« 怎么电话不接,短信也不回 »
[C’est quoi ton problème? Tu ne réponds ni à mes appels ni à mes messages.]
Une histoire d’amour durable, mais fragile entre Qiaoqiao (Zhao Tao) et Bin (Li Zhubin), qui se déroule en Chine, du début des années 2000 à nos jours.
Pris l’un de l’autre, Qiaoqiao et Bin profitent de tout ce que la ville a à offrir, chantant et dansant. Jusqu’au jour où Bin décide de tenter sa chance dans un endroit plus grand que Datong. Il part sans prévenir. Quelque temps plus tard, Qiaoqiao décide de partir à sa recherche.
Retraçant tous ses films précédents, Jia Zhang-Ke offre un regard épique sur le destin romantique de son héroïne indémodable, Qiaoqiao. Couvrant 21 années d’un pays en profonde transformation, le film offre un regard nouveau sur la Chine contemporaine ainsi que sur les expériences individuelles face aux bouleversements émotionnels et sociaux.
Les premières images de Caught by the Tides ont été tournées en 2001. D’autres séquences ont été tournées au cours des deux décennies suivantes, jusqu’aux scènes tournées à Datong en 2023. Ainsi, on peut dire que le film couvre réellement les années qu’il met en scène.
Au début des années 2000, Jia Zhang-Ke a immortalisé des foules chantant avec. Il a tourbillonné avec les danseurs, puis il a suivi les jeunes dans tous leurs lieux préférés. Au cours des vingt années suivantes, il a suivi de temps à autre certains de ces mêmes gens, les suivant aux Trois Gorges du Yangzi Jiang, à Zhuhai, à l’extrême sud, au nord-est et au sud-ouest de la Chine. Ces images font partie du film, amenant, en même temps, des changements de format à mesure que l’histoire progresse. Du 4:3 au 21:9 et passant par le 16:9, Caught by the tides raconte le passage du temps et ce qui est venu avec.
Mais comme il n’explique rien et que les changements se font sans réelles transitions, ce film reste très opaque pour quelqu’un qui n’est pas au courant des changements sociaux qu’a vécus la Chine depuis le début des années 2000. Les changements de format d’image, ainsi que le rythme ultra lent et le peu de paroles laissent croire qu’il s’agit d’un documentaire plus que d’une fiction. Ce qui n’est pas le cas.
Mais en plus, si on n’a vu aucun des films précédents du réalisateur – ou que ça fait plus de 10 ans comme c’était mon cas avec A touch of sin –, oa beaucoup de difficulté à embarquer dans cette histoire qui, au final, n’a pas réellement d’histoire.
Si ce n’était de quelques textos envoyés par Qiaoqiao, on n’aurait aucune espèce d’idée de ce qui se passe. Ce personnage de « Qiaoqiao » est apparu pour la première fois dans Plaisirs Inconnus en 2002. À l’époque, c’était une jeune femme vivant dans une petite ville de l’intérieur des terres, inexpérimentée, mais rebelle face à des forces sociales et économiques sur le point d’exploser. En 2018, « Qiaoqiao » est réapparue dans Ash is Purest White, où elle vit désormais en marge de la pègre, au cœur du développement économique rapide de la Chine.
Dans la première partie du film, on voit Qiaoqiao chanter, ce qui nous permet de savoir qu’elle a une voix, car sinon elle ne parle simplement jamais.
« Je souhaite la présenter comme une personne silencieuse, notamment parce qu’elle représente un secteur de la société qui a connu des changements très rapides au cours des deux dernières décennies. Ces changements posent des défis constants et poussent parfois les gens dans des situations difficiles. Face à de telles réalités sociales, nous ressentons des émotions fortes et complexes, et nous manquons parfois de mots pour les exprimer ou les décrire. On pourrait d’ailleurs dire que ces émotions ne peuvent jamais être pleinement exprimées. Le silence de Qiaoqiao permet au spectateur d’imaginer ce qui est enfoui au plus profond de son esprit. Son expérience personnelle contribuera à combler ce vide. »
Ce moment où elle chante est important, car tout le film repose sur la signification des chansons pour expliquer l’histoire. C’est un peu comme une sorte de narrateur qui apparait ici et là dans le film.
Par exemple, la chanson d’ouverture, Underground (dont le titre se traduit littéralement par « Feu de forêt »), est composée par Brain Failure, un groupe de rock chinois du début des années 2000. Les paroles citent un vers d’un célèbre poème de la dynastie Tang (« Même un feu de forêt ne peut brûler toutes les mauvaises herbes, elles repousseront dans la brise printanière »), qui souligne la résilience de la vie. Allusion au personnage féminin et à sa résilience.
Une autre chanson de la première partie, Kill the One from Shijiazhuang du groupe Omnipotent Youth Society, dépeint la vie morne et désespérée des ouvriers d’une usine d’État dans une ville industrielle de l’intérieur des terres. Une des premières scènes montre un groupe de mineurs qui sort de la mine à la fin d’une journée de labeur.
La chanson Yi Mo Yi Yang (littéralement « Le même ») du groupe Wutiaoren, que Qiaoqiao et Bin entendent devant le supermarché vers la fin du film, raconte l’histoire d’un couple d’amoureux qui se rencontre et se sépare au fil des quatre saisons. Elle fait écho à l’expérience des protagonistes du film.
Finalement, la chanson de fin, « Ji Xu » (littéralement « Continue ») du célèbre chanteur de rock Cui Jian, est sortie pendant les confinements liés à la pandémie; c’est un appel retentissant à la dignité. Sans dévoiler la fin, il y a encore là un lien direct avec l’histoire.
Pourquoi utiliser autant la musique pour raconter l’histoire? Parce qu’elle peut se transmettre. Des chansons d’époques différentes peuvent nous ramener à ces époques, comme un code ou une clé pour déverrouiller le passé.
Caught by the tides raconte aussi comment les femmes ont tendance à être résiliente dans le temps et les épreuves, alors que les hommes ont plutôt tendance à finir brisés par la vie.
Lorsqu’on parle de temps qui passe, on ne peut pas ignorer les avancées technologiques. Ainsi, la technologie vient compléter le récit en montrant que non seulement les personnes évoluent, mais l’environnement aussi. Et souvent, ce dernier force les gens à évoluer, qu’ils le veuillent ou non.
En 2006, dans un salon de thé des Trois Gorges, Qiaoqiao découvre un film de science-fiction américain sur les robots. Dix-sept ans plus tard, à Datong, elle travaille dans un supermarché et s’y fait un « ami » robot. Ces deux scènes résument globalement l’entrée de l’IA et de la robotique dans nos vies. Les robots sont désormais omniprésents en Chine : hôtels, administrations publiques, centres commerciaux. Ce qui était autrefois un divertissement de science-fiction est donc devenu un lieu où l’on discute avec Siri sur son iPhone.
Je ne peux pas qualifier ce long métrage de particulièrement bon. Par contre, pour un certain public, il pourra faire scintiller une lumière nostalgique au fond du cerveau.
Caught by the tides est présenté au FCMS, les 9 et 12 avril 2025.
Bande-annonce
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