« Elle était la première, la seule, et elle est restée la seule pendant des années. »
Autrefois abandonnée sur le pas d’un orphelinat à Montréal, Johanne Harrelle, talentueuse artiste, comédienne et l’une des premières mannequins noires en Amérique du Nord, a mené une existence à son image : complexe et audacieuse.
À travers des images d’archives, des entretiens avec ses proches et l’interprétation de ses écrits par trois comédiennes contemporaines, Johanne, tout simplement, de Nadine Valcin, révèle avec finesse la trajectoire d’une femme magnétique et passionnée qui s’est constamment opposée aux attentes de son époque.
Johanne Harrelle a non seulement été la première mannequin Noire du Québec, mais aussi une des premières mannequins afrodescendantes en Amérique du Nord. Et pourtant, elle est largement méconnue du grand public.
Le documentaire Johanne tout simplement prend ainsi tout son sens et toute son importance. Comment se fait-il que cette femme qui a eu une trajectoire à la fois exceptionnelle et tragique ne soit pas plus connue du grand public?
La réalisatrice en profite aussi pour rassembler trois Québécoises d’origine haïtienne – Schelby Jean-Baptiste, Nadine Jean et Garihanna Jean-Louis – qui ont prêté leurs voix aux écrits autobiographiques de Johanne Harrelle. Elles discutent aussi de son legs et de leurs expériences personnelles. Il y a aussi la mannequin Abla Osman qui incarne Johanne dans des reconstitutions poétiques.
Une des forces du documentaire est que bien que la réalisatrice veuille montrer l’importance de son sujet, jamais elle n’en fait une icône de pureté et de perfection. Elle montre la femme dans toute sa diversité, de ce qu’elle avait de mieux, à ce qu’elle avait de moins bon.
Les intervenants, d’ailleurs, ne tombent pas dans le piège non plus, racontant des anecdotes allant dans les deux sens. Ainsi, on raconte que la jeune femme était remplie de talent, mais aussi qu’elle ne s’était jamais vraiment occupée de ses enfants.
Aussi, la réalisatrice vit dangereusement en parlant de Claude Jutra sans que ce soit pour le dénigrer. Elle l’encense même à un moment. On sait qu’il est pratiquement interdit de mentionner ce réalisateur en disant qu’il était un grand du septième art. Hé bien Nadine Valcin ose.
Elle montre que malgré les accusations portées contre Jutra, À tout prendre est une œuvre importante qui trace le portrait de sa relation amoureuse avec Harrelle à l’époque de la Révolution tranquille et de la transition du Québec vers la modernité. Pour la première fois en Amérique du Nord, on montre sur grand écran, un couple interracial partageant un lit.
Le point faible du documentaire réside dans son style qui reste dans un format très classique. Oui, l’ajout de reconstitution est intéressant, mais on aurait pu pousser un peu plus loin en donnant une qualité visuelle plus moderne à ces séquences. Ça aurait donné un peu plus de vie à ce documentaire qui en plus d’être intéressant, deviendrait plus vivant.
Qui qu’il en soit, Johanne tout simplement rétablie un peu cette faute de n’avoir jamais donné la chance au grand public d’aujourd’hui de connaitre cette femme qui a eu un rôle important en ce qui a trait à la représentativité à l’écran et sur les scènes.
Johanne tout simplement est présenté aux RVQC, le 23 février 2025.
Bande-annonce
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