« But, I like you. You’re stupid. »
[Mais je t’apprécie. Tu es stupide.]
Bon à rien, Walt est engagé au bowling AlleyCat qui menace de fermer ses portes. Skunk, sa nouvelle meilleure amie, découvre qu’il a un talent naturel pour le bowling. Les deux essaieront de sauver le AlleyCat tout en découvrant que l’amitié est un sport d’équipe.
Un humoriste — et pas humouriste — est par définition quelqu’un qui pratique l’humour; et l’humour c’est selon notre cher Larousse : « Forme d’esprit qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité; marque de cet esprit dans un discours, un texte, un dessin, etc. ». Là où je veux en venir; on condamne trop souvent celles et ceux qui pratiquent la comédie. J’entends souvent qu’iels se retrouvent trop facilement à occuper des positions artistiques, disons cérébrales comme l’écriture et la réalisation, alors que leur art est probablement au plus bas selon l’élite intellectuelle. Cependant, n’allez pas croire qu’à l’École Nationale de l’Humour on enseigne à dire « caca », « pénis », « poils », « totons »; ce sont des experts dans le domaine du comique bien au-delà de simples clowneries bidons. The Gutter, écrit par Yassir Lester et coréalisé avec Isaiah Lester (pas de relation), est une démonstration de cette adresse innée et demie acquise qui manquait au genre comique depuis un moment déjà. C’est vrai, les films d’humour, qu’est-ce qu’ils sont maintenant? Deadpool et…quoi?
Le début du film est particulièrement drôle et original. Le personnage de Walt, interprété par Shameik Moore ou la voix de Miles Morales dans les films Spider-Verse, se présente comme un homme singulier avec peu de jugeote. La première scène ouvre sur Walt qui cherche un emploi avec un Curriculum Vitae dont la police est, selon lui, très rigolote, car les « I » sont remplacés par des bouteilles de sauce Buffalo. La gérante de l’allée de bowling, Mozell, interprétée par Jackée Harry, est apparemment bouche bée devant l’amalgame loufoque que représente Walt. Évidemment, il n’est pas dépourvu d’un cœur d’or, ce qui amène Mozell à lui donner une chance. Un départ en bombe avec un humour rafraîchissant qui prouve que la comédie est un genre cinématographique qui a encore beaucoup à offrir.
Walt se fait amie avec Skunk, interprétée par D’Arcy Carden qu’on reconnaît dans The Good Place, la soûlonne qui se tient régulièrement au AlleyCat. Les dialogues sont particulièrement cinglants et il est difficile de ne pas sentir que les acteurs ont dû avoir un grand plaisir à faire ce film. Shameik Moore est surprenant dans par son jeu dynamique et son aisance devant la caméra; son charisme crève l’écran. Je restai surpris de ne pas l’avoir vu dans plus de productions, mais voilà que sa page IMDB mentionne qu’il en a fait pas loin d’une vingtaine d’autres; je dois vraiment me remettre au goût du jour. Ça fait pourtant du bien de ne pas voir toujours les mêmes visages dans toutes les productions.
Monsieur Shameik, court, danse, glisse et culbute avec une énergie bien au-delà des Chris Rock et Dave Chappelle, plus populaires dans le milieu. Accompagné de personnages secondaires du tonnerre, Walt nous fait rêver avec son approche excentrique du bowling qu’on redemande toujours plus. L’ancienne championne de bowling ainsi que la mère de Skunk refont surface pour mettre fin à la lancée spectaculaire de Walt en tant que pro bowler. Ce personnage est joué à merveille par la légendaire Susan Sarandon de Thelma & Louise qui nous rappelle avec l’élégance d’une bouffée de cigarette ce qui constitue un numéro 1. Hélas, à la moitié du film le feu roulant commence à tousser de la fumée en essayant maladroitement d’installer une castigat ridendo mores ou comédie moralisatrice. Malgré le fait que l’on reste dans le loufoque, le caractère dramatique transforme doucement mais sûrement cette comédie grotesque unique en une comédie qui tombe dans le dalot des déjà vu.
