Prodigieuses - Une

Prodigieuses — Doigts de fées

« Pour en faire des reines; pas des bêtes de foire! »

Prodigieuses - Affiche

Claire (Camille Razat) et Jeanne (Mélanie Robert) sont des sœurs jumelles unies par la même passion : le piano. Entraînées par leur père (Franck Dubosc), elles intègrent toutes deux une prestigieuse université de musique dirigée par l’intraitable professeur Klaus Lenhardt (August Wittgenstein). Claire et Jeanne découvrent bientôt qu’elles souffrent d’une grave maladie et perdent peu à peu l’usage de leurs mains. Refusant d’abandonner leur rêve, elles doivent se battre et se réinventer pour devenir, plus que jamais, prodigieuses.

Vue de haut

Le temps des fêtes approche à grands pas et avec lui un sentiment de gaieté (à moins de souffrir de natalophobie) telle une brise annonciatrice d’un temps meilleur; possiblement. Une douce bise nous rougit les joues et le bout du nez; ensorcelés, nous nous sentons épris d’une irrépressible envie de régler la fin du monde avec une bonne dinde aux atocas et un cipâte (et la bûche de Noël, j’oublie pas)! C’est aussi le moment où le citoyen moyen s’éprend  à vouloir tendre la main à son prochain et les moins fortunés. Un petit fait intéressant, le World Health Association – ou WHO – recense qu’en ce moment, environ 16% de la population mondiale souffre d’un handicap sévère causant une perte de jouissance (s’il vous plaît, c’est sérieux, là). Bien entendu, on parle de toutes catégories confondues en passant par le vieillissement de la population causé par l’augmentation de l’espérance de vie jusqu’aux maladies congénitales ou mentales.

Ce que je veux dire par là, c’est que des gens malchanceux, il y en a partout dans toutes les sphères et toutes les strates de la société. C’est donc la moindre des choses de reconnaître la persévérance d’individus à des obstacles apparemment insurmontables et au caractère à double tranchant de la vie elle-même (en passant quelqu’un sait pourquoi « double tranchant » ne prend pas de trait d’union, mais en anglais « double-edge » c’est un des seuls mots qui en possède un?). Prodigieuses, le film réalisé par Frédéric Potier et Valentin Potier (ben non, sont père et fils) parle entre autre de ça; être confronté à la dure réalité et qu’on n’accède pas tous à ce que l’on rêve de faire dans la vie. Les sœurs Vallois, interprétées par Camille Razat et Mélanie Robert, sont calquées sur les sœurs Audrey et Diane Pleynet qui — dans la vraie vie, là — étaient toutes deux promises à devenir de grandes pianistes, mais ultimement confrontées à une maladie dégénérative.

Prodigieuses - Vue de haut
Serge Vallois (Franck Dubosc) avec une de ses filles

Toute leur vie aura été consacrée à l’exécution d’un art qui, non seulement les passionne, mais aussi dans lequel elles excellent. Les médecins condamnent leur condition qu’elles partagent — les avantages et les inconvénients d’être jumeaux — à ne plus pouvoir jouer de piano. Depuis, je repense sans arrêt aux paroles prononcées par le père des sœurs Vallois alors que l’autorité médicale en place leur annonce la triste nouvelle : 

Vous avez foutu en l’air la carrière de sa sœur, ça vous suffit pas?
Papa…
Attend, attend, attend, il te met dans le crâne que tout est foutu sans rien proposer d’autre que tout arrêter. C’est quoi votre métier? Bousiller les gens?

J’ai voulu utiliser cette citation comme épigraphe, mais critiquer le système de santé n’était, selon moi, pas vraiment l’idée principale derrière cette œuvre cinématographique.

L’antre du Roi de la montagne

Par contre, critiquer, ça, c’est MON travail. Constatons malgré tout que la médecine moderne commence à … Vous savez, avant l’avènement de cette volonté globale — si on en croit le gars de Tesla — à vivre dans le cyberespace, la médecine nous promettait qu’elle guérirait les infirmes et les malades, on allait nous redonner têtes, épaules, genoux, orteils; ce n’était qu’une question de temps (et j’imagine aussi de financement). Maintenant, on est rendu à l’aide à mourir, les prothèses insensibles ultra-chères, les pilules pour se geler la tête et le cœur; mais on fait comment pour régler le problème? Y’en a pas de problème, fait autre chose, accepte et puis voilà. Sauf si tu veux des plus gros seins, des bactéries dans la face pour avoir l’air plus jeune, des implants pour tes cheveux, des implants pour tes fesses, des implants pour ton pénis — ou de pas n’avoir — qui vibre et fait des tours (je pense qu’il donne l’heure en plus) , les handicapés — les vrais — iels dérangent pas, on les voit jamais. Iels sont juste dans des centres fermés, quasiment cachés comme si iels étaient de vilains secrets.

