
« La rencontrer était comme tenir un miroir devant moi. Combien nos deux vies sont conditionnées par des murs et la guerre. »

Sepideh Farsi est une cinéaste iranienne qui a quitté l’Iran à 18 ans après avoir été emprisonnée pour avoir caché un dissident politique. Politisée dès l’adolescence, ses œuvres reflètent ses convictions. Sepideh Farsi a conjugué débrouillardise et courage pour montrer la réalité iranienne au grand public.
Lorsque la guerre éclate à Gaza, elle tente d’entrer dans la ville pour pouvoir documenter le conflit. Son accès est interdit. Grâce à une rencontre fortuite au Caire, Sepideh Farsi reçoit un contact; Fatima (dite Fatem) Hassona, une jeune photojournaliste palestinienne de 24 ans qui se trouve toujours à Gaza.
Put your soul on your hand and walk relate la correspondance vidéo entre les deux femmes, qui dura 1 an, de avril 2024 à avril 2025.
Le film a un format bien simple. Nous suivons les conversations vidéo de Sepideh et Fatem sur leur cellulaire. Parfois, la réalisatrice nous emmène dans son petit quotidien, comme lorsqu’elle doit ouvrir la porte pour ses chats durant une conversation ou lorsqu’elle ferme un rideau et/ou une fenêtre pour mieux entendre et voir Fatem.

Les conversations seront aussi entrecoupées de photos prises par Fatem. Ces photos magnifiques montrent les résultats des bombardements dans son quartier et les environs, ne cachant rien de la destruction et de la résilience de ses habitants qui tentent de survivre dans des conditions qui ne font que se détériorer.
Au début de leurs échanges, Fatem a toujours le sourire et parle avec détermination et espoir. Elle est fière d’être palestinienne et ne veut pas abandonner Gaza. Malgré les horribles situations qu’elle décrit, son sourire lumineux et son ton léger parviennent rendre à l’insoutenable supportable.
Sepideh n’aurait pas pu trouver un meilleur sujet avec qui échanger, car nous nous attachons immédiatement à Fatem de par sa personnalité et son sourire. Elle parvient à décrire l’horreur et sa réalité sans nous rendre apathiques par la lourdeur de notre impuissance. Car comme Sepideh, comment aider Fatem et les autres gazaouis de ce génocide?
Comme la réalisatrice, nous sommes les spectateurs de cette guerre, qui est le quotidien de Fatem. À plusieurs reprises au cours de leurs conversations, Sepideh lui demande si elle souhaite quitter le pays. À chaque fois, la jeune Palestinienne refuse.

Elle sent un devoir de rester pour prendre des photos et montrer au monde ce qui se passe à Gaza. Malgré la famine, les bombardements qui se rapprochent de plus en plus, le bruit des avions, les fuites à toute heure du jour ou de la nuit et, surtout, la mort constante autour d’elle, Fatem veut continuer à prendre des photos.
Cela n’empêche pas le poids de la guerre de peser sur les épaules de la jeune femme. Le manque de nourriture causé par Israël a un impact sur elle, qui commence à manquer d’énergie et même les conversations avec Sepideh deviennent épuisantes. Les mauvaises connexions internet deviennent de plus en plus fréquentes et, à chaque fois, comme la réalisatrice, nous espérons revoir le visage de Fatem ou d’avoir un petit message pour nous rassurer qu’elle va toujours bien.
Fatem a mentionné cette phrase à Sepideh, durant une de leurs conversations. Qu’elle vient de Les Évadés (Shawshank Redemption, de son titre original), un film qu’elle recommande à la réalisatrice qui ne l’a pas vu.
Fatem aimait la cuisine de sa mère et le chocolat. Elle mentionne souvent à Sepideh espérer avoir une pièce de chocolat.
Fatem aimait les chats.
Fatem était également une poète et aimait chanter pour ses proches. Nous avons la chance de pouvoir entendre un de ses poèmes et un enregistrement qu’elle a fait.
Fatem rêvait de voyager. Une de ses villes de rêve était Rome. Elle voulait visiter les musées et voir le Vatican.

Le 15 avril 2025, Sepideh lui annonçait que leur documentaire a été choisi à Cannes et qu’elle l’invitait à venir présenter le film. Fatem semblait extatique.
Le 16 avril 2025, Fatem est tuée dans un bombardement israélien, avec neuf membres de sa famille.
Au moment d’écrire ces lignes, le cessez-le-feu entre Israël et la Palestine tient encore, malgré la fragilité de l’accord et les violations des deux parties. Je ne peux que souhaiter et espérer que cette guerre se termine et que la Palestine soit enfin libérée.
Et je souhaite que tous puissent voir ce film. Afin de ne pas oublier Gaza, ses habitants et Fatem.
Bande-annonce
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