« I hate you. This is your fault! I’m like this because of you. »
[Je te déteste. C’est ta faute! Je suis comme ça à cause de toi.]
Le récit de la vie d’un jeune garçon, marquée par la négligence et la violence. Après un incident tragique, les procédures judiciaires révèlent les failles systémiques qui ont favorisé sa souffrance, mettant en lumière les conséquences dévastatrices de la négligence parentale et de l’indifférence sociale.
Chez nous, comme partout ailleurs, l’idée préconçue que les plus respectables et les plus brillants représentants de notre espèce devraient par ricochet être les mieux nantis et ceux qui ont le plus de succès courent les rues comme des rats pendant une inondation. Si les pauvres sont pauvres, c’est parce qu’ils sont paresseux, un point c’est tout. Oui, oui, on admet collectivement que quelques malchanceux puissent exister dans notre beau système, mais au point de le remettre en cause? Ça jamais. Alléchant point de vue que de pouvoir remettre les clés de notre salut collectif entre les mains des autres. Étrange phénomène tout de même que paradoxalement on veuille toutes et tous être unique, indispensable, irremplaçable. Alors pourquoi ne sommes-nous pas tous riches?
Un système aveugle à sa propre réalité justement parce qu’il est représenté par les plus riches, qu’on veut tous – malgré ce que j’en pense – pouvoir imiter. On dit non, mais on fait oui en maudit en se vautrant dans le luxe de pouvoir manger ce que l’on veut, quand on veut et ou l’on veut; sauf les épiceries parce qu’en plus d’être super dispendieuses, elles sont fermées la moitié du temps. C’est compréhensible de vouloir passer plus de temps en famille en épargnant d’avoir à faire le repas, ou de faire des heures de plus au travail, ou de s’obstiner avec ses enfants pour qu’ils fassent leurs devoirs. Cependant, considérons-nous réellement notre prochain alors que toutes ces tâches seront tout simplement déléguées à d’autres (moyennant quelques frais supplémentaires)? Les problèmes ne disparaissent pas simplement parce qu’on ferme les yeux.
Négligence, réalisé par Leonardo Fuica, nous amène justement à explorer le mode de vie des effacés — ou de ceux qui voudraient être oubliés — de la société à travers plusieurs regards, mais surtout celui d’un jeune enfant prisonnier d’un environnement toxique. Détrompez-vous, ils n’ont pas abandonné, ce sont des personnes prises au pied du mur. Si elle est mal entretenue, ce pourrait-il que la plus prometteuse des roses se fane sans même avoir fleuri? C’est le sujet principal de l’œuvre qui tend principalement à démontrer les aspects néfastes d’un environnement malsain pour le développement des enfants. Félix Legault incarne Joey, l’un de ces enfants victimes du système et c’est, pour moi, là que réside le cœur de l’affaire.
Dans la vie, soit t’es un Al Pacino ou t’es un zéro. Tous les coups sont permis, car la gloire pardonne toutes les offenses. On le sait trop bien, si la seule personne qui ne profite pas de la victoire est la perdante, il n’y a pas de faute commise. Croit-on vraiment que les abus de drogues, de jeu, de sexes et d’alcool au volant n’appartiennent qu’à l’inculte royaume du crime organisé? Sérieusement, c’est quand la dernière fois que vous avez vu un pauvre canadien francophone à l’écran qui ne parle pas comme un charretier? L’exercice n’est pas de pointer les quelques cas isolés s’opposant à mes dires, mais plutôt de reconnaître la vérité de cette généralité.
On aime entendre la voix du peuple, toutefois nous préférons ironiquement qu’elle s’exprime à travers la bouche d’autres. « On a bien fait nos recherches » qu’ils vont nous dire; tiens donc, on dirait que j’ai déjà entendu ça quelque part, mais où? En plus, disons que mis à part Gabriel Coles, dans le père de Joey, et Mélanie Elliott, interprétant la mère de Joey, le reste de la distribution offre un jeu, légèrement distant et parfois même caricatural à en être comique. La qualité des plans est difficile à évaluer à cause, notamment, de l’effet « split diopter » (j’y reviendrai). Grosso modo, le tout me donnait l’impression de regarder un étrange vidéoclip entrecoupé de scènes de tribunal.
