« Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, le chic hôtel chez Ti-Louis est fier de vous présenter : Ghislain Vachon et les cowboys des plaines. »
Pour faire un film, il faut de l’argent. C’est bête à dire, mais c’est primordial d’avoir du financement pour partir la production d’un long-métrage. Cependant, ce n’est pas tout le monde qui peut avoir accès à un soutien financier adéquat, surtout lorsque les investisseurs estiment que le projet est trop dans la marge et qu’ils ne sont pas confiants qu’il peut avoir du succès. Mais cela n’empêche pas les réalisateurs les plus téméraires de s’autofinancer. Les meilleurs exemples sont Peter Jackson avec Bad Taste, El Mariachi de Robert Rodriguez ou bien The Evil Dead de Sam Raimi. Ce sont tous des films atypiques, tournés avec de très faibles moyens, mais qui sont devenus cultes. Plus proche de chez nous, l’artiste multidisciplinaire Fabien Pelletier, plus connu sous son nom d’artiste Feber E. Coyote, a voulu faire de même.
Il a porté son film pendant près de 15 ans, ayant commencé le tournage dans les Chaudière-Appalaches en 2018 et 2020 et demandant de l’aide des gens locaux pour la réalisation du film, certains ayant prêté leurs objets d’époque, notamment de vieilles voitures, pour tenter de retranscrire la Beauce des années 50. Et après une gestation tumultueuse, le jeune cinéaste peut enfin montrer son projet de cœur, Hank est en ville, notamment lors d’une première mondiale au Festival Fantasia.
Situé dans un village de la Beauce en 1952, dans un contexte de grève des travailleurs et de tensions entre francophones et anglophones, le film suit la rivalité entre deux chanteurs country, le francophone Ghislain Vachon (Martin Jr Pelletier) et l’anglophone Jim Larochelle (Michael Kelly), tous les deux étant amourachés de la même fille, Suzanne (Geneviève Néron). Une rivalité qui va atteindre son point culminant lorsqu’un meurtre a été commis dans le village.
Le film est un mélange entre le film historique, le Western et le Film noir, situé dans le rude hiver de la Beauce, le tout parsemé de musique country. Pour un film au budget très restreint, la reconstitution historique est bien réussie. En effet, si on peut reconnaître quelques anachronismes, un soin tout particulier a été apporté à retranscrire les années 50 de l’époque. Dans sa globalité, le film se veut un hommage au cinéma de cette époque, que ce soit en reprenant le Film noir et le western, deux genres particulièrement populaires dans ces années-là, mais également en faisant allusion au cinéma muet et au cinéma-vérité québécois. Le personnage du frère cinéaste est le reflet de cet hommage.
Et l’aspect « fait main » donne un certain charme au film, notamment l’utilisation de maquettes, ici utilisées pour combler les scènes en voiture. Même si elles peuvent facilement contraster avec l’esthétique globale du film et donc nous décrocher de notre suspension consentie de l’incrédulité.
Cependant, si la démarche de Feber E. Coyote est louable, elle n’excuse pas les nombreux défauts du film. À commencer par un montage brouillon qui offre plusieurs choix discutables comme plusieurs transitions qui parsèment le film. Plusieurs scènes se terminent par un fondu au noir sans qu’elles aient de raison d’être. La photographie laisse aussi à désirer. On sent qu’ils voulaient donner un aspect vieux film avec les couleurs délavées, mais le grain très détaillé de la caméra numérique ne rend pas honneur à ce choix de mise en scène.
De plus, le scénario perd rapidement son intérêt. Tout le sous scénario lié à la grève et à la rivalité entre francophones et anglophones, qui est sans doute l’aspect le plus intéressant du film, est très vite mis de côté en faveur d’un triangle amoureux avec un cruel manque de développement et d’attachement entre les trois personnages, surtout celui de Suzanne qui semble parfaitement possible, alors qu’elle est celle qui a le plus d’opinions sur la chose.
L’exercice d’Hank est en ville est très louable et est ici bien fait. Ce sont des choses qui méritent d’être félicitées au cinéma. Cependant, ça ne peut pas tout excuser. Feber E. Coyote est un artiste prometteur qui s’est lancé dans le projet de sa vie, il ne lui reste plus qu’à prendre en compte ses erreurs et il pourra aller loin.
Hank est en ville est présenté au Festival Fantasia le 22 juillet 2025.
Bande-annonce
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