« Tous les jours il est à sa fenêtre, sublime, mystérieux. »
Trois femmes, dans un appartement à Marseille en pleine canicule. En face, leur mystérieux voisin, objet de tous les fantasmes. Elles se retrouvent coincées dans une affaire terrifiante et délirante avec comme seule quête, leur liberté.
C’est ce qu’on appelle une démolition en règle. Une démolition de quoi ? Du système judiciaire qui peine à comprendre l’ampleur des drames que vivent les femmes, du concept de consentement, de l’usure du couple, des relations toxiques. En prime, une désacralisation frôlant l’insolence du corps de la femme et une ode à la sororité qui ferait pâlir la bromance.
Chargé comme un mulet en termes de symbolique et de thématiques, Les Femmes au Balcon enlace délicatement par sa photographie chatoyante et son air innocent pour mieux étouffer par sa mise en scène et les enjeux qu’il aborde. Noémie Merlant fait de son film un terrain d’expérimentation, alliant plusieurs genres à la fois. Un joyeux bordel féministe qui cache des horreurs sous ses airs de comédie absurde.
Dans la moiteur marseillaise, le film prend ses aises dans un quartier bariolé. Ce qui frappe, c’est le dynamisme de la caméra en perpétuel mouvement, guettant chaque geste et chaque mouvement. Une présentation qui rappelle un peu un mélange de Fenêtre sur cour et Volver d’Almodóvar. Et ce n’est pas le plan-séquence dantesque d’introduction qui va me démentir. Le temps est lancé, les personnages placés et les contours de la trame dessinés. L’introduction du film condense presque à elle seule toutes les lubies que veut convoquer ce long métrage.
Comme les poupées russes, Noémie Merlant transforme son film en une métaphore de la relation amoureuse qui débouchera par la suite sur diverses thématiques. On sent que la réalisatrice y met de sa personne, on sent qu’elle hurle à travers son film. Le film est bouillant, dynamique comme la caméra qui n’arrête jamais son mouvement, comme les cadres qui auscultent les personnages sous tous les angles.
Entre Nicole la coincée, Élise la frustrée et Ruby l’assumée (toutes les 3 bien interprétées), le film dévoile toutes les facettes de ce que peut être une femme. Sans doute que pour Noémie Merlant, le spectateur masculin est trop complexe pour comprendre ces subtilités en un seul personnage féminin, ou plutôt qu’elle cherche à mieux déconstruire la vision de la femme : son rapport à l’amitié, au drame, à son corps et surtout aux hommes. L’homme d’en face est esquissé comme un objet de désir et de fantasmes. Ce voisin qui sera source de bonheur, mais aussi de malheur.
Comme toute relation amoureuse, passé la lune de miel, les choses se compliquent parfois. C’est à ce moment que le film accélère encore plus son tempo, c’est là qu’il bascule dans son côté sombre, c’est là que les couleurs chatoyantes deviennent pâles et sales. C’est là que les dialogues se transforment en cris et en larmes.
À la suite d’un événement terrifiant dont Ruby est la victime, Les Femmes au Balcon prend des contours d’odyssée horrifique. L’humour y devient plus noir et plus percutant, la nuit prend la place du jour et les cadres deviennent de plus en plus serrés. S’assumer, c’est parfois se mettre en danger, mais s’assumer, c’est surtout une source de fierté.
Que retenir de tout cela? Que la justice ne leur suffise pas, que l’aide dont elles ont besoin ne viendra pas. Est-ce une apologie de la vengeance? Cela la frôle dangereusement. Est-ce un pied de nez au système judiciaire français? Absolument, voire même un doigt d’honneur.
À travers cette aventure, Noémie Merlant évoque la solitude face au drame, l’incompréhension de l’entourage, la faillite du système moral, mais surtout une grosse remise en question des rapports hommes-femmes via les super capacités de Nicole.
Est-ce que le film accuse tous les hommes d’être des salauds? La question me taraude toujours. Est-ce que le film est un appel à la libération de la parole? Absolument. Une libération qui reste beaucoup trop marginalisée, étouffée ou alors décrédibilisée. Les Femmes au Balcon est une chambre d’échos de ce que peuvent traverser les femmes comme drames, comment elles se relèvent, comment elles y font face.
Chargé comme un mulet en termes de symbolique et de thématiques, le film est une destruction en règle, une vision très personnelle des rapports hommes-femmes, mais malgré tout une perception optimiste pour l’avenir. Ce ne sont pas les tragédies de la vie qui nous font, ce sont plutôt leurs conséquences.
Les femmes au balcon est présenté au Festival Cinemania les 8 et 13 novembre 2024.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième