« Je vais enlever ça pour que tout le monde me comprenne… »
– François Legault
Bientôt cinq ans après l’arrivée du virus de la COVID-19 dans nos vies, Éric Bruneau donne la parole aux individus qui, du jour au lendemain, ont dû s’assurer que le Québec passe à travers la pire crise qu’il n’ait jamais vécue. Leurs révélations sur les coulisses de la pandémie feront voir les événements d’une toute nouvelle manière.
2025 et on a déjà passé la mi-février. Dans quelques semaines on pourra se remémorer les 5 ans du début de la pandémie avec beaucoup plus de froideur que la température hivernale; cinq années, déjà. Pour la cause, Éric Bruneau, inspiré par l’essai d’Alec Castonguay intitulé Le printemps le plus long, nous présente donc une courte série documentaire du même nom sur cet événement mondial que fut la crise du coronavirus de Wuhan. C’est ainsi que messieurs Bruneau, Castonguay lui-même ainsi que l’excellent réalisateur Sébastien Trahan nous font revoir ce qui s’est tramé chez nous, mais cette fois-ci en nous montrant ce que nous ne savions pas.
Possible rupture des communications dans l’ensemble du pays, manque d’approvisionnement des ressources essentielles et des magouilles sur le terrain que — comme l’a si bien dit Éric Bruneau — lui avoir proposé comme scénario de fiction, il aurait suggéré qu’on en beurre moins épais. Que voulez-vous? ll arrive que la réalité nous rappelle d’où toute fiction tire principalement sa source; et ce n’est pas l’imaginaire. Nous l’avons échappé belle, alors ne devrions-nous pas en tirer une leçon maintenant? Une chose est certaine, malgré les éloges et les petits moments cocasses rendant le tout digeste, la place n’est pas à la rigolade. À mon avis, il en devient presque un devoir citoyen de notre part de s’y attarder, ne serait-ce que pour une mise au point sur la chose. Le but n’est pas de faire un bilan, mais d’offrir un nouveau point de vue sur ce que nous et d’autres, dont nos dirigeants, avons vécu. Peut-être même la possibilité d’éviter que le pire ne se reproduise? Parce qu’à voir comment les précipitations hivernales nous prennent encore au dépourvu, on n’est pas sorti du banc de neige.
En plus des trois épisodes qui paraîtront sur Tou.tv le 24 et 25 février prochain, vous aurez aussi la chance d’écouter une série balado se voulant complémentaire au projet et dont le résultat laisse l’équipe, et peut-être un peu plus Alec Castonguay, extrêmement satisfait. De toute évidence, à ne pas manquer d’autant plus que le balado sera laissé à votre humble disposition, cher lectorat, dans la même journée.
Je vous avertis, faut quand même être prêt à s’en prendre des vertes et des pas mûres. Cet évènement pandémique reste un sujet chaud qui divise encore proches et amis dans des camps retranchés encore plus sensibles que les référendums; de ça les trois mousquetaires – Alec, Éric et Sébastien – étaient bien d’accord. Bien sûr, il n’y a pas que ces trois-là (question aussi de souligner l’indéniable humilité d’Éric Bruneau à cet égard), les productions KoTV furent aussi d’un extrême support à ce projet plus qu’à simple titre de producteur. Ça me donne envie de me joindre à la partie et de m’improviser D’Artagnan afin d’y saupoudrer un peu de mes épices personnelles dans le but d’offrir un point de vue qui ne figure pas parmi ceux-là que vous entendrez dans le documentaire. Certes, nous avons tous notre petite histoire à raconter, mais permettez-moi celle-ci.
À l’aube de 2020, je travaillais déjà depuis longtemps à l’entretien d’un théâtre que j’affectionne tout particulièrement. De mon côté, je réintégrais le milieu des études après plusieurs années de sabbatiques, si on peut dire cela comme ça. J’étais inspiré plus que jamais à me donner à mon prochain, ou plutôt au monde qui m’a vu naître; m’y investir et faire de mon mieux pour que ne meure pas la beauté du monde (awh, Huguette Gaulin, comment éteindre le feu de tes plaies?). Comme bien d’autres que moi en ce jour du 14 mars 2020, le cours de ma vie fit volte-face, une chute dont il m’est miraculeusement possible de commencer à me relever maintenant, si je touche du bois (et me lave les mains après). Ce qui m’a le plus décontenancé dans tout ça, c’est l’impression d’un manque total de considération face aux inégalités sociales. Et je ne parle pas que des moins nantis.