Avez-vous bien lu « vidéoclips »? Vous pouvez relire c’est juste la ligne au-dessus, mais oui, c’est ce que j’ai écrit. La facture visuelle est assez fade sauf dans les moments où on enclenche le mod « 80’s montage », sauf qu’ici on veut vraiment qu’on écoute toute la chanson jusqu’au bout. Certaines scènes auraient pu se terminer avec un titre de chanson dans le coin en bas de l’écran et je n’aurais pas été surpris. En plus, le sujet est supposé en être un sensible et j’ai parfois l’impression qu’on se moque de ce type de personne, ou plutôt qu’on ne souhaite les représenter fidèlement et qu’on essaie de compenser en démontrant une grande sensibilité à la cause. C’est moyen, mais il avait de bonnes intentions.
Au commencement du cinéma, il n’y a pas si longtemps encore, on utilisait de vrais animaux sur les plateaux, on tournait à bord de voiture à haute vitesse et d’hélicoptère en raz-motte. On avait des acteurs qui faisaient leurs cascades eux-mêmes (à part Tom Cruise je veux dire), parce que courir dans la rue n’était pas considéré comme assez dangereux pour nécessiter une doublure. Et récemment j’ai découvert ça : « Conformément aux règles de l’ACTRA (Alliance des Artistes canadiens du Cinéma, de la Télévision et de la Radio), la présence de psychologue et de coordinateur pour mineure a été assurée ». Sans oublier : « De plus, dans plusieurs scènes sensibles, des techniques de tournage telles que le split diopter ont été utilisées afin d’éviter la présence directe de mineurs sur le plateau, préservant ainsi leur innocence et leur bien-être émotionnel ».
Ah! Ben là je me sens mieux, j’avais peur que vous preniez le temps de lui expliquer c’est quoi du théâtre vs la réalité. J’avoue que j’étais un peu nerveux, mais si vous me dites que vous avez employé des techniques similaires à un Godzilla des années 60 pour préserver l’innocence des enfants, je n’aurais pas su demander autrement. Si personne ne me le disait, je penserais encore que le petit gars à pu tenir une arme à feu dans ses mains pour de vrai. C’est comme de mentionner qu’aucun animal n’a été maltraité ou que les représentations de tabac et tous ne sont pas là dans le but de promouvoir, mais simplement à des fins artistiques; vous ne trouvez pas ça hypocrite? On s’entend que si c’était vraiment important de le dire au niveau moral, avec toutes les images de violences qui sont projetées à la télévision, on peut s’imaginer que quelqu’un aurait mit, une fois que la violence dépeinte, une notice disant que ce n’est pas à reproduire à la maison ni encouragée?
Je suis bien loin de revendiquer qu’on mette davantage de messages de danger imminent avant d’écouter une œuvre de fiction, pour moi ça coule de source. En fait, je remets en question l’abondance d’encadrement et de règle entourant le processus créatif quand c’est clairement le système judiciaire et l’Aide sociale qui aurait besoin d’un meilleur encadrement, et non l’art. Dans la conjoncture actuelle, n’est-ce pas ironique que de condamner davantage les méfaits des plus démunis lorsque leurs conditions sont intrinsèquement liées au rythme de vie des plus fortunés? S’il y a bien une chose que j’ai aimée, par contre, c’est qu’on ait pu entendre avec autant de force la parole de la justice vis-à-vis celle des accusés. Si la pomme tombe non loin de l’arbre, peut-être est-il sage de temps à autre d’en éloigner le fruit pour mieux le préserver, mais ensuite pourquoi s’acharne-t-on sur le pommier sans s’interroger sur qui l’a bien laissé poussé là? Je vous laisse là-dessus, cher lectorat, et à la prochaine.
Bande-annonce
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