Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) ont dévoilé la programmation de leur 27e édition qui se tiendra du 20 novembre au 1er décembre 2024. Une sélection de 146 films en provenance de 54 pays qui se veut un reflet de l’état du monde actuel, tout en démontrant l’ampleur de la créativité en documentaire sera présenté.
Cherchant à faire découvrir les visions les plus stimulantes et diversifiées du cinéma d’auteur documentaire, les RIDM offrent une programmation audacieuse qui rassemble les œuvres de cinéastes établis et celles de nouveaux talents. De nombreuses discussions, activités et événements festifs sont également au programme, mettant en avant-plan l’aspect « Rencontres » du festival. Cette année, les RIDM accueilleront 29 cinéastes de l’international et valoriseront aussi le travail des documentaristes d’ici avec la présentation de 58 films québécois et canadiens.
Les RIDM lanceront leur l’édition 2024 au Théâtre Outremont le 20 novembre prochain avec la projection de Preparations for a Miracle en présence du réalisateur suisse Tobias Nölle. Adoptant le point de vue des machines, ce film audacieux et dystopique, bien ancré dans notre époque marquée par l’intelligence artificielle, explore avec une rare profondeur les bouleversements écologiques et technologiques qui redéfinissent notre monde.
La clôture du festival se fera sur une note d’humanité, soulignant l’importance du rôle des nouvelles générations dans l’avenir des communautés autochtones avec la projection en première québécoise du documentaire Ninan Auassat : Nous, les enfants de la réalisatrice Kim O’Bomsawin, présente pour l’occasion. La projection du film de clôture sera précédée du court métrage Voltige réalisé par Luiza Cocora dans le cadre de la résidence Regard sur Montréal 2024 du Conseil des arts de Montréal.
La compétition internationale longs métrages se compose de 11 œuvres émergentes explorant les possibilités multiples du documentaire. Fortement ancrés dans un contexte politique et social, deux films explorent le thème de la révolution et de la résistance. Republic de Jin Jiang suit un jeune révolutionnaire chinois qui crée un refuge anticapitaliste pour la jeunesse rebelle. A Fidai Film de Kamal Aljafari délivre un puissant acte de protestation cinématographique, en recontextualisant des images saisies par les forces israéliennes durant l’invasion de Beyrouth en 1982 pour redonner vie aux histoires effacées et aux luttes du peuple palestinien.
Au sein de deux autres films, il est plutôt question d’identité et de transformation. To Our Friends de Adrián Orr suit la métamorphose de la jeune Sara, déchirée entre les amis de son quartier ouvrier et le monde du théâtre qui s’ouvre à elle. Avec Maia – Portrait with Hands, la cinéaste Alexandra Gulea raconte l’histoire de sa famille et plus largement de son peuple, les Aroumains, à travers divers procédés et diverses techniques créant un effet de collage éclectique.
Lapilli de Paula Ďurinová propose une exploration du deuil à travers des paysages rocheux et tumultueux, tandis qu’Invention de Courtney Stephens, une fiction librement construite à partir d’archives vidéo, s’attarde à la complexité du deuil, par l’utilisation d’éléments autobiographiques de la coscénariste et interprète Callie Hernandez. À travers des approches différentes, les réalisatrices traitent donc également d’un thème commun, relié à la perte.
Réunis autour du thème de l’environnement et du déracinement, Omi Nobu, l’homme nouveau de Carlos Yuri Ceuninck suit le dernier habitant d’un village cap-verdien contraint de le quitter, alors que The Wolves Always Come at Night de Gabrielle Brady reconstitue l’exil de ses protagonistes, forcé par l’insensibilité des changements climatiques.
Finalement, trois films sont regroupés pour leur utilisation de plusieurs sources d’images. Something Old, Something New, Something Borrowed de Hernán Rosselli utilise des archives familiales pour créer un film hybride de gangsters inventif. Sous forme d’essai, Apple Cider Vinegar de Sofie Benoot déploie une enquête ludique et scientifique sur les roches et La chambre d’ombres de Camilo Restrepo se présente comme une sorte de huis clos symbolique, où une femme interprète diverses représentations artistiques de la guerre.
