Le Ventre De Bassima - Une

Le ventre de Bassima – Puis-je être sa maman?

« Si tu acceptes, nos cœurs seront toujours liés par la plus belle chose qui existe. Moi, c’est Michelle. »

Le Ventre De Bassima_Affiche

Comme le titre l’indique, dans Le ventre de Bassima, long-métrage du réalisateur montréalais d’origine iranienne Babek Aliassa, tout tourne autour du ventre de la protagoniste, la jolie et jeune Bassima (Maxine Denis) : Bassima vit à Montréal avec son mari Fouad (Roudy Nakhlé). Ils ont fui la guerre en Syrie pour le Québec où ils vivent illégalement tant bien que mal de petits boulots au marché noir et de contrebande. Quand Fouad est dénoncé par leur propriétaire et expulsé en Syrie, Bassima se retrouve à la rue, seule et sans argent. Désespérée, mais désireuse de faire revenir son grand amour avec l’aide d’un faux passeport, elle accepte de devenir mère porteuse pour un couple aisé stérile. Or, tout ne se passe pas comme prévu… 

Un couple normal, mais pas comme les autres

Si on observe Bassima et Fouad se lancer des boules de neige en riant et en badinant, on les prendrait pour des jeunes tourtereaux ordinaires – heureux et profitant de la vie. On les croirait sans soucis, mais bien au contraire : faute d’emploi officiel et de statut légal, ils ne gagnent pas assez d’argent et vivent dans des circonstances précaires, toujours à l’affût des services de l’immigration, de peur de devoir rentrer au pays en guerre. 

Le Ventre De Bassima - Un couple normal
Bassima (Maxine Denis) veut vendre ses bijoux, son mari Fouad (Roudy Nakhlé) s’y oppose

Le peu que Fouad rapporte des ventes de cigarettes au marché noir et Bassima par ses petits boulots de nettoyage et de couture ne suffisent pas pour payer le loyer et les autres factures. 

Le conflit : le propriétaire les dénonce!

Désespérée, Bassima est sur le point de vendre ce qu’elle a de plus précieux, son collier en or, mais Fouad intervient et le récupère. Il lui promet de trouver une solution à leurs problèmes d’argent. 

Le Ventre De Bassima - Le conflit
La voisine en dessous aide Bassima à fuir

Or, le propriétaire est impatient. Bassima essaie de le calmer et de négocier un délai supplémentaire et lui donne le collier en gage. Ceci n’empêche pas ce dernier de les dénoncer à l’Agence des services frontaliers. Cependant, Bassima est chanceuse : leur voisine, immigrée elle aussi, détecte l’agent par hasard depuis la fenêtre. Si c’est trop tard pour Fouad, qui est arrêté dans l’appartement, la voisine saisit Bassima à temps pour la cacher chez elle le temps de l’arrestation de Fouad. La jeune épouse se trouve dès lors seule et sans argent dans les rues de Montréal – il est hors de question de rentrer dans l’appartement pour ne pas risquer d’être arrêtée aussi. Elle trouve refuge dans une maison d’accueil pour les femmes, mais puisqu’elle n’a pas d’enfants elle devra quitter l’endroit en l’espace d’une semaine. La situation semble sans issue. 

L’atout de Bassima : la couture

Mais Bassima a un grand atout : elle est jeune, charmante, parle parfaitement le français et elle est une excellente couturière. Josée que Bassima connaît d’un de ses petits boulots accepte qu’elle l’aide clandestinement dans son magasin de couture et qu’elle dorme dans la cave. La rencontre s’avère décisive pour les deux femmes : Josée profite de ses talents de couturière, des talents qui sauvent même sa réputation puisque c’est Bassima qui arrive à adoucir une cliente en colère qui menace de porter plainte contre Josée pour une robe de marque déchirée. 

Le Ventre De Bassima - Atout de Bassima
Josée veut que Bassima offre son bébé à sa sœur

Ayant passé la nuit à coudre, Bassima présente le vêtement réparé par une broderie syrienne raffinée. La cliente adore – et organise même un gros contrat au théâtre. Mais son talent n’est pas la seule chose qui intéresse Josée. Elle voit en la jeune femme désespérée une lueur d’espoir pour sa petite sœur traumatisée : stérile, son mari Robert et elle ne peuvent pas avoir d’enfant. Une première grossesse de substitution ayant échoué par un accident causé justement par Josée, le couple reprend espoir lorsque Josée leur parle de sa nouvelle recrue (au sens double)… 

Devenir mère-porteuse pour un couple stérile 

Lorsque Josée présente son idée à Bassima pour la première fois, elle la refuse avec détermination : « Mon mari va penser que je suis folle. Ça ne se fait pas chez nous! » Mais quand Fouad est expulsé et qu’elle a besoin de milliers de dollars pour organiser son faux passeport, Bassima, bien que déchirée à l’intérieur, est prête à parler au couple. La première rencontre se passe le soir quand la nuit est tombée, dans la voiture de Robert – Michelle, la sœur de Josée, se sent mal à l’aise avec l’idée d’utiliser la jeune immigrée comme mère porteuse et décide de rester à la maison. 

