« Tu m’dis pas bonjour? »
« …Bonjour »
Mathilde (Charlotte Aubin), 24 ans, qui est en fugue depuis 8 ans, revient dans la ville de son enfance après des années d’absence inexpliquée. Le retour n’est jamais facile, surtout qu’elle sait que sa mère est gravement malade et sur le point de mourir. Mais pour pouvoir dire adieu, il faut d’abord recoller les pots cassés. Le temps d’une journée, Mathilde sera confrontée à ses décisions d’adolescente et aux conséquences qu’elle a eu sur sa famille.
Imaginez que votre fille vous a quittés sans explication, juste comme ça, pour revenir 8 ans plus tard. Imaginez votre vie pendant ces 8 longues années… C’est ce qu’a fait Jeanne Leblanc avec Isla Blanca, présenté au Rendez-vous Québec cinéma 2018 (RVQC).
Dans Isla Blanca, peu de choses sont expliquées. On ne sait pas vraiment pourquoi Mathilde est partie ni où elle était, ni ce qu’elle a fait pendant ces 8 années. Pourquoi elle revient? Probablement pour voir sa mère avant qu’elle meure. Mais encore là, c’est plus une supposition qu’un fait certifié.
Et honnêtement, c’est parfait ainsi. On se retrouve dans un film intimiste, minimaliste, dans lequel chaque parole, chaque mot sont importants.
Plutôt que de s’empêtrer dans des dialogues futiles, Isla Blanca mise sur la qualité du jeu de ses comédiens.
Les émotions, les pensées, les regards, les silences… Tout ça semble calculé avec une précision suisse. Mais tout semble aussi totalement naturel. Le film commence sur une belle scène de karaoké en espagnol. Et c’est là la seule scène à l’extérieur du terrain familial.
Mais ce qui est si fantastique avec le film de Jeanne Leblanc, c’est toute la place qu’elle donne au spectateur. Je m’explique… Isla Blanca, c’est un peu comme un bon roman :ce que le lecteur imagine importe sur le plaisir de la lecture. Ici, c’est un peu la même chose. Par moments, on pourrait même croire qu’on est dans la maison à observer ce qui se passe. Et si on ne prend pas la peine de vouloir comprendre, on passe à côté de beaucoup.
Ce genre de liberté est dangereux. Mais avec le jeu subtil et parfait des acteurs, c’était clairement la chose à faire. Aucun doute quand on assiste aux échanges entre Mathilde et son frère. Ou cette scène magistrale entre la fille et son père…
Dévastation… Je crois qu’il s’agit du mot qui rend le mieux l’émotion dans laquelle vit la famille depuis le départ de Mathilde.
On comprend l’état de lourdeur qui devait régner lorsque le frère explique à sa sœur qu’en 8 ans, leur mère n’est pas sortie de la maison une seule fois de peur de manquer sa fille lorsqu’elle reviendrait.
Mais c’est probablement l’incompréhension qui était ici le pire. Imaginez que votre enfant de 16 ans quitte la maison, sans raison, sans avoir laissé de signe, et qu’elle ne donne aucune nouvelle en 8 ans. Je ne veux même pas imaginer les pensées qui ont dû torturer ces gens pendant ces longues, très longues années.
Un film intimiste, sans artifice et d’une belle lenteur. Les 5 premières minutes m’ont donné une certaine incertitude. Mais une fois le personnage arrivé devant la maison familiale, plus aucun doute. J’étais embarqué.
Il sera projeté au RVQC le 23 février 2018. Mon conseil : achetez vite vos billets. Car Isla Blanca est un réel bijou!
Note : 9/10
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