Les sept films de la compétition nationale longs métrages mettent en lumière les approches audacieuses des cinéastes québécois et canadiens. Parmi ceux-ci, deux films explorent la beauté et la complexité de la nature par l’entremise d’une vision artistique assumée. À travers une recherche visuelle et sonore d’une grande précision esthétique, Archéologie de la lumière de Sylvain L’Espérance met en valeur les paysages d’une Minganie qui n’existent que par les possibilités du cinéma. De son côté, The Soldier’s Lagoon de Pablo Alvarez-Mesa examine les réalités sociales, politiques et environnementales du páramo, en posant un regard artistique sophistiqué sur ce territoire unique en Colombie.
Trois œuvres de cette compétition traitent d’une quête. D’une part, Billy de Lawrence Côté-Collins présente une âme tourmentée par la schizophrénie, cherchant la lucidité à la suite d’un acte irréparable. En s’immergeant dans l’univers intime de ceux et de celles qui aspirent à faire du cheminement personnel, Le Plein potentiel d’Annie St-Pierre trace habilement le portrait d’une société à la recherche de réponses. Enfin, en jouant avec les codes du documentaire, Tout sur Margo de Yann-Manuel Hernandez et Margaux Latour suit la quête de sens d’une jeune interprète sincère, mais déçue. Ces trois récits mettent ainsi l’emphase sur l’importance de l’introspection.
Finalement, deux films soulignent les réalités douloureuses de l’oppression, tout en démontrant la résilience des individus qui la subissent. Interceptés d’Oksana Karpovych révèle le coût humain de la guerre, alors que des images de l’Ukraine dévastée se combinent à des appels interceptés entre des soldats russes et leurs proches. Dans Parmi les montagnes et les ruisseaux de Jean-François Lesage, le cinéaste suit deux artistes chinois en exil, échangeant sur le régime autoritaire qu’ils ont fui. Ces documentaires mènent à une réflexion importante sur les luttes de pouvoir ainsi que leurs conséquences politiques.
Dix films composent la compétition Nouveaux Regards, consacrée à des premiers longs métrages internationaux et nationaux audacieux. Parmi les films sélectionnés, quatre œuvres abordent la mémoire et l’héritage. Au sein de An Oscillating Shadow, la cinéaste Celeste Rojas Mugica et son père, photographe dissident dans les années Pinochet, ravivent une histoire intime et politique à travers un passionnant voyage sensoriel. Dans The Treasury of Human Inheritance, la réalisatrice Alexis Kyle Mitchell utilise une approche poétique pour explorer l’expérience de vivre avec une maladie génétique, tout en s’interrogeant sur le legs familial et sur la mortalité. Pour sa part, The Undergrowth de Macu Machín met de l’avant trois sœurs réunies pour la première fois depuis longtemps, qui tentent de se partager l’héritage de la terre familiale. Enfin, dans Okurimono de Laurence Lévesque, Noriko Oi confronte le passé douloureux de sa mère décédée et brise le silence autour du traumatisme intergénérationnel causé par l’attaque nucléaire de Nagasaki.
Le concept d’appartenance est au cœur de trois films, qui placent la famille au centre de leur récit. Holy Electricity de Tato Kotetishvili célèbre l’authenticité des gens de Tbilissi à travers les aventures invraisemblables de deux cousins. Dans Les Miennes, la cinéaste Samira El Mouzghibati pose un regard incisif et tendre sur sa mère, afin de saisir cette figure maternelle aux valeurs conservatrices contrastantes avec celles de ses sœurs. Kouté vwa de Maxime Jean-Baptiste présente, dans un alliage de réel et de fiction, l’histoire d’un garçon en visite chez sa grand-mère en Guyane française, alors qu’il redécouvre le pays qui l’habite et parcourt le chemin d’un difficile pardon.
Finalement, les cycles orientent le récit de trois longs métrages. Dans Rising Up at Night de Nelson Makengo, des périodes de défis s’alternent avec des moments d’espoir, alors qu’à Kinshasa, la population d’une région plongée dans l’obscurité est à la recherche de lumière. Pour sa part, le film expérimental Eastern Anthems de Jean-Jacques Martinod et Matthew Wolkow témoigne du retour d’une espèce de cigale qui n’émerge que tous les 17 ans dans une Amérique semblant elle-même à l’aube d’un nouveau cycle. Enfin, dans Up the River with Acid, le cinéaste Harald Hutter explore de façon personnelle la mémoire, la résilience et le passage du temps par le biais de ses parents, marquant ainsi les cycles de la vie.
