Quelle ironie de voir ce film juste au moment où l’ineffable Donald Trump vient encore une fois d’accabler les plus démunis de la terre d’habitants de « pays de merde »! Des migrants courageux qui sont pourtant prêts à risquer leur vie et endurer les pires infamies pour atteindre l’Eldorado. C’est aux USA qu’ils veulent refaire leur vie pour ainsi améliorer celle de ceux qu’ils ont laissés derrière. Ils fuient la misère, la violence, l’injustice, le harcèlement sexuel. Certains ont déjà foulé le sol rêvé, et même à plus d’une reprise, pour en être aussitôt expulsés.
Le réalisateur Hubert Caron-Guay les a accompagnés à travers le Mexique dans les refuges pour migrants, le long des voies ferrées, à travers les forêts, à l’écoute de leurs voix ignorées. La route a été longue, harassante, dangereuse. Ils ont connu la faim, la solitude, la peur, les agressions.
Le tournage de Destierros (titre que l’on pourrait traduire par « Bannis ») s’est déroulé pendant la dernière campagne présidentielle. Ils connaissent déjà Donald Trump. Et ils se doutent bien que c’est pour eux la dernière chance de réaliser leur rêve américain. Ils s’épaulent, s’entraident, comme dans cette séquence où l’un d’eux, plus expérimenté, leur donne des conseils pour s’accrocher au train qui les mènera vers le nord de la façon la plus sécuritaire possible.
Et ils ont la foi, celle de ceux qui n’hésitent pas à braver les montagnes et littéralement la FOI en Dieu. Ils prient ensemble, se rassurent avec des passages de la Bible qui les convainc que leur créateur sera toujours à leurs côtés pour les protéger.
Chacune de leurs histoires est bouleversante. Hubert Caron-Guay les filme avec amour et respect dans une mise en scène très efficace. Des visages en plan très rapproché, sans repère extérieur. Des visages en médaillon comme si le réalisateur voulait capter leur âme. Et c’est à la fois leur vie, leurs difficultés, leurs peurs et leurs espoirs qu’ils nous dévoilent avec lucidité et éloquence. Leur sens de la communauté, du bien commun.
Les témoignages bouleversants se conjuguent avec brio aux images efficaces et dérangeantes des espaces qu’ils doivent traverser, des risques qu’ils doivent affronter.
Destierros ne nous dira pas si l’un ou l’autre de ces migrants courageux réussira à atteindre l’Eldorado. Mais je suis ressortie du visionnement de ce film avec un sentiment de colère contre l’injustice profonde que vivent les migrants et un fort sentiment d’impuissance. L’un des personnages explique de façon éloquente comment la démocratie a été détournée dans son pays au profit des riches et puissants. Quand on voit les dangers extrêmes auxquels sont confrontées des personnes qui veulent tout simplement vivre et travailler en paix et qu’on observe tous les moyens mis en œuvre, en notre nom, pour les en empêcher, on peut aussi s’interroger sur l’état de notre démocratie.
Un film dérangeant à voir.
Note : 8/10
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