« J’utilise le mot artiste uniquement parce que mon activité consiste à faire quelque chose qui ne demande aucun effort. »

Magalie (Adèle Exarchopoulos) est une star du web hors sol et sans morale qui gagne des fortunes en postant des contenus-chocs sur les réseaux. Après un accident grave survenu sur le tournage d’une de ses vidéos, Magalie s’isole à la montagne avec Patrick (Jérôme Commandeur), son assistant personnel, pour faire un break. Une journaliste (Sandrine Kiberlain) détenant une information sensible commence à lui faire du chantage… La vie de Magalie bascule.

Avec L’accident de piano, Quentin Dupieux propose une nouvelle comédie noire et grinçante qui fait de la vacuité de notre époque un moteur de la folie psychotique, sur fond d’autodestruction volontaire.

Le grand vide

Dupieux est un maître de la comédie noire, mais aussi pour nous envoyer en pleine face la vacuité de nos existences. Comme dans Le daim, on rencontre un personnage qui fuit la réalité en vivant dans son propre monde interne. Mais en le faisant vivre aussi à ceux qui sont extérieurs à sa propre personne. 

Magalie représente ce grand vide qui existe en nous et dans nos sociétés modernes. Encore une fois, sa satire de l’égoïsme extrême devient de plus en plus amère et dépressive à mesure que l’histoire progresse.

Et pour s’assurer que le public saisira le message, Dupieux fait dire à Magalie cette phrase parfaite : « Vous savez que l’univers est composé principalement de vide? » Évidemment, ce n’est pas l’univers au sens propre qui est visé ici, mais notre monde humain que nous aimons tant remplir de vide. Les Tik Tok de ce monde en sont probablement le plus bel exemple. Ce temps qu’on peut passer à regarder du vide sur cette (et les autres) plateforme est incroyable. L’héroïne de L’accident de piano représente cette création du vide qui abrutit tranquillement notre espèce, au point que les psychologues tirent la sonnette d’alarme. 

Mais un film de Quentin Dupieux ne serait pas complet sans cette chute du héros. Et c’est là que le film devient particulièrement bon. Disons que la première moitié nous présente surtout un antihéros qui ne donne pas vraiment envie. Mais lorsque les problèmes s’empilent pour Magalie, là, on aime. 

Le titre, qui apparaît à la 54^e minute, lance la chute et la partie qui rend ce film si bon. C’est aussi à ce moment que le film se sépare légèrement (juste légèrement) de son côté réaliste. Car avouons-le, les influenceurs ne sont pas toujours les personnes les plus respectables. Et Magalie en est un excellent exemple.

Vraiment d’actualité

Ce qui est terrible, c’est que le long métrage de Dupieux tombe dans un réaliste qui était insoupçonné il y a encore quelques semaines. 

En effet, en septembre un influenceur français est mort en direct sur Kik alors qu’il « performait ». Son truc, c’était de se faire brutaliser. Les fans (il en avait des milliers) adoraient. On peut difficilement ne pas faire le lien puisque Magalie fait des millions en se faisant subir des sévices physiques. 

Bien que l’on rit en regardant L’accident de piano, on termine avec une sorte de vague à l’âme. On ne peut faire autrement que de réaliser que le réalisateur a bien raison. Nous vivons actuellement dans un grand vide. Non pas un vide physique, mais un vide interne. Un vide intellectuel qui remplit de vide ce vide que nous avons en nous par moments. C’est comme un cercle vicieux. Puis on se retrouve à « scroler » sans arrêt et à se remplir encore plus de vide. 

Je ne dirai pas que ce film amènera une grande prise de conscience, mais il amènera certainement certaines personnes à réfléchir sur leur vie. En tout cas, ça marche pour moi. 

Un peu plus…

Cette œuvre n’est pas celle qui vous fera le plus rire dans la filmographie de Dupieux. Mais c’est peut-être celui qui tombe le plus dans la réalité actuelle. 

La solide performance d’Adèle Exarchopoulos est clairement au centre de la réussite du film. Elle réussit à passer de l’absurde au sérieux au dramatique en restant dans son personnage assez difficile à interpréter. Au début, on a juste envie de lui botter le cul tellement elle est chiante et égocentrée. Puis à mesure qu’on avance, quelque chose se développe et on développe d’autres sentiments à son égard. Puis la scène finale est simplement parfaite. Une fin réussie.

Le film ne marquera probablement pas l’histoire, mais criss qu’il est efficace!

L’accident de piano est présenté au FNC les 9 et 17 octobre 2025.

Bande-annonce