En l’honneur de ce documentariste montréalais bien-aimé, la compétition Magnus-Isacsson regroupe huit films nationaux témoignant d’une grande conscience sociale. Deux œuvres issues de cette compétition proposent une réflexion identitaire et témoignent de l’affirmation de soi. Circo de Lamia Chraibi dresse le portrait d’un jeune artiste brésilien de cirque qui, après avoir été expulsé par sa mère adoptive, est contraint d’affronter ses traumatismes d’enfance à travers une quête d’identité riche et réparatrice. De son côté, LARRY (iel) de Catherine Legault suit l’artiste trans non binaire Laurence Philomène dans la préparation de son livre rétrospectif Puberty, au sein duquel iel affirme sans pudeur son corps comme son quotidien.
Deux films portent à l’écran des contextes de crise, tout en plongeant au cœur de conflits sociaux et politiques. Alors que Koutkekout de Joseph Hillel se déroule dans un Haïti en guerre, où un groupe d’artistes s’affaire à préparer un festival de théâtre tout en se questionnant sur leur déchirante réalité, Rule of Stone de Danae Elon pose un regard critique sur le projet de développement de Jérusalem dans les années 1970, révélant ainsi des violences invisibilisées envers le peuple palestinien.
Avec sensibilité, d’autres œuvres soulignent les réalités autochtones en s’attardant à l’importance de la transmission intergénérationnelle. Ninan Auassat : Nous, les enfants de Kim O’Bomsawin brosse avec respect et complicité le portrait d’une jeunesse autochtone embrassant une affirmation identitaire assumée et le désir d’un avenir empreint d’amour. Wilfred Buck de Lisa Jackson raconte la transformation de l’aîné cri en éducateur et gardien des connaissances astronomiques autochtones, en créant un pont entre le passé et le présent.
Sous un angle différent, deux films s’articulent autour des thèmes du deuil et de la perte. Accompagnant les dernières semaines d’un couple avant que l’un des partenaires ne reçoive l’aide médicale à mourir, Simon & Marianne de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe réfléchit avec tendresse et lucidité à la mort, mais surtout à la vie. Les yeux ne font pas le regard de Simon Plouffe présente l’expérience visuelle et sonore de la cécité, vécue et racontée par cinq personnes ayant perdu la vue par des armes de guerre.
La compétition internationale courts et moyens métrages regroupe 15 films cette année. Trois de ceux-ci abordent un rapport de domination. About Happy Hippos and Sad Peacocks de Elkin Calderón Guevara et Johannes Förster est une fable décoloniale qui pose un regard unique sur les colonies de paons à Berlin et d’hippopotames en Colombie, pour réfléchir aux rôles des puissants et à la liberté. Time to Change de Pocas Pascoal présente un colonisateur portugais qui surgit en Angola tel un parasite ravageant la faune, la flore et les populations locales. Razeh-del de Maryam Tafakory met de l’avant l’histoire de deux étudiantes qui tentent de se faire publier dans le premier journal créé pour et par les femmes en Iran, participant ainsi à l’affranchissement de normes patriarcales opprimantes.
Au sein de leurs films, des cinéastes s’attardent au mystère. Tandis que History Is Written at Night de Alejandro Alonso Estrella décrit la vie nocturne s’animant sous des formes mystiques lors d’un gigantesque blackout, le court métrage expérimental Break no.1 & Break no.2 de Lei Lei met de l’avant deux mystères d’apparence anodine qui s’entrelacent et se complètent, sans toutefois être pleinement résolus.
Bien que très différentes, deux œuvres se rejoignent par leur genre cinématographique. Présenté comme un essai, De Gallo Qui Ovavit de Nina Forsman examine l’absurdité des autorités qui régissent l’identité de genre par l’exploration de comportements inhabituels observés chez les poules et les coqs de 1471 jusqu’à nos jours. Miren Felder de Malen Otaño prend la forme d’un essai photographique, alors que la cinéaste troublée par la mort de sa grand-mère examine ses archives familiales afin de révéler leur sens caché.
