« Qui est la petite fille? »
Si on retient souvent le film qui a gagné la Palme d’or au Festival de Cannes, il ne faut pas toutefois négliger les autres lauréats du Festival. En effet, si la Palme reste la plus grande consécration de l’événement, les autres prix sont également une reconnaissance pour les autres grandes œuvres ayant fait partie de la Sélection officielle, ce qui en fait une autre raison pour les distributeurs de s’y intéresser, les menant dans des trajectoires au-delà de leur prix. On se rappelle du grand succès de The Substance, qui avait gagné Prix du scénario, de la postérité d’Inglourious Basterds et de son méchant Hans Landa, qui a permis à Christoph Waltz de remporté le Prix de l’interprétation masculine, ou bien de l’expérience que fut Zone of the Interest, auréolé d’un Grand Prix.
Plusieurs autres films ont pareillement connu un succès après avoir remporté le Prix du Jury, troisième plus grande récompense du Festival. Parmi les lauréats les plus populaires, il y a Persopolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud en 2007, Polisse de Maïwenn en 2011, Mommy de notre Xavier Dolan national en 2014 ainsi que de The Lobster de Yorgos Lanthimos en 2015. Cette année, le Festival a récompensé deux films avec le Prix du Jury. Sirat d’Oliver Laxe, dont on attend encore une sortie en Amérique du Nord, et le film qui nous intéresse, Sound of Falling de Mascha Schilinski, qui sera distribué par Mubi et qui est présenté dans la section Les Incontournables au 54e Festival du nouveau cinéma.
Le personnage central de Sound of Falling est une ferme située dans la région d’Altmark, en Allemagne, à travers quatre périodes différentes, de la pré-Première Guerre mondiale au début du 21ᵉ siècle, en passant par la période de la séparation de l’Allemagne entre l’Est et l’Ouest. Chaque période suit une femme, devant vivre avec les pressions de leur époque et la répression apportée par leur condition de femmes, avec les traumas du passé qui viennent à surgir.
Sound of Falling n’est pas un film évident à aborder. Il se présente comme un véritable labyrinthe scénaristique, les quatre cadres temporels étant mélangés de façon non linéaire et reliés par des moments particuliers, comme un après-midi à la plage. Mais les liens ne sont pas toujours visibles, ce qui présente un puzzle narratif pour les spectateurs et donc plusieurs visionnages pour tout cerner.
Le film présente également une représentation crue de la répression féminine et des troubles que les femmes peuvent subir. De ce fait, il traite de sujets graves comme l’inceste, le désir, les abus sexuels, la dépression et le suicide. Chacune des femmes représente un âge particulier, de l’enfance à l’âge adulte, démontrant que ces traumatismes frappent toutes les générations. Le film présente ses sujets frontalement, montrant par ailleurs que leur situation ne sera pas facilement résolue, et ce, malgré le changement de normes en un centenaire. Certaines scènes peuvent donc perturber les spectateurs les plus sensibles.
Mascha Schilinski a réalisé Sound of Falling comme un film de fantômes. En effet, elle pose souvent une atmosphère poisseuse, que ce soit à travers le sound design particulièrement recherché et même un jeu sur le grain de l’image. Il y a même quelques scènes dans lesquelles les personnages se mettent à regarder vers l’horizon, voir la caméra elle-même, comme si elle remarquait une présence. Mais l’idée la plus intelligente est qu’il n’y a pas de véritable fantôme qui entoure la ferme, mais il s’agit plutôt des traumas du passé qui hante ce lieu isolé et qui finit par toucher la nouvelle génération. La maison est cependant représentée comme un personnage, à la manière des manoirs de Rebecca et de Crimson Peak, témoin de décennies d’histoire avec ces familles, comme un esprit qui les suit.
C’est dans ce cadre que le long-métrage se permet d’avoir un rythme lent et lourd, posant un sentiment très mélancolique au film, même dans les moments qui sont censés être heureux. Ce choix est clairement en accord avec ce que le film souhaite raconter, mais ne captera pas l’attention de tous les spectateurs.
Par sa structure non linéaire, son approche frontale sur la répression féminine et son atmosphère fantomatique et lente, Mascha Schilinski propose une profonde expérience cinématographique avec Sound of Falling qui n’est certes pas fait pour tout le monde, mais qui ne laisse pas indifférent.
Sound of falling est présenté au FNC les 16 et 18 octobre 2025.
Bande-annonce
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