Le Festival du nouveau cinéma de Montréal (FNC) vient d’annoncer quelques-uns des titres les plus attendus qui composeront la programmation de sa 54e édition, qui se tiendra du 8 au 19 octobre prochain à Montréal.
Parmi les titres annoncés, on retrouve Frankenstein de Guillermo Del Toro, mettant en vedette Jacob Elordi dans le rôle de la créature accompagné d’Oscar Isaac et Christoph Waltz; Nouvelle Vague et Blue Moon, deux films du réalisateur Richard Linklater, qui signe ici deux hommages : l’un au cinéma français des années 1950 et l’autre au Broadway des années 1940; The Mastermind de Kelly Reichardt, réalisatrice emblématique du cinéma indépendant américain; L’Accident de Piano, nouvelle pépite absurde du prolifique cinéaste français Quentin Dupieux, mettant en vedette Adèle Exarchopoulos, Sandrine Kiberlain et Jérôme Commandeur; et Sound of falling de Mascha Schilinski, Prix du jury du dernier Festival de Cannes. Le cinéma québécois ne sera pas en reste avec la présentation du documentaire Shifting baselines de Julien Élie, après sa première mondiale à Visions du Réel plus tôt cette année, et un hommage au cinéaste Jean Pierre Lefebvre qui recevra la Louve d’honneur 2025 du festival.
Doublé Richard Linklater
Les deux films réalisés cette année par Richard Linklater (Boyhood, Before Sunrise – Sunset – Midnight) seront tous deux projetés au festival dans la section Les Incontournables.
Blue Moon (Richard Linklater)
Ours d’Argent du meilleur acteur dans un rôle secondaire – Compétition officielle – Berlinale 2025
Blue moon / You saw me standin’ alone / Without a dream in my heart / Without a love of my own… Durant plus de trois décennies, le légendaire parolier Lorenz Hart a formé un duo aussi couronné de succès qu’orageux avec le compositeur Richard Rodgers. Le 31 mars 1943, c’est soir de première sur Broadway pour le spectacle musical Oklahoma! Accoudé au bar, Hart médite sur le retentissement de cette œuvre, la première qu’il n’a pas signée de concert avec son collaborateur de longue date. L’heure est au bilan pour cet artiste volubile et extatique, en proie à l’alcoolisme et harassé par ses démons intérieurs. Dialoguiste de compétition, Linklater offre un biopic en forme d’instantané, un huis clos en temps réel enjoué, poignant et émouvant. Ethan Hawke et Andrew Scott, récompensé par un Prix d’interprétation à Berlin, enchantent dans des compositions éclatantes.
Nouvelle Vague de Richard Linklater
Compétition officielle – Festival de Cannes 2025
Présentations spéciales – Festival international du film de Toronto 2025
Aubry Dullin dans le rôle de Jean-Paul Belmondo et Zoey Deutch dans le rôle de Jean Seberg dans Nouvelle Vague. Cr. Jean-Louis Fernandez/Avec l’aimable autorisation de Netflix
Paris, 1959. Un réalisateur inconnu, un producteur aventureux, un budget dérisoire, une équipe minuscule, et le projet fou de tourner un premier film en vingt jours avec un embryon de scénario sur un voyou en cavale et sa petite amie, incarnés par un boxeur amateur (Jean-Paul Belmondo) et une star d’Hollywood en quête d’évasion européenne (Jean Seberg). C’est évidemment À bout de souffle, chef-d’œuvre fondateur de la Nouvelle Vague, que signera un Jean-Luc Godard de 29 ans. Avec son deuxième film de l’année, Linklater rend un hommage ludique et charmant à cette aventure cinématographique pas comme les autres. Nouvelle Vague étincelle d’un somptueux noir et blanc pour retracer avec un humour nonchalant les coulisses d’un tournage aussi chaotique que révolutionnaire. Tirant partie de sa bande de jeunes interprètes formidables, le film célèbre non seulement l’audace et l’irrévérence d’un grand maître, mais aussi son humanité et sa liberté.
Des premières et des gros noms
Frankenstein de Guillermo Del Toro (les Incontournables)
On ne compte plus les adaptations du classique de Mary Shelley, publié en 1818. Depuis toujours habité par l’idée du « monstre », aussi difforme que fascinant, le maître Guillermo del Toro s’attaque à son tour au chef-d’œuvre de la littérature gothique. Fidèle au récit originel, il met en scène le délire grandiose d’un scientifique tourmenté par la chimère de recréer la vie à partir de cadavres humains. Mais aussi terrifiante soit-elle, sa créature n’est-elle pas pour autant humaine? Oscar Isaac en scientifique de génie façon rock star, Jacob Elordi en être de cauchemar : Del Toro confirme son penchant pour les compositions à l’esthétique ultra léchée et son talent unique pour les ambiances ténébreuses. Une vision époustouflante et visuellement somptueuse qui brouille malicieusement les frontières entre la vie, la mort et la folie.
