison manque néanmoins de moments intenses ainsi que du développement entre Ruby et le Docteur. Et après la finale de la saison, Ruby quitte le TARDIS, son arc de développement ayant été complété.
Et après le départ de Ruby Sunday, il faut un nouveau compagnon au Docteur pour la saison suivante (qui avait déjà été annoncée avant le début de la première). Après l’épisode de Noël, Joy to the World, écrit par Stephen Moffat de retour pour la dernière fois (il avait également écrit l’épisode Boom de la saison précédente) et où Ncuti Gatwa est accompagné de l’actrice Nicola Coughlan de Bridgerton, c’est à l’actrice Varada Sethu, notamment vue dans la série Andor, d’accompagner le Docteur sous les traits de Belinda Chandra. L’actrice avait été également présente dans un petit rôle de l’épisode Boom, où elle jouait un autre personnage.
Et cette deuxième saison est nettement meilleure que la précédente. Il y a d’abord une dynamique différente entre le Docteur et Belinda, cette dernière ne souhaitant pas suivre le Docteur, mais est prise avec lui quand la date où elle est partie semble être inaccessible. Cette saison contient aussi de supers épisodes. Les meilleures étant Lux, où le Docteur et Belinda affrontent un personnage de cartoon ayant pris vie; The Well, qui est une suite à l’épisode culte Midnight de la période Tennant; ainsi que The Story & The Engine, un huis clos sur la culture africaine et la puissance des histoires. Et là aussi, cette saison se termine par un double épisode mettant en scène une vieille connaissance du Docteur.

Et cette saison développe encore plus la version Ncuti Gatwa. On a encore ses grands moments où le Docteur semble être à ses limites et qu’il risque d’imploser, amenant une complexité au personnage. Et Gatwa arrive très bien à transmettre ce sentiment.
Mais s’il y a une chose que je peux critiquer, c’est qu’il y a trop peu d’épisodes. En effet, ces saisons semblent suivre la même structure que les séries actuelles, avec des épisodes plus longs que les 45 minutes habituelles, mais avec un nombre réduit. Si cela marche pour une série de type feuilleton, c’est moins le cas pour Doctor Who, où chaque épisode représente une aventure avec un fil rouge caché. C’est d’autant plus compliqué lorsque chaque saison, un nouveau compagnon arrive. De plus, les deux derniers épisodes forment un tout, laissant seulement six épisodes pour développer cette nouvelle chimie entre le Docteur et ses compagnons.
C’est d’autant plus dommage qu’après seulement 18 épisodes, Ncuti Gatwa laisse sa place de Docteur, étant l’un des acteurs ayant le moins longtemps joué le Docteur, juste devant les 13 épisodes de Christopher Eccleston. Il explique cette décision par le fait que le rôle soit trop exténuant pour lui. Bien que sa conclusion ait plutôt bien été mise en scène, il est dommage de voir l’acteur quitter le personnage, surtout avec sa géniale interprétation. Le dernier épisode de la saison 2 nous a offert un gros cliffhanger sur la nouvelle apparence du Docteur, que l’on ne verra se résoudre qu’en 2026.
Après le départ de Gatwa, qu’est-ce qui advient de Doctor Who. Une chose est sûre, c’est que ce sera sans Disney. En effet, après seulement deux saisons, le studio termine son partenariat avec la BBC et ne diffusera pas les saisons à suivre. Les raisons n’ont pas été explicitement mentionnées, mais on peut deviner que Doctor Who n’était pas une franchise assez rentable pour Disney et très loin du modèle d’affaires du studio. On peut s’en rendre compte avec le peu d’investissement que Disney mettait pour promouvoir la série. Peut-être aussi que Doctor Who est une licence trop niche pour le grand public. La BBC continuera de produire la série, mais la diffusion internationale ne sera plus certaine. La chaîne a annoncé un épisode pour Noël 2026, toujours écrit par Russell T Davies. Quant à la continuation de ce dernier, rien n’est encore confirmé.

Mais entre-temps, une surprise attend les fans. En effet, à la manière des séries spin-off Torchwood et The Adventures of Sarah Jane Smith, Russell T Davies nous offre une autre série dans l’univers de Doctor Who avec The War Between the Land and the Sea. La série mettra en scène les membres d’UNIT déjà présents dans beaucoup d’épisodes du New Who, qui devra gérer la paix dans le monde face à l’arrivée de la race aquatique des Sea Devils aux yeux de tous. La série commencera ce 7 décembre sur la BBC, et Disney+ devrait diffuser les épisodes en 2026.
On ne sait rien pour le moment du futur de Doctor Who. Mais on peut douter qu’après toutes ces années d’expérience que le Docteur ne finisse par disparaître. Et probablement que comme lui, la prochaine mouture se régénérera en quelque chose de nouveau.
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