Prodigieuses - Roi de la montagne

Bien essayé, cependant 2024 ne veut pas dire que les seuls problématiques qui existent se brandissent sur des drapeaux. Pendant qu’on veut nous convaincre de la fragilité de notre matérialité éphémère autant que le lien que l’on entretient avec celle-ci en plus de cette volonté à se lier les neurones par Ethernet. On semble oublier où nous sommes et désintéressés de savoir pourquoi nous y sommes. La ligne est mince entre la folie et le génie; cette frontière qui, à mon humble avis, se retrouve plus souvent qu’autrement, dans le regard de l’autre. Trop de fois l’humanité a-t-elle érigé le tyran en héros et le savant en fou. On ne peut pas sans cesse condamner les gens pour ensuite leur demander de garder espoir, non (pauvre Galileo)?

Cette envie de vivre et à continuer de se dépasser malgré tout est aussi incarnée à merveille par le personnage de Serge Vallois. Une personne qui se dépasse malgré un handicap, ce n’est pas un phénomène de foire, mais davantage la preuve que le stoïcisme et la réticence de la société à améliorer le sort de son prochain ne doit pas être un frein; médecin ou pas, personne ne peut vous dire que vous ne pouvez pas y travailler. Terry Fox, Stephen Hawking et j’en passe nous ont appris ce qu’il nous restait à parcourir comme chemin. Nous nous consternons et nous prosternons trop rapidement en se disant ne pouvoir rien accomplir avec un corps qui pourtant fonctionne à merveille.

La musique est plus forte que tout

Ce qui m’a réellement marqué de cette œuvre, c’était la performance des actrices principales ainsi que celle de Franck Dubosc, qui joue le père, et d’Isabelle Carré interprétant la mère; mais SURTOUT la musique constituant le noyau indivisible à l’œuvre. Une histoire de persévérance, bien sûr, mais surtout de passion inébranlable envers la beauté de la musique où on montre clairement la distinction entre un besoin et un désir. Peut-être que l’image n’est pas des plus remarquables. Cependant, on ne peut pas dire qu’on ne ressent pas l’intensité à travers le son… Sauf, peut-être, pour ce morceau pop dont je ne me souviens plus du nom pas très harmonieux avec le reste des pièces musicales proposées.

Prodigieuses - La musique est plus forte que tout
Claire (Camille Razat) et Jeanne (Mélanie Robert)

Honnêtement, je n’écoute pas beaucoup de musique classique pour une simple et bonne raison; j’ai envie d’être cool quand j’écoute de la musique (on veut tous l’être, faite pas semblant). Je ne sais pas comment l’expliquer, mais j’ai des colocataires et pas d’écouteurs; non, à la place j’ai un bon vieux système de son (merci Étienne). J’adore la musique électronique et industrielle, pour vrai de vrai là. Néanmoins, je ne sais pas comment l’expliquer autrement que j’ai un faible pour la musique classique, les oldies et la musique psychédélique comme celle des débuts du groupe Pink Floyd. J’adore la musique classique, il y a, pour moi, dans l’instrumentalité quelque chose de magique; de plus grand que soi. C’est ce que représente Concertante 3 qui est, pourrait-on dire, la pièce thème du film et je fus émerveillé par la prestation finale.

Ce n’est pas une revue de musique, alors je vais me calmer sur les références du 4e Art. N’empêche que ça peut donner une bonne impression de la place que cela prend dans cette production. On sent la pression, l’acharnement et l’intensité des conflits alors que la course vers l’excellence nous pousse au-delà du point de non-retour. Il arrive que nous finissions par ne plus porter attention à celles et ceux qui nous entourent et perdions de vue qui nous sommes vraiment. Noël est une période pour célébrer la gratitude, mais aussi le temps idéal pour se recueillir. J’ai beaucoup aimé Prodigieuses même si je trouve que Courageuses aurait été plus approprié comme titre.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Prodigieuses
Durée
101 minutes
Année
2024
Pays
France
Réalisateur
Frédéric Potier et Valentin Potier
Scénario
Sabine Dabadie, Claire Lemaréchal et Frédéric Potier
Note
8 /10

2 réflexions sur “Prodigieuses — Doigts de fées”

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Fiche technique

Titre original
Prodigieuses
Durée
101 minutes
Année
2024
Pays
France
Réalisateur
Frédéric Potier et Valentin Potier
Scénario
Sabine Dabadie, Claire Lemaréchal et Frédéric Potier
Note
8 /10

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