EDDINGTON - Une

[Fantasia] Eddington – une petite ville sous tensions

« I am recording this. »
[J’enregistre ça.]

Mai 2020 à Eddington, petite ville du Nouveau-Mexique, la confrontation entre le shérif et le maire met le feu aux poudres en montant les habitants les uns contre les autres.

Eddington - Poster

En seulement quatre longs métrages, Ari Aster s’est imposé comme un réalisateur audacieux; porteur de thématiques souvent dérangeantes et bousculant les normes, avec une prédilection pour un style nimbé « d’inquiétante étrangeté ». Hereditary, sorti en 2018, et Midsommar, en 2019, exploraient le genre horrifique : le premier à l’intérieur d’une famille, le deuxième au sein d’une communauté quelque peu cauchemardesque…

Avec Eddington, présenté en ouverture du Festival Fantasia à Montréal, le réalisateur s’empare de certains archétypes du western pour les bousculer et les adapter à l’époque actuelle. En résulte une critique acerbe de l’Amérique, à l’ère du Covid et de Black Lives Matter.

Faire tomber les masques

Le shérif Joe Cross, interprété par Joaquin Phœnix, est un personnage conservateur en marge : alors que le film débute en mai 2020, en pleine période de Covid dans la petite ville (fictive) d’Eddington au Nouveau-Mexique, il refuse de porter un masque sanitaire, voue un amour sans bornes à son excentrique et influençable femme Louise (Emma Stone), et s’oppose fermement au maire progressiste Ted Garcia (Pedro Pascal). Ce dernier, personnalité assez molle et conformiste, désire se présenter de nouveau aux élections municipales. Joe quant à lui rend justice à sa façon, alors que la communauté (encore) calme commence à se manifester… Les écrans de cellulaires et d’ordinateurs sont omniprésents, et les habitant.e.s s’observent pour le meilleur (et surtout) pour le pire. Une atmosphère paranoïaque ambiante exacerbe les mini-tensions, prêtes à exploser; alors que débute le mouvement Black Lives Matter – et ce, même à Eddington – suite à la mort de George Floyd, et que Louise Cross s’amourache d’un charmant illuminé, Vernon Jefferson Peak, incarné par Austin Butler.

Ari Aster alterne confrontations et mésententes entre ces multiples problématiques, permettant à des actrices et acteurs fort talentueux d’exprimer leur plein potentiel – et ce, parfois en roue libre. Le point de bascule dramaturgique survient à la fin de la première partie du film, alors que Joe Cross a décidé depuis peu de se présenter face à Ted Garcia aux nouvelles élections municipales…

Plongée vers la folie

La démonstration, en première partie du film, d’une critique acerbe des États-Unis période 2020, se transforme en une plongée dans la folie progressive d’un homme aux limites quelque peu fluctuantes; et ce, dès les premières scènes. Joaquin Phœnix interprète une fois de plus parfaitement une personnalité borderline aux tendances paranoïaques. C’est à ce niveau, à mon sens, que se jouent les limites, mais également les réussites du film : de multiples thématiques se croisent sans approfondissement pour certaines, et survient ensuite un déchaînement de violence, au sein d’une deuxième partie résolument tournée vers l’acteur principal qui déploie une fois de plus son plein potentiel. Son interprétation est cependant beaucoup plus subtile que les excès qu’il porte, et qui deviennent maintenant sa marque de fabrique.

La folie de Joe Cross a-t-elle été exacerbée par le principe de réalité bien trop brutal pour ce personnage, qui se retrouve seul, face à ses contradictions et ses limites? Le shérif occupe tellement d’espace que les personnages interprétés par Emma Stone et Austin Butler sont éclipsés, voire sacrifiés dans cette deuxième partie où l’ironie amère des débuts se transforme en règlement de comptes sanglant et virulent… Alors que la communauté d’Eddington se lie contre Joe Cross, incarnation d’une certaine justice partiale.

Ce dernier long-métrage, qui semble avoir divisé le public cannois, comporte suffisamment d’audace et de trouvailles pour être apprécié à sa juste valeur, malgré ses excès visuels et scénaristiques. Il met en avant avec clairvoyance un certain malaise ancré dans nos sociétés occidentales, que le réalisateur arrive très bien à retranscrire… alors que de nos jours, l’horreur n’a plus besoin de masque pour exister.

Eddington est présenté au Festival Fantasia le 16 juillet 2025 et sortira en salles le 18 juillet.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Eddington
Durée
148 minutes
Année
2025
Pays
États-Unis
Réalisateur
Ari Aster
Scénario
Ari Aster
Note
7.5 /10

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fiche technique

Titre original
Eddington
Durée
148 minutes
Année
2025
Pays
États-Unis
Réalisateur
Ari Aster
Scénario
Ari Aster
Note
7.5 /10

© 2023 Le petit septième