Cinq films traitent de relations et exploitent les liens d’attachement. The Instability of Clouds de Zazie Ray-Trapido explore les paradoxes du rêve américain à travers l’amitié profonde de deux voisines, construisant ainsi un portrait poignant de solidarité. Detours while speaking of monsters de Deniz Şimşek revisite le mystique lac de Van dans la Turquie actuelle, en croisant le folklore arménien et kurde avec l’histoire personnelle de la cinéaste. Dans Songs of Love and Hate de Saurav Ghimire des auditeurs devront surmonter leurs chagrins d’amour, malgré l’absence de leur animateur préféré au micro d’une émission de radio portant sur les relations amoureuses. À travers des archives pixellisées et dysfonctionnelles, Loveboard de Felipe Casanova révèle les fragments d’une relation romantique et souligne ainsi la fragilité de l’amour, comme du numérique. Like A Sick Yellow de Norika Sefa pose un regard sur des moments intimes partagés en famille, tandis que l’ombre d’une guerre à son point d’ébullition hante la maison familiale de la cinéaste et des personnes qui l’habitent.
Pour plusieurs films, la poésie se révèle comme un élément clé. The Silence of Iron de Mariana de Melo adopte une approche poétique, alors qu’il remet en question les promesses de progrès d’une exploitation minière aux diverses répercussions économiques et sociales. Pour sa part, le court métrage expérimental Quebrante de Janaina Wagner nous plonge au cœur de l’Amazonie, naviguant entre poésie et histoire, entre théories scientifiques et culture populaire. Enfin, The Song of the Years to Come de Alexander Cabeza Trigg rend hommage au caractère sacré de la mémoire collective de La Gomera tout en se distinguant par sa nature lyrique et méditative.
Parmi les 15 films de la compétition nationale courts et moyens métrages, cinq œuvres se distinguent par les témoignages percutants qui les ponctuent. A Stone’s Throw de Razan AlSalah relate l’histoire de la délocalisation et de la résistance palestinienne, en prenant comme point de départ l’explosion d’un pipeline provoquée par des ouvriers à Haïfa en 1936. Attestant d’un meurtre survenu en Syrie, Adieu Ugarit de Mohamad Awad et Samy Benammar interroge de front et avec poésie la manière de raconter un récit traumatique, ainsi que les raisons de le faire. Dans Crushed Between Ocean and Sky de Ella Morton, l’équipage d’un voilier violemment secoué par une tempête commente cette expérience transcendante, faisant du film une odyssée visuelle émouvante et hypnotisante. Après le silence de Matilde-Luna Perotti permet à la cinéaste d’enfin prendre la parole au sujet de son agression sexuelle, à des fins de guérison et d’empowerment. À travers de brèves images de fouilles et de recherches, Entretierra de Emanuel Licha donne la parole à des gens ayant des proches disparus au Mexique. Bien que très différentes, toutes ces œuvres partagent des expériences traumatisantes.
Sur un ton moins difficile, mais tout autant pertinent, trois films s’attardent à la nature et à l’environnement. Court métrage aux empreintes zoologiques, Lessons on Flight de Cecilia Araneda cache une exploration profonde de la campagne chilienne alors que Six Knots d’Ali Vanderkruyk suit des spécialistes de la conservation des cétacés, explorant ainsi avec poésie la relation entre la science, la praticité, la spiritualité, la colonisation et la perception. Pour sa part, Archipelago of Earthen Bones — To Bunya de Malena Szlam réunit de manière impressionniste des images de sites volcaniques, sous une atmosphère sonore évocatrice de leur histoire et de leur grandeur.
Deux films placent les questions identitaires au cœur de leur récit. Dans la ville tourbillonnante de Beyrouth, Comme une spirale de Lamia Chraibi suggère une réflexion sur les notions d’identité, d’appartenance et de justice alors que la cinéaste met en lumière des témoignages intimes de travailleuses domestiques migrantes. Msaytbeh, the elevated place de Rawane Nassif suit la cinéaste libanaise dans son quartier d’enfance, alors qu’elle médite sur son rapport à ce lieu dans lequel elle a grandi.