The Mastermind de Kelly Reichardt (les Incontournables)
Compétition officielle – Festival de Cannes 2025
Dans le fin fond du Massachusetts des années 70, James, ébéniste forcé au chômage, tente de se lancer dans le trafic d’œuvres d’art alors que la guerre du Vietnam fait rage et que se déploient les luttes féministes. Pour sa deuxième entrée dans la compétition officielle de Cannes, Kelly Reichardt détourne les codes du film de braquage avec une proposition séduisante et créative, à la direction artistique astucieusement élégante. Fiction tragicomique au cœur d’une société en plein bouleversements politiques et sociaux, The Mastermind est aussi une errance jazzy portée par Josh O’Connor.
L’Accident de piano de Quentin Dupieux (Temps Ø)
Magalie, dotée d’une condition physique particulière, ne ressent pas la douleur. Elle en profite pour devenir une influenceuse vedette avec des vidéos chocs dans lesquelles elle teste toutes sortes d’accidents violents. Par contre, pas sûr que dans la tête ça tourne si bien que ça… Dans la lignée du Daim (Temps Ø, 2019), cette nouvelle comédie (très) noire et grinçante de Quentin Dupieux fait de la vacuité de notre époque un moteur de la folie psychotique, sur fond d’autodestruction volontaire. Comme un miroir qui nous renvoie la grimace, sa satire de l’égoïsme extrême devient de plus en plus amère et dépressive. Un film terriblement féroce servi par une performance magistrale d’Adèle Exarchopoulos.
Sound of falling de Mascha Schilinski (les Incontournables)
Prix du Jury – Compétition officielle – Festival de Cannes 2025
Présentations spéciales – Festival international du film de Toronto 2025
Une ferme au cœur de la campagne allemande. Ses habitants, mais surtout ses habitantes, observées par le prisme de différentes époques agissant tels des vases temporels communicants. La douleur, physique et psychologique, de l’expérience féminine. Alternant les temporalités – de la décennie 1910 à aujourd’hui en passant par les années 1940 et 1980 –, Sound of Falling s’impose comme une fresque intergénérationnelle ambitieuse, un voyage sensoriel à travers les méandres du temps et une exploration des traumatismes tus. À la croisée du Folk Horror et de l’échappée poétique, Mascha Schilinski instaure une atmosphère oppressante, portée par une photographie picturale et une conception sonore immersive. La cinéaste épouse au plus près l’intériorité de ses personnages, captant leur ressenti intime dans un univers rigide et corseté. Prix du Jury au Festival de Cannes, ce second long métrage consacre l’émergence d’une voix cinématographique résolument singulière.
Shifting Baselines de Julien Elie (compétition nationale long métrage)
Compétition internationale – Visions du réel 2025
Compétition Canadian Spectrum – Hot Docs 2025
En 2018, le village de Boca Chica est pris d’assaut par Elon Musk, qui y développe son projet SpaceX et érige des fusées de cinquante étages : c’est la folie des grandeurs pour le milliardaire qui veut coloniser la planète Mars. Dans un noir et blanc vif digne de la science-fiction des années 1950, Shifting Baselines révèle ce coin reculé du Texas devenu la Mecque des obsédés de l’espace. Les impacts écologiques, sociaux, économiques et philosophiques de l’empire Space X, qui défigure toute une région et interroge l’humanité, se succèdent sous nos yeux à la fois émerveillés et ébahis. La Terre comme nouvelle Mars, jalonnée de reliefs désertiques? Julien Élie signe un magnifique documentaire d’auteur aussi pertinent qu’important, aussi spectaculaire qu’angoissant.
Un hommage à Jean Pierre Lefebvre
Le FNC honorera un grand cinéaste québécois, peut-être l’un des plus inventifs, dont l’œuvre demeure encore insuffisamment mise en lumière : Jean Pierre Lefebvre. L’hommage s’articulera autour du lancement de la version restaurée, en collaboration avec Éléphant – mémoire du cinéma québécois, de Mon œil, une « folie cinématographique » longtemps invisible, et d’une sélection de films ancrés dans la fin des années 1960. Une programmation politique et mélancolique, pleine de tendresse et d’humour, toujours d’une intelligence et d’une modernité folles. Un grand vent de liberté souffle sur la Louve d’honneur du FNC 2025!