Vous savez, c’est facile de remettre à la société ce qu’un individu peut régler avec de l’introspection toute simple. Quand on est au sommet, on a rarement tendance à remettre sa propre position — ou privilèges et etc. — en question. Les inégalités sociales ce n’est pas qu’une affaire de pauvre, tsé. Ça m’a brisé le cœur; non seulement cette classe sociale a déjà ce stigma quant à la volonté de travailler et donc à avoir de l’argent, qu’en plus on s’imagine qu’ils peuvent continuer à vivre comme, et bien… les riches, sans travailler. De toute façon, ça change quoi, ils sont déjà dans la rue ces pauvres-là. Ça c’est sans parler des injustices vis-à-vis des salles de spectacles et la gestion de la salubrité… Je ne voudrais jamais revivre ça. On nous a fait courir — pas juste moi là, mais tout le monde dans le milieu — comme des poules, pas de tête. On perdait temps et argent à essayer de rentrer dans les barèmes et suivre les consignes aux combien fluctuantes et arbitraires imposées, alors que l’on assistait à la réouverture des salles de cinéma, bars et centre Bell pour le Hockey. On aurait bien voulu mettre la ventilation à niveau, si là était le problème, mais sur les 400 millions débloqués par le gouvernement à cet effet, savez-vous combien ont été utilisés? Je vous laisse découvrir tout ça.
En somme, ce que je veux dire c’est que j’ai donné — peut-être pas en CHSLD, d’accord —, mais j’ai donné, et je suis loin d’être le seul. Je sais je les ai vus à l’œuvre de mes yeux vus! Finalement, on a tous perdu… Tous ensemble. Toutefois, le considère-t-on réellement? Ce n’est pas comme si les logements allaient devenir moins chers, comme si les salaires à la base de la société étaient sur le point d’atteindre le seuil de survivabilité. Comment ça se fait qu’après avoir offert notre dévouement et notre engagement en période de crise — moi y compris — que l’on ne se retrouve pas juste avec rien, mais avec moins que rien? J’ai dû terminer mon BAC sans prêts et bourse, et sans salaire adéquat pour subvenir à l’inflation explosive que tout cela avait provoqué.
De leurs côtés, les escrocs nous ont escroqués à tous les niveaux, les IA sont venues prendre le travail que la pandémie nous a enlevé; pandémie oblige paraît-il. J’admets toutefois que dans les pires choses peuvent aussi surgirent les meilleurs. Depuis, j’ai réussi à retrouver un sens à mon existence en essayant tout de même de survivre à tout ça et en m’assurant d’être là où je sens que je peux faire une différence (ou au moins donner un coup de main). Non, c’est sûr que ça n’a pas été de tout repos; et je mentirais si je disais que j’ai réussi à m’en sortir seul. C’est drôle, ça me fait penser au personnage interprété par Éric Bruneau dans Avant le crash qui disait lors d’une soirée de bienfaisance que c’est, avant tout, le soutien d’une communauté qui permet que l’on puisse avancer et que notre condition — tout aussi triste soit-elle — puisse toujours être améliorée.
J’ai bien envie de terminer sur cette pensée; cette interrogation que j’ai. Où sont-elles donc ces âmes charitables et fortunées reconnaissantes de ce qu’on leur a donné? Du luxe dont elles ont pu profiter alors que le temps était suspendu pour 99% de la planète, que les avenirs se désagrégeaient et que la vie elle-même fuyait ses terres désolées? Qu’advient-il de celles et ceux qui ont avidement profité des lacunes de notre civilisation et de la générosité des individus qui la composent et parfois même au cœur de leur intimité. Si le monde n’a pas changé, on aura droit aux sempiternelles excuses, à la même rengaine, le même bouquet de fleurs et la même boîte de chocolat avec encore ce petit mot attaché qui laisse froid dans le dos : « Je m’excuse, je vais essayer de plus recommencer ». Je souhaite du plus profond de mon âme que l’on ait changé, qu’on a tous ce pouvoir-là, qu’on est tous des héros dans l’optique où on peut toujours faire mieux. Je trouve que c’est un grand pouvoir qui demande de grandes responsabilités également. Alors, qu’en pensez-vous, cher lectorat?
J’ai pu résumer quelques-uns des ces points dans une courte entrevue sur les ondes de CKVL 100.1 FM en compagnie de l’animateur Guy Bissonnette, que vous pouvez consulter ici.
J’aimerais juste souligner une chose, avant de partir, qui m’a vraiment touché dans le documentaire. C’était avec beaucoup de surprise que je vis Monsieur Arruda à l’écran. Après tout, il a toutes les raisons du monde de ne plus vouloir en parler, on n’a pas toujours été gentil avec lui. Néanmoins, l’écoute sensible de Monsieur Bruneau, alors qu’il lui demande ce qu’il aurait voulu faire dans la vie, provoque une sensation de déjà vu chez moi, je le sens venir aussi vrai que vrai, j’attends sa réponse, mais je la connaissais déjà; je l’ai senti, là. Je veux lui dédier cette chanson de Michel Berger et Luc Plamondon qui sans ironie ou malice de ma part représente bien ce moment et qui nous rappelle ce que l’on doit parfois sacrifier pour les autres ou simplement pour survivre. Pour tous ceux et celles qui auraient aussi voulu être un artiste. La vie, des fois, maudit que c’est pas juste. Alors, il nous reste juste ça; s’aider et se soutenir; mais en même temps… N’est-ce pas aussi cela qui est beau chez nous?
Bande-annonce
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