Plusieurs films de la compétition nationale courts et moyens métrages s’inscrivent dans une démarche expérimentale, repoussant ainsi les limites de la narration cinématographique. Parmi ceux-ci, Avancer masqué de Laurence Olivier mélange le documentaire et l’horreur afin de présenter la tradition régionale méconnue de la Mi-Carême. Divisée en quatre exercices de langage, Sous le soleil exactement de Noa Blanche Beschorner est une œuvre méditative et poétique à l’originalité narrative surprenante. Dans ma tête d’Irina Tempea se présente tel un journal filmé, accompagné d’images par résonance magnétique et d’expérimentations sur pellicules, dans lequel la cinéaste s’approprie sa maladie. Traces de Chantal Partamian se définit comme un film expérimental de réemploi, où la masculinité toxique dysfonctionne et se désintègre lors de la rencontre d’images de guerre et d’un film pornographique lesbien. Finalement, Both, Instrument & Sound de Sharlene Bamboat explore la vie de l’activiste Tony Souza, sous les textures d’une pellicule traitée à la main ainsi que diverses variations musicales et visuelles.
Les cinq films de la section Essentiels rassemblent les récentes œuvres de cinéastes chevronnés ainsi que les films remarqués en festival cette année. Parmi eux, deux films explorent les thèmes de l’éducation, de l’apprentissage et de la formation. Apprendre de Claire Simon, présenté au Festival de Cannes, se concentre sur l’école élémentaire Makarenko où les élèves apprennent à s’exprimer, à s’affirmer, à dialoguer, à contrôler leurs émotions et à vivre ensemble. D’autre part, Sauve qui peut d’Alexe Poukine pose un regard révélateur sur la formation en milieu médical, tout en réfléchissant au système de santé. Le film a remporté le Grand prix de la compétition nationale au Festival du Film de Bruxelles, le Prix des Jeunes à Cinéma du Réel et la Mention spéciale de la compétition nationale à Visions du Réel.
Les trois films qui complètent la section Essentiels partagent une thématique centrée sur les conflits et leurs conséquences. The Flats d’Alessandra Celesia, explore la communauté de New Lodge à Belfast, où les cicatrices du conflit sectaire nord-irlandais continuent d’affecter les habitants, hantés par la violence du passé et confrontés aux défis du présent. Pour ce long métrage, la cinéaste s’est notamment mérité le DOX Award à CPH:DOX. De son côté, No Other Land du collectif palestinien et israélien composé de Basel Adra, Yuval Abraham, Hamdan Ballal et Rachel Szor adopte le point de vue d’un militant palestinien et d’un journaliste israélien pour illustrer les profondes divisions et les pertes humaines causées par les campagnes de démolition menées en Cisjordanie. Tristement au cœur de l’actualité, cette œuvre bouleversante a récolté plusieurs prix du public, notamment à la Berlinale, à CPH:DOX et à Visions du Réel. Enfin, Union de Stephen Maing et Brett Story pose un regard franc sur les démarches nécessaires à la création du premier syndicat d’entrepôt Amazon. Offrant une vision d’ensemble sur ce processus aussi éreintant qu’important, ce film a été remarqué à Sundance, à CPH:DOX, à Visions du Réel et dans d’autres festivals d’envergure.
Les quatre films de la section Contre-courant représentent des œuvres audacieuses qui défient nos perceptions du monde et du cinéma. Alors qu’elles utilisent toutes l’art comme moyen de revendication et de sensibilisation, Amusement Park de Ricardo Alves Jr. répond au climat conservateur de la société brésilienne par un cri d’émancipation et une ode sensuelle, dans une fiction où un parc d’attractions devient le terrain de jeu d’une liberté débridée. Se définissant comme une œuvre hybride immersive mêlant documentaire d’observation et éléments fictifs, The Stimming Pool de Steven Eastwood et du collectif Neurocultures (Sam Chown Ahern, Georgia Bradburn, Benjamin Brown, Robin Elliott-Knowles et Lucy Walker) révèle les perceptions distinctes de cinéastes neurodivergents. Pour sa part, le long métrage méditatif Just Above the Surface of the Earth (For a Coming Extinction) de Marianna Milhorat exprime une réflexion pertinente sur les changements accélérés dans la biodiversité d’écosystèmes fragilisés, s’affirmant dans un habile dialogue entre science et art. Formé de preuves tirées du procès des camps de viol de Foča, Silence of Reason de Kumjana Novakova condamne la banalisation des viols de guerre en rendant la parole aux survivantes bosniaques.