Le Ventre De Bassima - Devenir mère
Bassima ne sait pas quoi faire

La position des personnages dans cette scène est parlante : si le magasin en face est éclairé, la voiture reste dans l’obscurité. Robert, derrière le volant, ne regarde Bassima, assise à l’arrière, qu’à travers le rétroviseur. Josée a pris place à côté de la jeune femme. Tout le setting souligne leur distance et l’aspect illégal de l’entreprise. Pendant la plupart de la conversation, Robert et Josée parlent sur « elle » : « Elle est en bonne santé. », « Elle sait pour l’insémination? » Elle comprend parfaitement ce qu’ils disent et ne se laisse pas réduire au titre de simple objet. Sa maîtrise parfaite de la langue et son intelligence vive ne la laissent pas dans le rôle stéréotypé de la femme immigrée muette et objectivée. Elle discute avec Robert et exige de lui une preuve qu’elle peut faire confiance à sa femme et lui. Robert hésite, mais appelle ensuite Michelle au téléphone. Le ton de la conversation change alors : le froid et le caractère impersonnel de Robert laissent place à la chaleur et l’empathie des mots d’une femme qui ne désire rien d’autre que d’avoir enfin un enfant, après tous ces échecs : « Si tu acceptes, nos cœurs seront toujours liés par la plus belle chose qui existe », clôt-elle, avant de révéler son prénom, comme un signe de connivence entre femmes : « Moi, c’est Michelle ». 

Séduite par l’argent et les perspectives que Josée lui propose – sa propre boutique, l’intégration réussie –, Bassima accepte l’offre à l’insu de son mari qui, décidément, ne serait pas d’accord. Quand Bassima apprend par hasard au cabinet médical de la tante de Josée qu’elle est déjà enceinte de Fouad, à quelques jours de l’insémination, tout risque de s’écrouler… Que faire? Tout annuler? Mettre au monde un bébé sans perspectives? Ou prétendre que l’enfant est celui de Robert comme Josée le lui conseille? « Il va grandir dans une famille aisée, il va être choyé comme aucun autre. Toi, t’as quoi à lui offrir? » 

Un film sur les dilemmes personnels

Babek Aliassa - Un film sur les dilemmes
Ayant migré plusieurs fois dans sa vie, Babek Aliassa sait de quoi il parle

La force du film de Babek Aliassa réside dans le fait qu’il arrive à faire ressortir la psychologie des personnages de manière fascinante : on sent le déchirement et le désespoir de Bassima qui ne veut pas mentir, mais qui est forcée de le faire, par les circonstances : 

« [C]e serait surtout un film sur des rapports difficiles entre des êtres humains accablés par leurs dilemmes personnels, et par leur destin compliqué et irrésolu, qui continue de les maltraiter comme seule la vraie vie sait le faire. » – Babek Aliassa

L’accent mis sur la psychologie des personnages est souligné par les plans rapprochés – la caméra reste toujours très proche des visages des protagonistes. De plus, le contraste entre le clair et l’obscur met brillamment en évidence l’oscillement de Bassima entre l’espoir (le magasin de mode éclairé, la couture qui souligne son agentivité) et le désespoir (la nuit dehors et l’hiver glacial symbolisant la situation statique de la vie comme réfugié illégal) et les enseignes lumineuses à la couleur rouge du magasin et dans la rue font à plusieurs reprises implicitement référence aux risques d’une grossesse de substitution illégale.  

Tout compte fait, Le ventre de Bassima est un film excellent que je conseillerais à tout le monde qui s’intéresse à la psychologie des gens. 

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Le ventre de Bassima
Durée
96 minutes
Année
2024
Pays
Québec (Canada)
Réalisateur
Babek Aliassa
Scénario
Babek Aliassa
Note
10 /10

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Fiche technique

Titre original
Le ventre de Bassima
Durée
96 minutes
Année
2024
Pays
Québec (Canada)
Réalisateur
Babek Aliassa
Scénario
Babek Aliassa
Note
10 /10

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