Les talents de Walt devront l’aider à sauver le AlleyCat qui devra fermer ses portes, les meilleurs amis se chicanent, la chute, puis la défaite qui nous rappelle que l’essentiel ce sont les gens qu’on aime pour qu’ensuite iels soient sauvés par un deus ex machina. J’ai apprécié ce film, mais seulement à moitié. À un moment, on mentionne le film Green Book — une œuvre de 2018 avec Viggo Mortensen et Mahershala Ali (ouch, ma bouche!) — comme étant le film préféré de Skunk. J’aurais pourtant cru qu’elle aurait mentionné Kingpin avec Woody Haroldson et Randy Quaid; vous savez, ce film où un ancien professionnel de la quille (et maintenant tombé dedans) rencontre un Hamish qui peut sauver sa communauté en participant à un tournoi de bowling? Mais oui, là! Les meilleurs amis se chicanent, la chute, puis la défaite qui nous rappelle que l’essentiel ce sont les gens qu’on aime pour qu’ensuite iels soient sauvés par un deus ex machina; non?
Tout le monde aime les gâteaux. On peut les décorer comme on veut avec du glaçage et en faire des pièces uniques. Bon, c’est vrai qu’au final ça goûte pas mal la même affaire, mais n’est-ce pas cela qu’on apprécie dans un gâteau; un goût connu? Peut-être que le cinéma — que dis-je — l’Art c’est un peu plus que suivre une recette. On y mélange plusieurs ingrédients, on essaie de doser tout en mettant sa touche personnelle, mais elle demande aussi quelque chose de plus; la formule ne doit pas être reproductible dans son ensemble et atteindre le même résultat à chaque fois. C’est de faire un gâteau des anges ou au chocolat avec les mêmes ingrédients, mais tellement bon et spécial que ce n’est plus un gâteau des anges ou au chocolat.
À l’aube de 1987, un nouveau groupe de musique électronique fit son apparition sur la scène britannique. Un groupe qui allait créer beaucoup de controverse avec le principe d’échantillonnage en art — connu par l’anglicisme « sampling » — qui crée des œuvres uniques principalement composées d’échantillons d’autres œuvres, surtout dans le domaine de la musique électronique ou industrielle. Je parle bien sûr de KLF ou The JAMs ou The Timelords ou The Justified Ancients of Mu Mu…(Merci, mon meilleur ami de m’avoir fait découvrir tant de choses dont ça)! Ce groupe dont l’un des plus grands succès s’intitule Doctorin’ The Tardis à fait le numéro 1 sur les ondes-radio du Royaume-Uni. Un single qui n’est pas bien plus que la chanson thème de la série Doctor Who avec des voix qui scandent en chœur « Doctor Who hoo, Doctor Who! »
C’est sans contredit l’un des JAMs (jeu de mots) que je préfère et qui sait m’emballer dans une danse réminiscente de nos racines les plus primales. Leur premier album intitulé What The F**k Is Going On? fut retiré du marché à la suite d’une poursuite par le célèbre groupe ABBA qui accusait KLF d’avoir utilisé abusivement d’un échantillon de leur succès Dancing Queen. Le litige aurait été réglé sur la base qu’une œuvre ne peut être considérée différente que si la partie qui la rend attrayante n’appartient pas déjà à une autre œuvre. À proprement dit, on ne peut pas dire qu’une toile est unique si ce qui la rend esthétiquement plaisante est la reproduction de The Starry Night par Van Gogh à l’intérieur de ladite toile. Bien essayé KLF, mais tel est pris qui croyait prendre comme on dit.
J’ai l’impression d’avoir acquis un peu plus de sagesse au fil de ces dernières réflexions. J’y repense et peut-être que j’ai été un peu dur avec Madame Sankey dans mon dernier article. Après tout, moi aussi j’aime certaines pièces d’art qui ne sont originales qu’à 50%. Voyons là! Tu sais très bien que c’est pas juste pour ça que tu as donné une mauvaise note! Quant à The Gutter, j’admets que je dois rendre à César ce qui revient à César. Le film n’est pas entièrement original, mais ça n’empêche pas que j’ai ri et eu du vrai plaisir à le regarder. Au fond, c’est juste une question d’arrière-goût; suffit simplement de retravailler un peu plus la recette (clin d’œil). C’est bien avoir un talent naturel, mais il ne faut jamais cesser de l’entraîner.
Bande-annonce
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