Dans l’ensemble, que ce soit par l’opposition à des normes sociales, la représentation de la neurodiversité, la méditation sur l’environnement ou la réappropriation des récits des survivants, ces films prouvent que l’art incite à la réflexion critique sur des réalités souvent négligées. En effet, chacun d’eux met de l’avant des voix régulièrement ignorées, que ce soit dans le cadre de contextes politiques, d’expériences neurodivergentes ou de crises écologiques.
Les sept films de cette section proposent des parcours uniques et des histoires universelles : l’humanité en gros plan. Deux d’entre eux illustrent des réalités et des dilemmes en lien avec l’immigration. Dans un cabinet d’émigration à Abidjan, Campus monde de N’tifafa Y.E Glikou donne la parole à celles et ceux qui rêvent d’une vie ailleurs et soulève des questions profondes sur les raisons qui les poussent à partir. Clef du sol d’Allia Louiza Belamri offre une perspective complémentaire en suivant un jeune violoniste à Alger, tiraillé entre un attachement profond à ses racines et un désir ardent de découvrir l’inconnu.
À leur façon, trois œuvres se concentrent sur les connexions humaines. Des chats sauvages de Steve Patry se présente comme une immersion tendre dans l’univers de Martin, un homme réservé qui s’est isolé du monde, mais pas de ses sentiments. Tandis qu’avec We Are Inside, la cinéaste Farah Kassem met en lumière son désir de renouer avec son père, en développant leur lien intime marqué par la poésie et les tensions intergénérationnelles sur fond d’agitation politique libanaise. Dans Valentina and the MUOSters de Francesca Scalisi, une jeune femme hypersensible qui rêve d’indépendance prend soin de ses parents vieillissants, à l’ombre d’une oppressante base militaire américaine en Sicile.
Les deux œuvres qui complètent cette section racontent l’inimaginable et témoignent d’énormes souffrances. Sous la forme d’un court métrage d’animation, Ibuka, Justice revisite les tragiques événements du génocide rwandais à travers les témoignages douloureux des parents du cinéaste Justice Rutikara. My Memory Is Full of Ghosts de Anas Zawahri, quant à lui, offre un portrait poignant de la ville syrienne d’Homs, où la population tente de faire face aux traumatismes de la guerre pour se reconstruire au milieu des ruines.
Présenté en projection spéciale aux RIDM, suivant un parcours festivalier remarquable (Berlinale, CPH:DOX, Karlovy Vary), Abiding Nowhere du cinéaste Tsai Ming-liang, maître du cinéma méditatif, nous plonge dans la beauté de l’instant et invite à réfléchir sur le rythme de la vie contemporaine avec ce dixième chapitre de la série Walker. Lee Kang-Sheng incarne une fois de plus ce moine marcheur, se mouvant méticuleusement à travers les paysages de diverses villes, cette fois à Washington D.C.
Également dans cette section, la projection spéciale Fragments d’une œuvre : les films de Jeannine Gagné, coprésentée par Tënk, permettra de redécouvrir une cinéaste qui, tout au long de sa carrière, a su défier les attentes comme les étiquettes grâce à une filmographie éclectique. Les RIDM présenteront deux de ses œuvres en 16 mm, Sans faire d’histoire et L’insoumise, suivie d’une discussion avec Jeannine Gagné.
Les RIDM tournent leur regard vers le Mexique, un pays dont la cinématographie nous plonge au cœur d’un contexte sociopolitique d’une grande complexité. Ce programme propose une perspective humaine des multiples réalités qui touchent ce vaste territoire, illustrant une riche variété de perspectives et d’approches esthétiques. Il sera composé des films Ciudad, Earth Altars, The Invisible Frontier, Malintzin 17, Mamá et Tótem.
