« They are sending a message. »
[Ils lancent un message.]
Un vétéran de l’armée, Timothy McVeigh, élabore un plan meurtrier après le siège de Waco. Un thriller psychologique dépeignant l’acte de terrorisme intérieur le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis.
L’un de mes petits plaisirs dans la vie est de me faire des surprises comme aller voir un film sans rien connaître d’autre que le titre et la moitié de l’annonce pour ne pas gâcher l’expérience. J’entre donc ainsi naïvement et avec beaucoup d’aisance dans des univers parfois horribles ou inhospitaliers, un peu comme un enfant mis au monde sur une Terre où coexistent misère et miséricorde; le Bien et le Mal. Exister reviendrait-il en quelque sorte, à être une donnée aberrante qui cherche à s’affirmer comme une constance, ou, du moins, une variable capable d’influencer l’immuable; d’en faire partie intégrale?
J’affligeais mon esprit de ces pensées, alors que se terminait mon visionnement de McVeigh dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Moi qui croyais être en train de voir une fiction sur des Rednecks déviants, je réalisais encore une fois que la réalité dépasse trop souvent la fiction. Mike Ott présente ainsi un film sur ce terrible événement survenu le 19 avril 1995, alors qu’un homme faisait exploser une bombe dans la ville d’Oklahoma City tuant 167 personnes dont 19 étaient des enfants, devenant ainsi l’acte terroriste domestique le plus dévastateur de l’histoire des États-Unis. J’étais sidéré, estomaqué, renversé. Je veux dire quand on ne s’y attend pas, ça a un peu l’effet d’une bombe; ne croyez-vous pas?
Tout n’est pas que chaos. Cependant, il ne faut pas croire que cela signifie nécessairement l’omniprésence d’un ordre total et absolu. La vie – et même l’existence tout entière – est probablement plus qu’un paradoxe, mais un véritable oxymore. Au-delà des milliards de galaxies qui s’étendent par-delà ce que nous pouvons observer, il existe sans doute tout et son contraire; certaines variables se doivent d’être des constantes; pour chaque plus, il doit y avoir un moins. Néanmoins, ce long métrage déstabilisant confirme tout de même ceci; ce genre de chose, ça se sent. L’entièreté de l’œuvre cinématographique est teintée par cette impression — ce mauvais pressentiment — dans un crescendo qui n’atteint aucune catharsis. Un choix brillant, puisqu’il n’y a pas de bonheur ou de libération rattachés à ce moment tragique; même qu’un poids reste, pesant au fond de la poitrine, comme si l’on voudrait anéantir tout le Mal du monde tout en prenant conscience que c’est ce Mal qui nourrit ces pensées.
Matière et antimatière… toutes deux nées au même moment dans l’univers. Que l’un supplante l’autre, simple question de hasard, peut-être, et de temps, sûrement. Qui a commencé, qui mérite d’être puni, qui devrait obtenir réparation, etc. La justice n’a pas de fin, puisque le temps ne peut se rattraper. Le temps que l’on veut percevoir comme une variable – une dimension de plus – n’est en fait que le constat de ce qui fut et qui n‘est plus, un constat humain; une idée de ce qu’encore nous croyons pouvoir un jour contrôler. Sentiments d’oppression ou imposition tyrannique de sa vérité? Difficile de bien comprendre ce qui se brise en soi lorsque la pensée se transforme en des paroles ou des actions dangereuses et haineuses.
Alfie Allen incarne le personnage de Tim (pour Timothy McVeigh) avec une intensité remarquable. Je sentais justement cette noirceur au fond de son regard; cette chose qui parasite et corrompt l’esprit de ses hôtes et qui — dit-on — les prive de leur humanité. Ça me faisait penser à cette scène dans Apocalypto de Mel Gibson où le père du protagoniste le prévient des dangers de laisser la peur s’immiscer en soi, qu’elle est comme une maladie, quelque chose qui donc précède l’humain. Cela me rappelle aussi cette réplique dans Batman : Dark Knight de Christopher Nolan lorsque Alfred explique à Bruce Wayne que le Mal n’a parfois pas d’origine, il est, tout simplement.
La justification d’actes de ce genre ne date pas d’hier. Cette idée représentée symboliquement par le passé d’un condamné à mort, interprété par Tracy Letts, et un ami de Tim traverse le film de bout en bout. On avance craintivement et contre notre gré dans une catabase où la seule option semble être la mort. Même si l’on montre que l’homme interprété par Alfie Allen est capable d’aimer et de compatir, on ne ressent pas ce caractère comme n’étant ni ce qui domine son esprit ni ce qui oriente ses idées ainsi que ses pensées. On évoque ainsi la goutte de blanc qui existe dans la partie noire du Taijitu, le symbole de la zénitude Taoiste; même le mauvais peut s’adonner au bien de temps en temps.
C’est pourquoi il ne faut pas condamner, car comme j’ai tenté d’illustrer ci-dessus (et plusieurs autres fois), la violence et la haine n’engendrent que la violence et la haine. Il m’apparaît bien évidemment plus que normal de ressentir de la colère, de la tristesse et de la peur face à tout ça, mais il ne faut pas s’y laisser aller, car cette pente est plus glissante et traîtresse qu’un trottoir pendant la crise du verglas. Au fond, j’imagine que tout ça commença lorsque les anneaux furent forgés… Une manière de dire qu’il n’y a pas vraiment de début.
J’ai pourtant bien apprécié le film, car même s’il ne véhicule pas nécessairement un message positif, il permet au moins de constater d’un moment de l’Histoire avec un réalisme puissant qui m’a marqué. Je me disais sans cesse; « j’espère qu’il ne va pas réussir. Peu importe son plan, j’espère que ça ne fonctionnera pas. », mais en vain. Heureusement, on ne tombe pas non plus dans le divertissement de l’horreur et des meurtres sanglants, on tente même de l’éviter y compris au cœur même de la diégèse. Cela donne l’impression que le film se présente comme un cri qui essaie de se faire entendre à travers le temps. Un message qui veut rebrousser chemin en mettant en évidence toute la violence qui ne se produit pas avant que le générique de fin ne s’annonce à l’écran.
Tim eut plus d’une fois l’opportunité de faire un travail introspectif, de porter un regard objectif sur lui-même en plus de se donner la possibilité d’être et de faire autre chose de sa vie. Il n’y fait pourtant rien et continue de blâmer le système, les autres, mais jamais soi. J’ai l’étrange sensation que ce n’est pas qu’une interprétation de la réalité, mais une représentation d’une vérité à laquelle on refuse de croire. Je pense que si cela n’était que des foutaises, il n’y aurait pas d’excellente série sur le sujet de la violence et de la prise de conscience comme À cœur battant ou Mea culpa. C’est ce que j’ai envie de faire cette semaine, la même chose que toutes les autres. J’espère contribuer en bien au monde autour de moi et m’inspirer des fois où on croit que tout peut s’arranger; d’autres non, mais surtout la sagesse d’en connaître la différence.
Je vous laisse sur une chanson avec des paroles que tous peuvent comprendre lorsque la vie nous indique que rien n’en vaut la peine, il faut savoir se rappeler qu’ainsi va la vie et que même les roses ont des épines, qu’on réussit à en apprécier le parfum malgré tout.
Bande-annonce
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