« À quel point la loi peut-elle sauver quelqu’un? »
Le Festival Fantasia a une grande réputation dans le monde en tant que tremplin pour le cinéma de genre. Présenter son film là-bas est presque un honneur pour certains cinéastes, surtout quand il a l’occasion d’être présenté en première mondiale, ce qui en fait un événement. Il est donc de bon augure de présenter son film dans les meilleures conditions possibles, qu’il soit bon ou mauvais. Mais ce n’est malheureusement pas ce que les réalisateurs Lee Chang-hee et Yusron Fuadi ont fait cette année en présentant The Verdict.
La prémisse laissait quand même intriguer. Raka est un officier dans un tribunal et est souvent témoin de procès injustes où des personnes privilégiées sont reconnues innocentes grâce à des magouilles juridiques et de la corruption au sein du système juridique. Il se retrouve cependant au cœur de ce type de procès lorsque sa femme enceinte se fait tuer par le jeune fils d’un grand magnat et que son avocat réussit à tourner les faits contre Raka. Il va donc décider de changer la donne en prenant le tribunal en otage et en demandant que la vérité soit dévoilée.
C’est un concept prometteur, alliant à la fois toutes les thématiques sur la lutte des classes propres au cinéma coréen, mélangé aux problèmes de corruption dont souffre le système juridique indonésien. Lee Chang-hee, connu pour la série Netflix A Killer Paradox, et son confrère indonésien Yusron Fuadi (Tengkorak, Selon Atlas) avaient l’occasion de faire un Vigilante Movie intense où le petit peuple aurait pris sa revanche contre les 1%. Cependant, ils n’arrivent pas faire s’envoler leur film et le résultat final est décevant, et même incomplet.
En effet, ce qui a frappé le plus les spectateurs dans la salle, c’est de voir que le film n’est pas finalisé. En même temps, lorsqu’aucune personne de la production n’était présente pour assister à la première mondiale de leur film, on pouvait déjà se poser des questions. Non seulement l’étalonnage du film change une fois sur deux, mais on a également le droit à des fonds verts sans aucune incrustation. L’exemple le plus flagrant est un plan qui semble se dérouler dans une salle avec un écran géant, mais avec le gigantesque fond vert qui n’a pas été changé et même une perche dans le champ. Avec ça, on ajoute des photographies qui ne montrent que du bleu, une mauvaise incrustation d’une vidéo et, cerise sur le gâteau, un simple « End » qui sert de générique de fin.
Ce n’est pas nouveau que des films dits « non finis » soient montrés dans des festivals. Wong Kar-wai avait notamment présenté un montage d’In the Mood for Love qui n’était pas la version finale du film lors du Festival de Cannes de 2000. Mais d’un, ce n’était pas aussi flagrant. De deux, il s’agissait d’un premier montage. Et de trois, ils avaient la politesse de prévenir. Ici, les réalisateurs n’ont fait qu’envoyer ce qui était prêt pour le moment, juste pour que le film soit projeté à Fantasia. Un véritable comble lorsqu’il est présenté en Première mondiale et qu’il est en plus dans la sélection du Cheval noir, soit la plus importante du festival. Néanmoins, les nombreuses erreurs techniques du film ont animé la salle, car le reste du film n’a guère réussi à le faire.
En effet, toute la prémisse de prendre la salle d’audience en otage est un frein pour le film. On aurait pu avoir droit à un long-métrage d’action intense du type I Saw the Devil où Raka amènerait sa propre justice dans un système brisé, mais on a plutôt droit à un drame juridique mou, ce qui n’est pas aidé par des personnages creux et stéréotypés, un scénario peu entraînant malgré les messages qu’il veut passer et une mise en scène sans grande motivation. Le début laissait quand même présager du bon, mais le film se défait petit à petit.
Même s’il avait été présenté dans une version complète, The Verdict n’aurait cependant pas convaincu le public de Fantasia. Il reste que toutes les erreurs techniques ont créé des moments involontairement drôles qui ont captivé l’audience.
The Verdict était présenté au Festival Fantasia, le 16 juillet 2025.
Bande-annonce
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