Le 23 novembre, une discussion intitulée Territoire traversé : perspectives du documentaire mexicain portera sur la réalité du cinéma documentaire contemporain de ce pays. Animée par la cinéaste Nadine Gomez, elle réunira cinq participants au Focus Mexique : Xun Sero (Mamá), Sofía Peypoch (Earth Altars), Mariana Flores Villalba (The Invisible Frontier), Carlos F. Rossini (Ciudad) et Inti Cordera (DocsMX).
Depuis une quinzaine d’années, Iva Radivojević développe, avec une rigueur et une originalité renouvelée, un cinéma radicalement indépendant. Adoptant des esthétiques soignées et des structures narratives novatrices, ses œuvres s’affirment dans une pratique de la fragmentation ou de la dislocation du récit. Ses films arpentent une tension entre le réel et l’imaginaire, pour réfléchir de manière complexe aux enjeux de migrations, d’appartenance et de mémoire, des questionnements profondément influencés par son expérience personnelle.
Les RIDM mettent son travail à l’honneur avec la projection de son plus récent film, When the Phone Rang, présenté cette année au Festival de Locarno, des longs métrages Evaporating Borders et Aleph, ainsi que des courts métrages Between Colors Of I, Following Crickets, Gaāda { togetherness }, Nattō, Notes from the Border et Quietly I Walk The Wrong Way. Le festival présentera également All That Passes By Through a Window That Doesn’t Open réalisé par Martin DiCicco, coécrit et monté par Iva Radivojević, pour aborder son travail remarquable de monteuse. À l’occasion de cette rétrospective, une discussion aura lieu le 29 novembre où la cinéaste développera sur sa conception du cinéma lors d’un entretien avec Jason Fox, éditeur et fondateur de World Records.
Le Grupo de Cine Liberación sin Rodeos (Groupe de Ciné Libération sans tourner autour du pot) est fondé en 1972 à Cusco, au Pérou. À travers des explorations cinématographiques allant du pamphlet à une démarche plus impressionniste, les intentions sociales et politiques de ce collectif sont sans équivoque. Créant des représentations radicales et poétiques des réalités culturelles, sociales, politiques et économiques de plusieurs régions du Pérou, de l’Amérique latine et des Caraïbes, les films présentés dans cette rétrospective, Visión de la Selva, Una película sobre Javier Heraud, Niños, (sin título – sans titre) et Mécanos piratas de Lima, invitent à une réactualisation de notre réflexion sur la relation entre l’engagement social et le cinéma.
Cette programmation originale met de l’avant des formes documentaires qui explorent la narration à travers d’autres pratiques que le cinéma. Au programme cette année, la performance audiovisuelle Y’a matière au pays des éclairs qui regroupe le musicien Frédéric Boisclair et le cinéaste Charles-André Coderre, et Suivre les traces avec la compositrice et improvisatrice Ida Toninato (21 novembre), ainsi que Nous sommes au cinéma, une création sonore, vidéographique et performative expérimentale de Julie Faubert se déploie au Cinéma Moderne (27 et 28 novembre).
Trois séances d’écoute auront également lieu cette année. An Emotional Encyclopedia of War de Anna Kravets et Sound Desert de Diego Véliz seront présentées au Cinéma Moderne, avec l’aide de la documentariste Jenny Cartwright. Chacune de ces œuvres sonores sera accompagnée d’un coup de cœur des RIDM au festival de création sonore Phonurgia Nova (27 et 28 novembre). L’œuvre collaborative Inconditionnelles du collectif Art Entr’Elles, qui nous plonge dans les récits de sept femmes ayant connu la prison, sera présentée à la Salle Norman-McLaren, suivie d’une discussion sur la co-création avec des participantes du collectif (1er décembre).
Le balado Hantées de l’équipe de Transistor Média, dont la troisième saison vient de sortir sur Radio-Canada OHdio, prendra vie le temps d’une performance en direct qui sera suivie d’une discussion avec l’animateur Julien Morissette du populaire documenteur. Fantômes, esprits frappeurs et présences étranges, le public est invité à découvrir les histoires paranormales en Outaouais (1er décembre).
