
« I feel fine.»
[Je me sens bien.]

Grace (Jennifer Lawrence) et son compagnon Jackson (Robert Pattinson) viennent d’emménager dans une vieille maison perdue à la campagne. Ambitionnant d’écrire le grand roman américain, Grace s’installe dans son nouvel environnement, et le couple accueille un bébé peu après. Cependant, Jackson étant souvent absent de manière suspecte et les pressions de la vie domestique commençant à peser sur elle, Grace commence à s’effondrer, laissant derrière elle une traînée de destruction.
Avec Die My Love, Lynne Ramsay livre un drame romantique aux allures de thriller qui, s’il présente d’excellentes performances, reste un peu décousu.
Je me sens mal pour l’enfant de Lynne Ramsay. Entre We Need to Talk About Kevin et To Die For, un thème qui lui semble cher est celui de la déconnexion inexplicable entre une mère et son enfant. Cette déconnexion peut résulter en plusieurs sentiments, tels que l’agression dans Kevin, ou dans son dernier film, le désir de se lancer à travers la fenêtre, de s’automutiler ou de se laisser tomber d’une voiture en mouvement. Si vous cherchiez un argument contre la dépression post-partum, Die My Love représentera 119 minutes d’indices plus que convaincants.
Il pourrait être simple et facile de comparer ce film à mother! de Darren Aronofsky. Après tout, les deux films présentent d’excellentes performances de Jennifer Lawrence qui crie pendant deux heures et un trip viscéral et visuel priorisé à un récit clair. Cependant, si mother! était avant tout une allégorie religieuse aussi subtile qu’un bulldozer à 7h un dimanche matin de congé, Die My Love représente davantage un récit psychologique sur l’intériorité d’un personnage dérangé. Malgré le fait que Ramsay réussisse à bien (à un point tel que c’en devient presque dérangeant à plus d’un moment) représenter un personnage angoissé, le plus grand problème du film provient d’une certaine incapacité à bien transmettre les raisons de cette angoisse.

En effet, il s’agit d’un film qui n’est pas propulsé par le désir de transmettre au spectateur un récit clair mené par des personnages aux motivations unidimensionnelles. Ici, Ramsay préfère faire confiance à son auditoire d’interpréter la dépression de Grace. Le problème, c’est que le film semble intentionnellement vouloir nous mettre des bâtons dans les roues, sans nous laisser assez de viande à quoi nous accrocher. Le montage est décousu, des mois passent entre deux plans sans balises claires, on se rend compte qu’une scène qu’on croyait être au présent est en fait un flashback, etc. Si ce type de montage ne relève pas nécessairement d’incompétence, et peut même être plus qu’efficace dans certains contextes, il est ici difficile de l’utiliser pour représenter l’évolution d’un couple à travers le temps. Rajoutez à cela que le film est raconté du point de vue de Grace et que sa nature nous pousse forcément à la considérer comme une narratrice non fiable, et nous sortons de la projection en nous grattant un peu la caboche.
Même si mon argumentaire donne l’impression que je n’ai pas aimé le film, ce n’est pas pour autant que ces tactiques ne sont pas utilisées à excellent escient à plusieurs moments. Nous enfonçant de plus en plus dans la psychose de Grace, nous en venons à questionner la réalité de ce qu’elle vit. Un motard vêtu de cuir rose orbite autour du terrain de Grace à plusieurs reprises sans qu’aucun autre personnage semble le remarquer, des forêts s’enflamment spontanément, des chevaux sauvages galopent sur les routes. À plusieurs reprises, le caractère hallucinogène du film nous emballe, nous prend, et c’est à ces moments que Die My Love est à son plus fort. Cependant, nous sommes vite forcés de retourner à la réalité, et les comportements de Grace deviennent problématiques, presque incompréhensibles. Comme le personnage, le spectateur s’efforcera de trouver ce qui ne va pas avec elle. Son entourage stipule : dépression post-partum? Épuisement professionnel? Psychose? Grace assure que tout va bien. Tout ne va pas bien.

C’est ainsi que le film a, pour ainsi dire, le cul pris entre deux chaises; tente-t-il de nous faire faire preuve d’empathie envers Grace, ou veut-il nous faire vivre l’expérience de sa psychose au premier plan? On oscille entre les deux, de manière pas toujours claire, à un point où c’en devient presque frustrant. Peut-être était-ce le but de Ramsay, et le film nécessite certainement une compréhension de l’expérience féminine qui m’échappera toujours nécessairement, mais au final, je ressors du film avec une impression forte, mais pratiquement aucun souvenir des évènements qui le compose, et ce, malgré des interprétations excellentes et convaincantes de ses deux protagonistes. Une chose est cependant certaine : ce n’est pas un film à voir en couple.
Bande-annonce
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