
« But she’s so f***ng hot! »
[Mais elle est tellement chaude!]

Une princesse de l’espace est poussée hors de sa vie protégée et se lance dans une quête galactique pour sauver son ex-petite amie chasseuse de primes des Maliens blancs hétérosexuels.
La princesse Saira (Shabana Azeez) — ça ne se prononce pas comme la chanson des Breastfeeders, mais plutôt comme un combo entre l’arme de Raphael des Teenage Mutant Ninja Turtle et le Dieu égyptien — est princesse de Clitopolis et, aux grands malheurs de ses mères, elle est sans partenaire et incapable d’invoquer son arme royale magique, le Labrys. Saira, doit retrouver son ex-petite amie qui lui à briser le coeur, Kiki, avec la voix de Bernie Van Tiel, alors qu’une race extraterrestre — qui ont jadis dominé l’univers, mais qui sont maintenant oublié de tous — l’ont capturé afin de demander le Labrys magique de Saira comme rançon. L’artefact en question — qui lui sort du vagin par le manche dans un orgasme — serait la seule capable d’activer la nouvelle acquisition des Maliens blancs; l’aimant-à-poulettes, ou « chick-magnet », car les autres modèles n’attrapent malheureusement que des poules.

On retrouve à l’écriture et à la réalisation le duo Emma Hough Hobbs et Leela Varghese, partenaires et collègues. Même si travailler en couple semble être une histoire de rêve, en création s’en est aussi une de concession et de compromis. Ça ne semble pas avoir ébranlé la paire puisqu’elle se pavane fièrement d’un festival du film à un autre promouvant l’identité queer partout où elles vont. Revient à César ce qui appartient à César, mener à bien un projet d’envergure ce n’est jamais chose facile. C’est tant mieux pour elles, mais selon moi il ne suffit pas que de remettre un travail à temps en bonne et due forme pour se mériter une note parfaite.
L’animation est plaisante, rappelant un peu le style de Ugly American (2010-12). La simplicité des traits et la vibrance des couleurs viennent s’ajouter à ce style enfantin représentant bien la nature puérile des divisions sociales. On utilise des termes à tort et à travers et on questionne subtilement les principes supposément préétablis sans jamais s’attarder à la sémantique ou le raisonnement derrière la conception que chacun fait du monde individuellement. Malgré tout, l’action en soi est fade et les images restent dans une dynamique lente et vaporeuse, même lorsque tout est censé aller rapidement. On voit que c’est davantage une vision personnelle ou intime du monde plus qu’une critique.
Le film critique les « Straight White Maliens » ou Maliens Blancs Droits, littéralement des rectangles blancs avec des visages (ridiculement hilarant) d’être des pervers, alors que la majorité des passages avec une connotation sexuelle sont des moments entre lesbiennes. L’humour est certes éparpillé et peu conventionnel, mais c’est justement là que réside ironiquement toute la structure derrière chaque élément comique. On finit par créer un monde délirant où les termes « espace social » sont ultimement les fondements de cet univers ludique.

J’adore le concept diégétique du « Queer safespace » ou l’espace sûr pour queer dont la capitale Clitopolis est fameusement difficile à trouver à moins de savoir où l’on va, ça se prenait avec un grain de sel et les blagues aux dépens de « l’hétéronormativité » me faisaient rires à part égal. L’impression de subir une torture alors qu’à la sortie de leur système solaire se tient un petit chanteur à la Justin Bieber dans une bulle spatiale beuglant « Baby! » [Beubé!]. C’est à se tordre parce qu’on est tous d’accord que c’est très fromagé tout ça. Le comble, c’est que le film est criblé de musique à la guitare sèche chantant des trucs à l’eau de rose tellement bon marché qu’il est impossible de ne pas sentir l’ironie derrière.
En ce qui concerne les thématiques abordées… Elles m’ont bien eu, je croyais aller voir un film humoristique et hamlétique avec une aventure trépidante en renversant les idées préconçues; bref, une histoire à la Harlock : Space Pirate version queer. Si c’est ça l’équivalent, alors ce n’est pas pour moi. J’ai trouvé ça particulièrement drôle lorsque le personnage de WIllow, interprété par Gemma Chua-Tran, débarque augmentant du même coup le cadran « caricature » à 11. Toutefois, semblerait-il que j’ai mal appréhendé la situation. Vous me mettrez avec les Maliens pointés comme étant « LE problème », alors qu’ironiquement le conflit de l’histoire tire son origine dans tout le reste sauf eux. C’est pour cette raison que j’ai cru que le film se regardait lui-même. On pointe du doigt tellement aisément, comment aurais-je pu savoir que ce n’était pas l’intention première d’être satirique?
C’est ma faute en vrai. J’ai cru naïvement que les gens étaient de plus en plus conscients du monde qui les entourait, mais également d’eux-mêmes. Je n’avais pas idée de l’ampleur qu’avait pris ce « halo » devenu blessant contre l’un pour faire sentir bien l’autre. Il m’apparait bien triste au moment où nous revenons à la ségrégation idéologique où c’est encore drôle comme au secondaire de pointer du doigt en riant pour être cool, faire partie de la gang. L’humour c’est un art qui veut que si on tape sur une tête on essaie de taper sur toutes les têtes, mais égal. J’ai eu l’impression qu’on est passé à côté d’une belle opportunité pour rejoindre tout le monde.

La lubie est telle qu’on couronne maintenant ce genre de discours, ou devrais-je dire de double-discours. Je ne suis pas du tout un adepte des doubles standards. Si j’ai appris quelque chose dans ma vie c’est que ce qui s’applique pour un doit pouvoir s’appliquer pour l’autre; ça s’appelle la Charte des Droits Humains (pour ne pas tomber dans des termes de physique appliqué). Aux yeux de cette charte, nous sommes tous égaux, peu importe l’origine et ainsi de suite. Ça veut dire que de faire un film visant spécifiquement à faire la promotion d’un certain groupe pour des raisons de genre, origine ethnique, etc. au profit de l’intégrité d’un autre… Je vous laisse y penser. On devient vite le résultat du monde tellement on est inconscient de ce qui est conflictuel, au point où le seul réel problème c’est l’anxiété de performance; à moins bien sûr que ça soit un membre de sa communauté, alors là, tous les problèmes sont graves.
Facile de balayer les critiques du revers de la main quand on est dans une industrie « dominée par les mâles » surtout si c’est eux qui critiquent négativement. Je ne pense pas avoir encore vu un seul film dans la lignée LGBTQ qui s’est mal passé dans les festivals de cinéma. À voir à quel point on couvre d’or chaque projet terminé en 3 mois, c’est à se demander si on accepte vraiment le regard critique de nos jours? Oui, d’accord. L’industrie (et pas juste au cinéma) nous montre qu’elle fonctionne de manière cabalistique plutôt que réellement méritocratique; c’est-à-dire, on aimerait choisir les meilleurs, mais j’ai plein d’amis qui attendent depuis un bout, tsé, ils ont fait la file. Je suis pleinement ouvert à la pluralité des discours, mais encore faut-il que ceux-ci soient unificateurs avec une portée plus grande que seulement quelques-uns. Le cinéma c’est pas une prise de parole dans un séminaire de confiance en soi, c’est un essai à vouloir unir l’humanité dans une symbolique commune. Qu’en pensez-vous, cher lectorat?
Bande-annonce
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