Deux tables rondes sont organisées au sein de ce volet de programmation. Au croisement du cinéma et de la littérature, L’art, la vie et la mort abordera la réalité de l’aide médicale à mourir comme élément de création artistique avec l’autrice Marianne Marquis Gravel, ainsi que les cinéastes du documentaire Simon & Marianne. Cet événement se tiendra au Palais des congrès dans le cadre du Salon du livre de Montréal (29 novembre). S’intéressant au rapport réalité-fiction dans des pratiques in situ, la table ronde Expérimenter l’espace entre réalité et fiction : travail politique de la perception rassemblera Daniela Angelucci (philosophe), Julie Faubert (artiste visuelle et sonore) et les cinéastes Pablo Alvarez-Mesa (The Soldier’s Lagoon) et Malena Szlam (Archipelago of Earthen Bones — To Bunya) (30 novembre).
Finalement, un programme double d’œuvres immersives constitué de This Is Not a Ceremony de Ahnahktsipiitaa et Texada de Josephine Anderson et Claire Sanford sera diffusé à la Satosphère de la Société des arts technologiques (SAT), présenté par Hubblo (20, 23, 26, 27 et 29 novembre).
Cette année, trois réalisatrices québécoises dont le film sera projeté en première lors de la 27e édition des RIDM ont été invitées à programmer un documentaire ayant inspiré leurs démarches de création.
Ainsi, Annie St-Pierre (Le Plein potentiel), Laurence Lévesque (Okurimono) et Laurence Olivier (Avancer masqué) participeront au volet Doc-à-doc, présenté par Télé-Québec. Elles s’entretiendront respectivement avec André-Line Beauparlant (Le petit Jésus), Sophie Bédard-Marcotte (L.A. Tea Time) et Simon Plouffe (Forêts) pour le programme Documentaires d’épouvante qui réunit quatre autres courts métrages, soit La nuit du Nalujuk, Nightmare 1, Nightmare 13 : Witch et Nightmare 25 : Driving. Ces projections, gratuites et ouvertes à toutes et à tous, seront suivies d’une séance de discussion entre cinéastes.
Une table ronde intitulée Entre la réalité et la dystopie avec Marianna Milhorat (Just Above the Surface of the Earth (For a Coming Extinction)) et Tobias Nölle (Preparations for a Miracle) propose un dialogue croisé entre deux films qui, avec une inventivité remarquable, dépeignent des mondes à la fois reconnaissables et déformés par les crises environnementales (22 novembre).
Afin de mettre en lumière l’inventivité des créateurs autochtones et l’importance des enjeux qu’iels exposent, les RIDM et le Wapikoni s’associent à nouveau cette année afin de présenter sept courts métrages : Awani Na Nokmes? de Tedesso Lachapelle et Isaak Lachapelle Gill, Ilnikueu du comité de femmes de Mashteuiatsh Puakuteu, Madah8do al8miwi nia de Kim Arseneault, Nipi utaiamun de Uapukun Mestokosho McKenzie, Résilience de Mali, Ush de Pierre Gill, Le voleur de paix de Charles Hervieux-Rock.
Programmées en première partie des films de la compétition nationale longs métrages, ces œuvres aux approches et thématiques variées seront l’occasion de découvrir de nouvelles voix et de souligner le travail colossal accompli par le Wapikoni qui célèbre son 20e anniversaire cette année. Le travail des jeunes cinéastes autochtones sera également marqué par la sélection du film Auen tshil, auen nil de Frédérique Picard à la Soirée de la relève Radio-Canada.
Pour une dixième année à la Cinémathèque québécoise, les RIDM ont le plaisir de convier jeunes et moins jeunes, les dimanches matin, à des projections pour toute la famille afin d’initier les cinéastes en herbe au cinéma d’inspiration documentaire. Deux programmes seront proposés au jeune public.
Présenté par la lumière collective, Première Vue consiste en un programme de films expérimentaux destinés au jeune public et réalisés par des cinéastes basés à Montréal. La projection sera suivie d’un atelier de réflexion critique créative adapté tant aux plus petits qu’aux plus grands (24 novembre).
Encore cette année, le Carrousel international du film de Rimouski propose une sélection de courts métrages d’animation drôles, tendres et étonnants sur le thème On lâche pas la patate!, qui réjouira toutes les générations. La projection sera suivie d’un atelier développé par des étudiants du programme d’animation cinématographique de l’Université Concordia (1er décembre).
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