« Before the world became the world, it was an egg. Inside the egg was dark. The rat nibbled the egg and let the light in. And the world began. »
À travers les murs, les clôtures et les allées, les rats exposent non seulement nos limites de séparation, mais y font leur maison. Rat Film est un long métrage documentaire qui utilise le rat – ainsi que les humains qui les aiment, vivent avec eux et les tuent – pour explorer l’histoire de Baltimore.
Rat Film de Theo Anthony raconte une partie de l’histoire de Baltimore par l’entremise des rats, ces petits rongeurs qui infestent la ville et qui contribuent à la division des classes sociales : « Mon travail documentaire défie le rôle journalistique de présenter un compte rendu objectif de l’expérience. Je suis intéressé à faire des films qui explorent comment la réalité subjective est marchandisée pour s’adapter aux récits de la consommation et de la production des marginaux. Je veux comprendre comment ce processus est utilisé pour anesthésier la douleur, éliminer la responsabilité et comment les divisions de l’artiste et du sujet dans la production cinématographique imitent les modes d’exploitation capitalistes les plus importants. Je veux faire des films qui utilisent un langage visuel familier qui peut simultanément parler et contester ces histoires de représentation. » (traduction libre), expliquait le réalisateur.
Theo Anthony utilise différents procédés et techniques afin d’explorer la ville de Baltimore et de montrer la diversité des points de vue en ce qui a trait aux rats. Le spectateur est même amené à voir à travers les yeux d’un rat de laboratoire, par une technique de réalité virtuelle; piégé dans sa cage, le rat mange, boit et tourne dans sa roue. Ces quelques séquences sont combinées avec des scènes 3D de Baltimore, des photos d’archives, divers documents légaux et des cartes de la ville qui montrent bien la division des classes.
Sur ces cartes, le centre de la ville est représenté en rouge; c’est dans ces secteurs que la population est la plus pauvre et racisée, la densité de la population la plus importante, le taux de criminalité et le nombre d’arrestations les plus élevés. Ces statistiques, mises en parallèle avec diverses études et travaux scientifiques créent un trouble chez le spectateur.
Ainsi, vers la fin du film, on nous présente les résultats d’une expérience qui force à poser un autre regard sur les comportements humains. Dans l’expérience, on avait ainsi reproduit un habitat où un petit groupe de rats avaient nourriture et eau à volonté. La population a crû jusqu’à environ 80 individus, puis la violence a débuté. L’espace étant restreint, certains ont commencé à agresser ou à tuer d’autres individus, des castes se sont formées, des mâles dominants ont décidé de s’imposer, les femelles avaient davantage tendance à abandonner leurs petits…
On rencontre plusieurs personnes, qui entretiennent différentes relations avec ces rongeurs. Certains les aiment et les prennent pour animaux de compagnie. D’autres les ont en horreur et font appel à des spécialistes pour les éliminer. D’autres encore les chassent pour le plaisir.
On suit ainsi un exterminateur de rats, Harold Edmond, qui dira : « Il n’y a jamais eu de problème de rats à Baltimore, c’est toujours un problème de personnes ». Et on comprend par le film d’Anthony – mais ne le savions-nous pas déjà? – qu’il n’a probablement pas tort. On rencontre aussi des exterminateurs amateurs qui chassent les rongeurs avec des fusils ou des battes de baseball. Ce sont des passe-temps pour le moins originaux, pour ne pas dire inquiétants. Personnellement, voir un type se promener armé, cherchant sa proie dans les ruelles, ça ne me rassure pas vraiment.
Le film nous montre surtout la catégorisation de la population et la ghettoïsation des quartiers noirs. Ces populations sont isolées, contraintes en des lieux aux conditions affreuses. Et on s’organise pour qu’ils ne puissent pas en sortir, qu’ils n’obtiennent pas de financement pour peut-être trouver un meilleur logis dans un autre quartier.
Saviez-vous qu’un rat peut sauter jusqu’à 32 pouces de hauteur et que les poubelles de Baltimore font 34 pouces? Si ces rongeurs tombent à l’intérieur, ils sont piégés. Les rats et les humains sont ici mis en parallèle; ils ne sont pas si différents de par le traitement qui leur ait réservé.
Le problème des rats à Baltimore n’est qu’un prétexte. Rat Film permet de poser un autre regard sur les comportements humains en regard de ceux de ces rongeurs qu’on aime ou qu’on déteste.
Note : 7,5/10
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